Tuerie de Courcelles : un devoir de mémoire toujours vivace


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Tuerie de Courcelles : un devoir de mémoire toujours vivace
Par Diocèse de Tournai
Publié le
5 min

18 août 1944 – 18 août 2024. 80 années se sont écoulées depuis cette aube tragique, où 19 victimes innocentes ont été abattues d’une balle dans la nuque devant le n°26 d’une rue qui aujourd’hui porte le nom de «rue des Martyrs». Mais dans le quartier, l’émotion est chaque été toujours la même…

Certains ont été choisis au hasard. Ils étaient là au mauvais endroit, au mauvais moment. D’autres étaient des notables, certainement déjà en ligne de mire des collaborateurs rexistes de sinistre mémoire. Policier, médecin, architecte, homme de loi, prêtre,… Une vingtaine d’hommes et de femmes séquestrés à l’issue d’une expédition punitive menée après que le bourgmestre rexiste du Grand-Charleroi, Oswald Englebin, ait été abattu près du Bois du Rognac à Courcelles, avec son épouse et son fils.

Pendant une nuit, ils seront entassés dans la cave basse et exigüe d’une maison toute proche du Rognac. Au petit matin, ils en sortiront pour être abattus, l’un après l’autre, d’une balle dans la nuque. Seuls trois des otages échapperont à la mort. Huit décennies plus tard, personne ne les a oubliés, à Courcelles. Un grand monument a été dressé un peu plus bas en leur hommage, leurs noms gravés dans le marbre et dans les mémoires.

Demeurer vigilants

Alors le 18 août, chaque année, des dizaines de personnes convergent vers la rue des Martyrs. Des officiels, des descendants des victimes, des membres d’organisations patriotiques, des gens du quartier, l’un ou l’autre représentant des médias… Ceux qui le souhaitent peuvent aller se recueillir dans la petite cave du n°26, dans laquelle on se tient à peine debout. Au rez-de-chaussée, un documentaire raconte en boucle cette page sanglante de notre histoire. Des photos rendent un visage à chacun des otages. Sur une table se trouvent quelques exemplaires d’un livre plus spécialement consacré au chanoine Pierre Harmignie, curé-doyen de Charleroi, qui jusqu’au bout a tenté de réconforter ses compagnons d’infortune.

Après une minute de silence devant la plaque commémorative, tout le monde descend jusqu’au monument des martyrs. En ce 80e anniversaire, la bourgmestre de Courcelles évoque la tuerie, les souffrances de la Seconde guerre mondiale, les atrocités rexistes. Et lance un appel pour l’avenir: «C’est à travers la mémoire que nous honorons les victimes et que nous transmettons aux générations futures les leçons cruciales de notre histoire. Ne jamais oublier signifie également demeurer vigilants face aux menaces de haine et d’intolérance qui persistent encore aujourd’hui.»

Messages de paix

Si l’occupation nazie «a plongé l’Europe dans le chaos et révélé les profondeurs de la cruauté humaine», elle a aussi mis en lumière «la résilience et le courage de ceux qui se sont dressés contre l’oppression». Se souvenir des victimes, de celles et ceux qui ont combattu pour notre liberté, doit nous guider vers la paix et la fraternité: «En rappelant les souffrances endurées, nous réaffirmons notre engagement à défendre les valeurs de liberté et de respect des droits de l’Homme.»

Lentement, la bourgmestre égrène le nom des 19 victimes du 18 août 44. Après une nouvelle minute de silence et la sonnerie aux morts, la mélopée du Chant des partisans s’élève, les paroles résonnent pour une assemblée recueillie. Dépôt de fleurs au pied du monument, défilé des participants devant les noms et les photos des martyrs, à l’intérieur de cette chapelle du souvenir…

Amour et espérance

Une partie des personnes présentes a ensuite pu vivre l’eucharistie dans le jardin de la maison des martyrs. L’abbé Étienne Mayence avait 6 ans quand son papa a été abattu dans cette rue du grand Charleroi. Aux côtés de l’abbé Thaddée Kumakinga, responsable de l’unité pastorale de Courcelles, c’est avec beaucoup de simplicité et d’émotion qu’il célèbre la messe.

Malgré sa voix ténue, parfois masquée par le passage d’un avion, l’abbé Mayence transmet à toutes et tous un message de fraternité et d’espérance en s’attardant sur les lectures du jour. L’Apocalypse qui «n’a pas bonne réputation car on se dit que tout va mal, que c’est la catastrophe» mais qui s’avère pourtant un très beau texte d’espérance. Et qui, comme dans les sagas telles Star Wars ou Harry Potter, met en scène la lutte du Bien contre le Mal. «Ces récits modernes ont un point commun: à la fin, le Bien triomphe, et souvent par l’intermédiaire de gens fragiles.»

L’Évangile selon saint Jean est lui aussi de circonstance: «Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime.» Pour l’abbé Mayence, «dans un monde où le dialogue semble parfois si difficile, cela reste un beau programme!»

Agnès MICHEL

Pour en savoir plus:

Un appel aux témoignages

Amélie et Valentin habitent la maison des martyrs depuis quelques années. La maison appartenait d’ailleurs à l’arrière grand-mère d’Amélie. Tous deux s’investissent beaucoup dans les commémorations de la tuerie de Rognac, en préservant la cave où les otages ont été séquestrés, en mettant les victimes en lumière, en invitant les gens chez eux, en dressant des tonnelles dans le jardin.

Mais ils veulent aujourd’hui aller plus loin. Car ils se rendent compte que la vie des victimes de Courcelles, ainsi que celle des personnes qui ont été tuées dans les environs immédiats le jour précédent, reste mal connue. Alors ils aimeraient les humaniser, les faire revivre à travers des témoignages. Par des textes, de courtes vidéos, des objets leur ayant appartenu,…

Si vous en savez plus sur les événements des 17 et 18 août 1944, si vous disposez de documents d’époque, si vous connaissez des personnes souhaitant apporter une pierre à l’édifice de ce devoir de mémoire, n’hésitez pas à contacter Amélie: achartier.gilly@gmail.com

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