Au terme d’une longue procédure, précédée d’une longue bataille juridique, l’ex-président tchadien a été condamné à la prison à perpétuité, pour crimes contre l’humanité notamment. Le procès s’est déroulé à Dakar, au Sénégal, instruit par un tribunal spécial africain. Une première, qui (on peut l’espérer) fera date.
Le tribunal spécial qui jugeait l’ex-président tchadien Hissène Habré à Dakar l’a reconnu coupable, ce lundi 30 mai, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. M. Habré est donc condamné à la prison à vie. Le tribunal l’a également reconnu coupable de viols, exécutions, esclavage et enlèvements.
Poursuivi pour « crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de torture », Hissène Habré a dirigé le Tchad pendant huit ans (1982-1990), avant d’être renversé par un coup d’Etat mené par l’un de ses anciens collaborateurs, l’actuel président Idriss Déby Itno. Hissène Habré s’est alors réfugié au Sénégal. Dans les années suivantes, des victimes, parfois regroupées en associations, n’ont eu de cesse de faire condamner l’ancien dictateur pour ses crimes présumés, et pour lesquels il est désormais reconnu coupable. Le nombre de personnes tuées pendant le « règne » d’Hissène Habré s’élèverait à 40.000.
Finalement arrêté en juin 2013, au Sénégal, il était jugé depuis le 20 juillet 2015 par les Chambres africaines extraordinaires (CAE), créées à la suite d’un accord entre le Sénégal et l’Union africaine (UA). Cour que l’accusé… récusait, et devant lesquelles il refusait de s’exprimer. Il récusait également ses avocats à intervalles réguliers, provoquant plusieurs reports du procès.
Ce lundi, la Belgique s’est félicitée du bon déroulement du procès. Un procès sans précédent, puisqu’il s’agit du premier du genre organisé en Afrique pour juger un ancien président. Le procès qui s’est achevé hier est d’ailleurs le premier au monde dans lequel un ancien chef d’Etat est traduit devant une juridiction d’un autre pays pour violations présumées des droits de l’homme. L’organisation de ce procès répondait à un reproche fréquemment formulé en Afrique, à différents niveaux, à savoir que ce type de crime n’était jamais jugé en Afrique, mais toujours par des cours spéciales organisées à l’étranger.
La Belgique a, dans un communiqué publié par le Service public fédéral (SFP) Affaires étrangères, « félicité le Sénégal pour son courage et sa détermination à rendre justice aux victimes, permettant de faire avancer la lutte contre l’impunité« .
La Belgique avait, depuis 2005, délivré un mandat d’arrêt à l’encontre de Hissène Habré, et adressé aux autorités sénégalaises une demande d’extradition restée sans réponse. La Belgique a alors saisi la Cour internationale de Justice (CIJ) en 2009 de son différend avec Sénégal dans cette affaire. La CIJ a rendu sa décision en 2012, sommant le Sénégal de poursuivre pénalement Hissène Habré ou, à défaut, de l’extrader vers la Belgique.
C’est la première option qui a été donc été retenue, avec le résultat que l’on connaît depuis hier.
Christophe Herinckx, avec AFP
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