Samedi 21 mai, l’association sans but lucratif bruxelloise SB Overseas fêtera ses cinq ans d’engagement pour la solidarité entre les Syriens, victimes de la guerre dans leur pays, et les Belges. Sa présidente, Louma Albik, nous explique de quoi il s’agit.
Les élèves d’une des deux écoles primaires qu’anime Louma Albik à Alep, avaient témoigné de leur sympathie pour la Belgique après les attentats à Bruxelles et Zaventem. Récemment cependant, cette petite école a elle-même été détruite lors d’un bombardement de la ville; cinq de ces jeunes enfants n’ont pas survécu à l’attaque. Mais les survivants "vont tout reconstruire", assure Louma!
Cette Belgo-Syrienne de 39 ans habite depuis plus de quinze ans en Belgique, avec ses trois fils et son époux. Ce dernier avait quitté la Syrie pour travailler dans le secteur touristique, dans le pays natal de sa maman originaire de Liège. Or début 2011, du jour au lendemain, la Syrie n’était plus une destination pour touristes, mais un pays en guerre.
Cela a si profondément touché Louma Albik, qu’elle s’est lancée sans hésitation dans l’aide humanitaire. Son association ‘SB Overseas’ a aujourd’hui cinq ans. Elle est active dans les camps de réfugiés au Liban – à Arsal au nord-est du pays et dans le camp emblématique de Shabra à Beyrouth – et en Syrie. Et elle associe explicitement des jeunes bénévoles – musulmans et non musulmans – belges à son action. "Un engagement radical… mais pour la paix!".
"Tant au Proche Orient qu’ici, beaucoup de jeunes souffrent du sentiment que l’Occident est largement responsable du dérèglement du Levant explique-t-elle, et que les pays occidentaux, comme la Belgique, ne se préoccupent guère de la population du Moyen Orient. Cette rage peut se transformer en extrémisme. Nous voulons y apporter une réponse en démontrant à ces jeunes qu’ils peuvent s’engager pour le Moyen Orient sans recourir à la violence.".
Comment fonctionne votre association?
Plus de cent-vingt jeunes originaires de Flandre, de Bruxelles et de Wallonie nous aident régulièrement à rassembler des vêtements ou des chaussures, des couvertures, du matériel scolaire ou des vivres non périssables pour les réfugiés syriens dans les camps au Liban ou en Syrie. Beaucoup d’entre eux sont des musulmans, mais nous avons aussi de nombreux catholiques parmi nos bénévoles: le vivre ensemble entre religions est une constante chez nous.
Nous envoyons tout ce que nous rassemblons en containers au Moyen Orient et, personnellement, j’y vais souvent pour en ramener photos et vidéos témoignant de l’importance de ce que nos bénévoles font pour les plus démunis dans les camps. Nous organisons aussi des activités de récolte de fonds, souvent avec les parents de nos jeunes: la fierté de leurs parents est très importante pour eux.
Vous êtes vous-même originaire d’Alep?
Oui, mes parents ainsi qu’une partie de ma famille y vivent toujours; ils ne veulent pas quitter leurs quelques biens malgré les bombardements continus. Moi, j’ai suivi mon mari vers la Belgique il y a quinze ans déjà, mes trois enfants sont nés ici. Je suis donc Belge, mais je resterai aussi toujours Syrienne.
Ce qui m’attriste, c’est que mes enfants ne connaissent pas la Syrie de ma jeunesse. Alep était une ville multi-religieuse. J’ai connu personnellement le père jésuite Paolo Dall’Oglio qui a été kidnappé en 2013. Les filles musulmanes allaient chez les scouts des sœurs franciscaines d’Alep; nous n’étions pas encore voilées mais les sœurs l’étaient; nous priions même ensemble.
Notre but est aussi de faire ressentir aux réfugiés syriens qui résident dans les camps au Liban ou en Syrie qu’ils ne sont pas oubliés. Vous ne pouvez pas vous imaginer les conditions de vie dans ces camps: nous y installons des latrines, nous y construisons des petites écoles pour les enfants, nous y organisons des workshops pour apprendre aux femmes-veuves à gagner leur vie.
Les autorités vous soutiennent-elles dans tout cela?
Non. Je viens d’aller mendier des subsides dans des pays arabes, mais ils sont convaincus que les pays occidentaux m’aident. Ici, en Europe, toutes les portes restent également fermées, tant celles des autorités que celles des organisations multilatérales ou non gouvernementales. Je n’obtiens même pas de réponse à mes prises de contact répétées. Mais nous tenons le coup avec ce que des particuliers nous donnent… Notre devise: ‘Boekra ahla’ – ‘Demain sera un jour meilleur’. Regardez ces trois enfants du camp de Shabra: Abdul a vu tuer quatre de ses frères, le garçon était totalement désorienté. Avec notre soutien psychologique, nous sommes arrivés à le remettre debout.
Notre fidélité est sans doute notre arme la plus puissante. Les gens que nous soutenons dans les camps le savent bien: ceux de ‘SB Overseas’ ne nous laissent pas tomber. Mais quand je vois comment ils se ruent sur les quelques vivres ou vêtements que nous leur apportons, je me rends compte à chaque fois de la profondeur de leur misère".
Benoit Lannoo