Le 10 janvier dernier, la Cour européenne des droits de l’homme a épinglé une nouvelle fois la Belgique pour le sort qu’elle réserve aux délinquants déclarés pénalement irresponsables. Plus d’un millier d’entre eux séjournent dans les annexes psychiatriques de nos prisons, dans l’attente d’une place dans un centre spécialisé. Une situation qui ne semble pas vraiment émouvoir le monde politique.
Les malades mentaux placés en détention du fait de leur dangerosité doivent bénéficier de soins appropriés, a souligné la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg, dans un arrêt rendu public le 10 janvier dernier, après avoir été saisie par André Claes, un Belge âgé de 60 ans qui, après plus de 15 ans de prison, demande en vain une place en hôpital psychiatrique.
Depuis 1977, le requérant est considéré comme un malade dangereux pour avoir violé ses deux sœurs mineures et agressé sexuellement un enfant. Détenu depuis lors dans l’annexe psychiatrique de la prison de Louvain, il a lancé en 2007 une action en justice pour contraindre l’État belge à lui trouver une place dans un établissement spécialisé. Ce qui n’est toujours pas le cas aujourd’hui.
Un traitement dégradant
Les juges européens ont reconnu un problème structurel, car le placement à l’extérieur des prisons est souvent impossible, soit par manque de place dans les établissements spécialisés, soit à cause des difficultés juridiques. Pour autant, ils ont estimé que le requérant n’avait pas bénéficié d’une prise en charge adéquate de son état de santé. Son maintien en détention dans des conditions déficientes a donc constitué un traitement dégradant et une violation de son droit à la liberté, a tranché la Cour, qui a alloué 16.000 euros au malade au titre de dommage moral.
Ce n’est ni la première ni la dernière fois que la Belgique est condamnée dans un tel dossier. En octobre dernier, Strasbourg avait déjà rappelé à l’ordre notre pays. Et l’avocat qui a obtenu gain de cause, le 10 janvier dernier, attend des arrêts dans une quinzaine d’autres affaires. En réalité, plus d’un millier d’internés séjournent actuellement dans les prisons belges. Le sénateur SP.A Bert Anciaux s’en est ému récemment et a déposé une proposition en vue de modifier la loi de défense sociale qui date de 1930.
Un manque de places
Le problème ne pourra toutefois pas être réglé tant qu’il n’y aura pas plus de places disponibles dans les institutions spécialisées. De plus, nombre d’entre elles refusent les détenus internés, car elles estiment – parfois à juste titre – que ces pensionnaires sont trop dangereux.
Déjà en 2007, la Ligue des droits de l’homme regrettait que, dans ce dossier, « l’aspect sécuritaire prime sur l’aspect médical ». « Ces personnes, malades, doivent être soignées« , déclarait-elle, « et ne peuvent faire l’objet d’une mesure punitive telle que la prison. » Elle pointait également du doigt toute une série de problèmes propres aux annexes psychiatriques, tels que la surpopulation, le délai excessif de transfert vers un établissement de défense sociale, le manque de personnel, la qualité de soins largement insuffisante et le manque, voire l’absence, d’activités. Une situation que condamnaient également le Comité pour la prévention de la torture et l’association des médecins travaillant en établissements pénitentiaires. Cinq ans plus tard, les conditions de vie de ces détenus ne se sont toujours pas améliorées.
Pascal ANDRÉ