Majestueux, puissant, impressionnant, émouvant, celui que Mozart et Bach ont sacré – à juste titre – le roi des instruments possède des sonorités et des possibilités tout à fait exceptionnelles. Depuis 2014 le Festival d’orgues de Namur propose de redécouvrir ces monuments ancestraux de ce diocèse et toute la richesse de leur vaste répertoire. Des projets de restauration sont également à l’œuvre. Ce 22 octobre, après des années de travaux, la bénédiction des orgues restaurées de l’église Saint-Loup de Namur, ajoutera un nouvel instrument de grande qualité au riche patrimoine du diocèse namurois.
Il n’y a que trois mots de la langue française qui ont cette particularité assez étonnante d’être masculin au singulier et féminin au pluriel : il s’agit des mots amour, délice et orgue. On parle des orgues au féminin pour désigner de manière emphatique un même et unique instrument. Alors qu’on en parlera au masculin, s’il s’agit de plusieurs. Cela traduit peut-être déjà toute la complexité de cet instrument qui nous emporte ailleurs avec délice. L’orgue « reprend tous les sons de la création et se fait l’écho de la plénitude des sentiments humains, de la joie à la tristesse, de la louange à la lamentation, écrit le chanoine Rochette. En outre, par la merveille ingénieuse de sa réalisation, l’orgue traduit quelque chose de la grandeur de Dieu. » « Parfait pour accompagner les voix d’une foule immense ou la mélodie d’une petite flûte, l’orgue attire par la richesse de ses sons et la complexité de ses mécaniques » continue Rudi Jacques, facteur d’orgues à Hastière.
Et pourtant, s’il est installé dans les églises depuis le XIe siècle, l’orgue semble encore souvent méconnu et mystérieux. Peut-être parce qu’il n’est pas seulement un instrument de musique mais aussi un élément architectural du bâtiment qui l’abrite et l’intègre harmonieusement. Contrairement à la plupart des autres instruments, l’orgue comprend deux parties partiellement indépendantes : d’une part la partie musicale (claviers, transmissions, sommiers, tuyauterie, soufflerie, etc. : éléments à la base de la production des sons), et d’autre part la partie structurelle (le ou les buffets, la tribune). Ces éléments peuvent traverser les années et les siècles de façon différenciée mais ne cessent jamais d’interpeller la créativité des artistes, artisans, organistes et facteurs d’orgue, qui l’améliorent, le restaurent, le font vibrer et l’accordent…
« Nous avons hérité dans le diocèse de Namur d’un patrimoine organistique important qu’il est de notre devoir de valoriser, souligne Emmanuel Clacens, organiste titulaire des grandes orgues de la cathédrale de Namur, le répertoire de l’orgue est très large. De la musique baroque à la musique contemporaine en passant par la musique symphonique ou romantique, on peut jouer tous les styles de musique. L’orgue accompagne merveilleusement les offices mais possède une envergure beaucoup plus large. » Inviter à tomber sous le charme d’un instrument en faisant découvrir ses registres insoupçonnés, tel est l’objectif du Festival d’orgues de Namur qui, chaque année, de mai à juin, propose une série de concerts dans la région namuroise. Chaque orgue est différent et remarquable dans l’harmonie qu’il propose. En province de Namur se côtoient ainsi l’orgue de l’église Notre-Dame du Rosaire, le plus ancien du Namurois avec un magnifique buffet baroque du XVIIe siècle – d’après certaines sources il proviendrait de l’abbaye voisine de Géronsart (Jambes, 1763) – et à quelques kilomètres de là, l’orgue de la Chapelle du Grand Séminaire de Namur, d’inspiration baroque italienne, réalisé par le facteur d’orgue Rudi Jacques en 2009 et donc tout à fait contemporain.
On peut, de même, citer l’orgue récent de l’église de la Nativité à Gedinne construit en 2002 par Dominique Thomas de Ster-Francorchamps ; ceux de la collégiale Saint-Monon de Nassogne, de Saint-Pierre de Bastogne et de Saint-Nicolas à la Roche (qui ont la particularité de se trouver au sol dans le chœur de l’église), le monumental orgue de Notre-Dame de Maredsous, ou de Saint-Pierre-et-Paul de Bouillon. Les orgues d’Arlon (Saint-Donat, Saint-Martin et Sacré-cœur) qui résonnent lors du récital annuel Orguarel ; l’orgue historique de Ciergnon (restauré il y a une vingtaine d’années). Un recueil des orgues de Wallonie recense ces merveilles du patrimoine.
Le projet « Namur-les-Orgues » vise la restauration d’orgues majeurs de la commune de Namur. On notera évidemment celle des grandes orgues W. Korfmacher de la cathédrale Saint-Aubain (1844) : 5.000 tuyaux. Selon une notice de 1851, il est « le plus complet qui soit en Belgique » écrit Luc de Vos, facteur d’orgues. Jusqu’il y a peu, il était le plus grand orgue de Wallonie (hauteur : 16m, largeur : 11m), 60 jeux répartis sur quatre claviers manuels et un pédalier, pour un total de 4.450 tuyaux. La restauration de l’orgue de la collégiale Sainte-Waudru (70 jeux) en 2018, le détrône aujourd’hui en seconde position… Les orgues de Notre-Dame du Rosaire de Wierde, de l’église Saint-Joseph (l’un des plus beaux exemples de la facture symphonique de Schyven (1876), de Notre-Dame d’Harscamp, et bien-sûr Saint-Loup font également partie de ce projet.
Après des mois de travaux, les orgues de Saint-Loup sont les premières restaurées. Cindy Castillo en devient l’heureuse conservatrice-titulaire ! Mgr Warin les bénira le 22 octobre prochain lors de la messe solennelle de 10h15, une cérémonie d’exception qui sera animée par les musiciens et chantres de la paroisse et l’Ensamble Moxos, héritier de la musique baroque née dans les missions jésuites d’Amazonie au 17e siècle. On retrouvera aux orgues après leur bénédiction, Denis Vernimmen, organiste titulaire pour le culte. La paroisse Saint Jean-Baptiste et Saint-Loup de Namur vous y invite !
À la suite de cette bénédiction, deux soirées musicales (les 26 et 27 octobre), inaugureront un vaste programme culturel pour ces orgues qui ont traversé les siècles projetant les sons comme si les notes pleuvaient du ciel et donc du paradis céleste pour envelopper de leurs bienfaits les oreilles de ses fidèles auditeurs.
Infos : entrejeanetloup@gmail.com – agenda
Christine Gosselin – diocèse de Namur