Dans le cadre d'un "sommet" qui a réuni dirigeants européens et africains à Malte cette semaine, les contours d'un futur accord ont été dessinés ce mercredi 11 novembre. Que prévoit cet accord, et est-il réaliste?
Un consensus semblait donc se dégager mercredi soir concernant un plan d'action destiné à aborder de manière globale et commune à l'Europe et à l'Afrique la problématique de la migration. Ce qui ressemble ainsi aux premiers éléments d'un accord ne concerne donc pas, a priori, les nombreux réfugiés en provenance de Syrie et d'Irak.
Au terme des discussions qui ont été rondement menées, dirigeants africains et européens ont convenu de s'attaquer aux causes "profondes" de la migration de nombreux Africains vers l'Union européenne, dont le manque de perspectives économiques viables pour les jeunes, mais aussi les problèmes en matière de démocratie, encore balbutiante dans un certain nombre de pays africains.
La limitation de l'immigration économique vers l'Europe passerait, notamment, par l'augmentation de l'aide au développement aux pays en difficulté, et la mise en oeuvre de politiques de retour et de réadmission dans les pays d'origine, pour les personnes dont la demande d'asile aura été rejetée. Sur ce dernier point, les Européens étaient très demandeurs. En 2014, moins de 30% des personnes dont la demande a été rejetée en Europe sont effectivement rentrées dans leur pays d'origine.
Les leaders ont également convenu de lutter contre toutes les formes de migrations illégales, et d'être plus accueillants pour les étudiants et les chercheurs. Il faudrait cependant être vigilants à ce que ces filières ne deviennent pas de nouvelles voies d'immigration illégale, a relevé le Premier ministre belge Charles Michel, qui qualifie de "bon document" le texte que les dirigeants européens et africains ont rédigé de concert.
Aide réaliste au développement?
A la suite de cet accord, demandons-nous quel serait le montant de l'aide au développement accordé aux pays africains. D'après le texte adopté à Malte, le montant global mis sur la table par l'Union européenne serait de... 1,8 milliard d'euros. Autrement dit: une aide dérisoire, une goutte dans l'océan, même au regard des "budgets" des pays africains les plus pauvres.
Autre question: pourquoi, au lieu de faire de l'Union européenne une forteresse inaccessible, pour répondre à la peur d'invasion exprimée par une partie de l'opinion publique européenne, nos dirigeants ne s'attellent-ils pas à expliquer à nos concitoyens que l'arrivée même importante de migrants sur le territoire européen peut, si elle est bien gérée, s'avérer bénéfique pour nos sociétés vieillissantes? Au lieu de cela, on préfère jouer sur cette peur, ou on l'attise même parfois, pour proposer des solutions inadaptées à la situation.
Selon François de Smet, philosophe et directeur de centre fédéral Migration (Myria), qui répond aux questions du quotidien "La Libre", il est temps de développer une véritable politique migratoire en Europe, qui "accepte le phénomène, et qui en tire le meilleur car, à long terme, il est possible qu’on ait besoin des migrations pour des raisons démographiques et économiques." Et Monsieur de Smet d'ajouter: "Il pourrait être de l’intérêt des pays européens de s’intéresser un peu plus à la question des migrations, car un migrant ne prend pas juste une partie du gâteau, il agrandit ce même gâteau. Il n’est pas seulement un consommateur de prestations sociales, il est aussi un contributeur."
Un immigrant, qu'il soit économique ou réfugié, ne vole pas nécessairement nos emplois, il peut aussi en créer. Le vieillissement des populations européennes entraînera, de plus en plus, des pénuries d'emplois et des manques de recettes sociales et fiscales. Le problème est peut-être, entre autres, que nos structures d'accompagnement ne sont pas adaptées au terrain actuel de l'emploi, non seulement en Belgique, mais partout en Europe.
Discours simpliste, ou au contraire réaliste? Pour le savoir, il faut au moins ouvrir la discussion, l'aborder ouvertement dans le débat public. Même s'ils ne sont pas les seuls à devoir affronter ce type de problèmes, les politiques se doivent néanmoins d'être en première ligne sur ces questions. Au lieu d'envisager des solutions à (très) court terme - comme par exemple, renvoyer chez lui un réfugié après cinq ans, si son pays d'origine est redevenu sûr, même s'il est intégré économiquement et "familialement" chez nous? -, ne faut-il pas réfléchir sur le moyen et le long terme?...
C.H. (avec Belga et lalibre.be) - photo: (c) UNCHR