Une majorité de musulmans dans le monde sont en faveur de l'instauration de la charia, la loi islamique, dans leur pays, selon un sondage, publié le 30 avril dernier, de l'institut américain "Pew Research Center on religion an public life". Les musulmans ont cependant des opinions très diverses selon les pays ou les régions du monde sur ce que la charia recouvre.
99% des musulmans Afghans veulent que la charia soit établie dans leurs pays, contre seulement 8% de la population islamique d'Azerbaïdjan. Lorsque les musulmans disent qu'il veulent la charia,"cela ne dit pas tout", précise Neha Sahgal, chercheuse au "Pew Research Center", interrogée par le quotidien américain "The Los Angeles Times". Les musulmans "ne sont pas d'accord entre eux sur l'interprétation à donner à la loi islamique", explique la scientifique.
L'étude réalisée auprès de 38.000 personnes dans 39 pays de 2008 à 2012 a montré qu'une large majorité de musulmans d'Afghanistan et d'Irak soutenaient l'établissement de la charia. Une petite majorité partage cette opinion au Moyen-Orient, en Afrique du Nord, en Afrique sub-saharienne, en Asie du sud et du sud-est. L'idée est nettement moins populaire en Asie Centrale, en Russie et dans les Balkans, où la perspective recueille beaucoup moins que la moitié des suffrages.
Châtiments corporels mal vus
Alors que de nombreux musulmans dans le monde promeuvent la loi islamique, une écrasante majorité d'entre eux soutiennent dans le même temps la liberté religieuse. Beaucoup de musulmans pensent en effet que la charia ne devrait s'appliquer qu'à eux-mêmes. Dans de nombreuses régions, la population islamique souhaite que la charia puisse régler les différends au niveau de la sphère privée, les affaires familiales ou foncières. Une majorité rejettent les châtiments sévères tels que le sectionnement des mains pour les voleurs, les supplices des coups de fouets ou l'exécution des musulmans apostats.
72% des musulmans rejettent la violence au nom de l'islam
La plupart des musulmans du monde partagent l'idée selon laquelle le suicide, l'homosexualité et la prostitution sont immorales, mais les avis sont plus divisés concernant le divorce ou le contrôle des naissances. Par ailleurs, la polygamie est considérée comme moralement incorrecte par les musulmans tunisiens, mais elle est acceptable pour une majorité des musulmans du Niger et du Sénégal.
La moitié des musulmans sont également préoccupés par l’extrémisme religieux dans leur pays. De même, une majorité de femmes comme d’hommes estime que la femme doit obéir au mari, notamment en Irak, au Maroc, en Tunisie, en Indonésie, en Afghanistan et en Malaisie. Une majorité jugent cependant qu’une femme doit pouvoir décider toute seule de porter ou non le voile.
Seuls l’Afghanistan et l’Irak excusent majoritairement les crimes d’honneur. La violence au nom de l’islam est largement rejetée par 72% des musulmans dans le monde. Elle est cependant approuvée par des minorités substantielles au Bangladesh, en Egypte, en Afghanistan et dans les territoires palestiniens.
Enfin, la plupart des musulmans considèrent en général que l'islam est la seule vraie foi, permettant d'entrer au paradis.
Apic
Qu'est-ce que la charia?
En arabe, le terme "charia" signifie "voie", "chemin". Dans un contexte religieux, il désigne "le chemin, la voie d’accès pour respecter la loi de Dieu". C'est un "code de conduite" islamique qui régit un grand nombre d’aspects de la vie d’un musulman que ce soit pour l'alimentation, la tenue vestimentaire, les transactions financières, le droit de la famille, les infractions pénales…
Cependant, la charia n’est pas formellement codifiée dans un texte. Son contenu est donc affaire d’interprétation par des juristes musulmans qui sont chargés, à partir du Coran et de la Sunna, d'établir des règles plus précises. Ce qui explique que, selon les États, la charia soit plus ou moins restrictive. Si au Soudan et en Arabie Saoudite, la charia autorise certains châtiments traditionnels (lapidation, flagellation, amputation), ce n'est pas le cas dans d’autres pays. Un État peut donc très bien revendiquer la charia comme référence suprême sans pour autant que ces règles soient les seules applicables, ni qu'elles soient prioritaires. (P.G.)