Trois sous de côté, le regard sur la vie modifié


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Trois sous de côté, le regard sur la vie modifié
Par La rédaction
Publié le
3 min

SociétéLes publics précarisés ont bien du mal à épargner pour faire face aux imprévus de la vie. Une expérience originale d’accompagnement à la micro-épargne est en cours dans nos villes.

C’est presque devenu une ritournelle: les Belges disposent d’un bas de laine considérable. Cette manne n’est pas investie, ou trop peu, dans l’économie. Mais, pour un public relativement large (1), la possibilité de mettre un peu d’argent de côté est tout simplement impossible. Rien, pas un euro! Financité, un réseau qui regroupe une série d’associations actives dans l’utilisation éthique et solidaire de l’argent, déplore une autre réalité de notre pays, liée cette fois à la fiscalité. Le principal incitant à mettre son argent de côté, chez nous, consiste en effet en l’exonération du précompte mobilier sur les premiers 1.880 euros d’"intérêts" rapportés par un carnet de dépôt. Ce qui, évidemment, ne concerne que les revenus moyens ou aisés, pas les plus bas...

Stratégies gagnantes

Ces constats ont amené l’association à proposer une formule originale de micro-épargne, spécifiquement adaptée au public démuni. Concrètement, les personnes intéressées - uniquement des volontaires, sollicitées notamment dans les CPAS - sont invitées à mettre quelques euros de côté chaque mois. Sur la somme constituée (120 euros annuels maximum), elles reçoivent une bonification - un intérêt - de 20%. Soit bien plus que les taux pratiqués actuellement par les banques. En "échange", elles s’engagent à participer à plusieurs séances de sensibilisation au crédit, au surendettement, aux achats groupés, etc.

On y évoque les pistes pour mieux gérer son budget et pour acheter moins cher: étalement des factures d’eau et d’électricité, recours aux bourses aux vêtements, participation à des potagers collectifs et des services d’échanges locaux (SEL), etc. Le partage d’expériences entre pairs y est valorisé, sous la conduite d’un animateur spécialisé. "Le but n’est pas d’asséner des injonctions à l’épargne à tout prix, commente-t-on au siège de Financité. Les publics précaires savent pertinemment que l’absence d’épargne peut mener au surendettement. Il s’agit, plutôt, de leur (re)donner une marge d’action, de choix. De leur (ré)apprendre les stratégies gagnantes. Et de casser les mantras négatifs du genre: ‘je suis nul, je n’y arriverai jamais’".

Une quinzaine de projets de ce genre, basés sur des groupes d’une dizaine de participants, sont déjà actifs, dont trois à Bruxelles (2). Chaque mois pendant un an, les bénéficiaires sont invités à épargner le montant de leur choix, même symbolique.

100 euros par an

Et ça marche? Un projet pilote, expérimenté il y a trois ans, a permis d’aboutir à trois constats. Primo, l’attitude des personnes envers l’épargne a changé. Autrefois jugée ‘impossible’ ou ‘inutile’, cette dernière est davantage vue comme ‘positive’ et ‘bienfaisante’. Secundo, la vigilance face à l’offre de crédits s’est renforcée. Tertio, et c’est peut-être le principal, ces sessions d’éducation à la finance et à l’épargne ont redonné de la confiance en soi aux participants et ont permis leur inclusion sociale. "La puissance de la dynamique de groupe nous a surpris, explique-t-on chez Financité. Certes, les montants épargnés - rarement plus que 100 euros - sont restés modestes, et en tout cas insuffisants pour faire face à une grosse dépense imprévue. Mais une personne sur deux a réussi à épargner régulièrement pendant le projet. Et, sept mois après la clôture de celui-ci, un bénéficiaire sur quatre continuait à épargner, mais un montant plus élevé qu’auparavant". De bon augure pour les projets en cours.

Francis Demars

(1) Un Belge sur quatre vit sans épargne dite "de précaution", soit de l’ordre d’un mois de revenu.

(2) Plus d’infos: Financité – Tel. 02/340.08.60 - www.financite.be

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