On recense plus de 400 conflits d’intensités diverses dans le monde. Certains d’entre eux durent depuis des décennies et la fin des hostilités semble encore lointaine. S’ils ne font plus la « une » de l’info, ils continuent de provoquer leur lot de morts et de souffrance.
L’information a cela de déroutant: elle s’intéresse à des faits d’actualité immédiate, mais s’ils s’éternisent ou s’enlisent, ils disparaissent des écrans et des « unes » des journaux au fil du temps. Aux côtés de conflits toujours médiatisés, comme la guerre en Ukraine ou celle liée aux terroristes de l’Etat dit islamique, il existe toujours des dizaines « conflits oubliés » qui continuent de semer la mort et la désolation. Le choix est hélas vaste et les dirigeants des grandes démocraties y sont moins ou peu sensibles. Bien sûr, on dira que la guerre en Syrie reste l’une des préoccupations des grandes nations. Mais que fait-on pour y mettre fin? Pris entre l’envie de se débarrasser de Bachar al-Assad et celle de ne pas favoriser l’émergence d’une nation islamiste, nous nous bornons à observer, sans réagir. Même la vague de réfugiés syriens, risquant leur vie pour traverser la Méditerranée, ne fait pas réagir l’Europe.
L’Afghanistan et l’Irak sont loin d’être pacifiées et le retrait des troupes occidentales de l’ONU et de l’OTAN ne va rien arranger, au contraire.
Le monde a cru respirer lorsque le « printemps arabe » a eu lieu. Il a applaudi la chute des dictatures. Mais qu’en reste-t-il aujourd’hui? Si l’on excepte la Tunisie et le Maroc, où de réelles avancées ont eu lieu (même si elles sont timides), les autres pays sont toujours caractérisés par une instabilité politique grandissante. Ainsi en est-il de la Libye, dont on ne parle plus, mais où le chaos s’est installé et l’Egypte n’est guère mieux lotie tout comme l’Algérie. En Afrique de l’Ouest, si la Centrafrique et le Burkina Faso ont retrouvé une relative paix politique, ces pays, tout comme d’autres (Mali, Niger, Nigeria…) doivent faire face à des rébellions armées ou à des groupes islamistes extrémistes, qui sèment la mort et la désolation. Par ailleurs, les enjeux de la piraterie au large de la Somalie restent d’actualité, même si ces actes ont eu tendance à diminuer.
En Europe, outre la guerre en Ukraine, les tensions restent réelles entre la Russie et la Tchétchénie, donnant lieu à de fréquents actes de violences. Il y a aussi le problème du Haut-Karabagh, qui a fait l’objet d’une guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan jusqu’en 1994, mais qui, malgré sa déclaration d’indépendance, reste isolé (voir Dimanche n°40).
Dans l’est de la République Démocratique du Congo, les troupes gouvernementales congolaises continuent à lutter contres les anciens soldats du FDLR (Front Démocratique de Libération du Rwanda) et contre les rebelles Maï-Maï. Là aussi, les exactions se comptent par centaines, voire par milliers.
Dans ce sombre tableau, il faut aussi ajouter le conflit au Soudan du Sud, qui a débuté moins d’un an après sa déclaration d’indépendance, qui se conjugue en outre avec une autre guerre qui l’oppose au Soudan dont il s’est séparé.
On n'en parle guère, mais il ne faut pas minimiser la bataille qui fait rage entre l’Inde et le Pakistan pour le contrôle du Cachemire, sans oublier l’annexion du Tibet par la Chine et les soubresauts fréquents qui agitent les relations entre les deux Corée, entre la Chine et Taïwan et même la Chine et le Japon. De même, la rébellion Tamoul au Sri Lanka apporte aussi son lot de morts tout comme la lutte au Pakistan entre le gouvernement et les talibans.
Enfin, il y a des conflits intérieurs comme ceux qui sévissent en Colombie, voire au Mexique et dans plusieurs pays d’Amérique du sud comme le Pérou.
Des actions de paix porteuses d’espoir
Selon Pax Christi, seuls trois conflits (contre Al Qaeda, en Irak et dans le Darfour au Soudan) ont moins de dix ans. « Chacun à leur manière, ces conflits démontrent la complexité d’un monde en mutation et nous invite à nous interroger sur notre rôle à nous, Occidentaux, dans les dynamiques qui amènent ces conflits à émerger », estime l’association catholique. Pax Christi reste en effet persuadé que la paix est bien entendu possible mais surtout, que le citoyen n’est pas impuissant.
Parallèlement, des actions en faveur de la paix ou de la résolution de certains conflits, ont lieu. La Communauté Sant’Egidio agit discrètement mais avec efficacité, notamment dans la recherche de solutions pour des conflits dont on a parfois oublié les origines: en Casamance (Sénégal) ou dans l’ile de Mindanoa. Son rôle a été salué en novembre dernier par le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon et la sous-secrétaire pour les aides humanitaires Valérie Amos. Ils ont reçu une délégation de la Communauté de Sant’Egidio, menée par son président Marco Impagliazzo. Les deux responsables onusiens ont rappelé leur admiration pour le travail de recherche d’une solution pacifique dans différentes crises internationales. Ban Ki-Moon a même déclaré: « Je vous félicite! Il n’y a pas de région dans le monde dans laquelle vous ne soyez pas engagés ». Le secrétaire général a demandé des approfondissements sur le processus de paix à Mindanao, sur celui en Casamance et sur la situation de la Syrie.
Tant Ban Ki-Moon que Valérie Amos ont aussi apporté leur soutien à la campagne lancée par Andrea Riccardi pour sauver Alep en Syrie et ont souligné le rôle positif que les religions peuvent jouer dans la construction de la paix, comme dans le cas de la Centrafrique ou de Mindanao.
Il a également été question de la longue et intense collaboration entre les Nations unies et Sant’Egidio dans les processus de paix depuis l’accord de paix pour le Mozambique.
Un triste record
Malgré ces actions prometteuses, il est un triste record à ne pas perdre de vue. Entre la multiplication de nouvelles crises qui obligent les populations à fuir leur foyer, et la persistance des vieilles crises qui semblent ne jamais se terminer, le nombre de déplacés dans le monde dépasse 55 millions. C’est un triste record dans la mesure où le seuil psychologique des 50 millions de personnes déplacées datait de… la Seconde Guerre mondiale!
Voilà pourquoi, l’Eglise par la voix du pape, continue de dénoncer ces situations inacceptables. A l’ONU, l’observateur du Saint-Siège a multiplié les interventions pour conscientiser les grandes nations. Car, loin des caméras et de l’attention des démocraties occidentales, des hommes souffrent en silence et sont aujourd’hui oubliés de tous. Ils luttent pour leur survie, pour leur liberté et pour leur dignité.
Frédéric Laurent