La justice belge se saisit de l’affaire des trois missionnaires scheutistes belges assassinés au Guatemala pendant la guerre civile qui a fait plus de 200 000 victimes. Un soulagement pour les familles. Mais le début d’une probablement longue procédure judiciaire pour connaître la vérité, quarante ans après les faits.

Le 17 mai 2022, la Chambre du Conseil de Bruxelles devait se réunir pour examiner l’enquête sur le meurtre et l’enlèvement de trois religieux belges au Guatemala. La décision vient de tomber ce mardi 14 juin. Si les faits remontent à plus de 40 ans, les familles belges attendent toujours que justice soit rendue.
Face au silence de la justice au Guatemala, les familles portent plainte en Belgique
Pendant la guerre civile, qui aura duré 36 ans, les Scheutistes Walter Voordeckers, Ward Capiau et Serge Berten ont été victimes de la répression au Guatemala. Les jeunes missionnaires belges avaient pris le parti des opprimés, résistant à l’exploitation des ouvriers agricoles et des fermiers indiens dans les plantations des grands propriétaires terriens.
Les tentatives de dépôt de plainte au Guatemala ayant donné très peu de résultats, les familles Voordeckers et Berten se sont adressées aux tribunaux belges. Le 25 janvier 2001, par l’intermédiaire de leurs avocats, Me Luc Walleyn et Me Michaël Verhaeghe, ils ont déposé une plainte avec constitution de partie civile devant le juge d’instruction Bulthé à Bruxelles.
Cette plainte a donné lieu à une enquête judiciaire sur le meurtre de Walter Voordeckers et la disparition de Serge Berten au Guatemala, respectivement le 12 mai 1980 et le 19 janvier 1982. La famille de Ward Capiau, assassiné le 22 octobre 1981, s’est jointe à la demande d’une enquête judiciaire. La congrégation de Scheut s’est également constituée partie civile.
Les suspects pourront être extradés vers la Belgique
Ce mardi 14 juin, la Chambre de Première Instance de Bruxelles a annoncé sa décision de renvoyer devant la Chambre des mises en accusation de Bruxelles les suspects dans l’assassinat et la disparition des trois Scheutistes belges. Elle a également émis des mandats d’arrêt à leur encontre, soulignant ainsi la gravité des crimes commis ; s’ils sont arrêtés à l’étranger, ils pourront être extradés vers la Belgique.
Les familles des victimes souhaitent d’abord obtenir plus d’informations sur les circonstances exactes dans lesquelles les crimes ont eu lieu. « Un procès nous donnerait la chance de connaître les faits réels de la situation au Guatemala et la répression brutale qui existe toujours« , déclare Carlos Colson, neveu de Walter Voordeckers, l’un des trois scheutistes assassinés.
Les familles belges expriment leur solidarité avec les victimes guatémaltèques
Ils souhaitent également que les auteurs de ces actes soient tenus pour responsables, poursuivis et condamnés. « C’est un pas important vers plus de justice pour nos proches, mais c’est surtout un appel du cœur du peuple guatémaltèque« , déclare Johan Capiau, frère de Ward Capiau, assassiné lors d’un contrôle routier militaire et dont le corps n’a jamais été retrouvé.
Enfin, les membres de la famille souhaitent également exprimer leur solidarité avec les nombreuses victimes guatémaltèques tombées pendant la guerre civile et dans la période qui a suivi.
L’enquête judiciaire entre dans une phase cruciale
Un juge d’instruction a été nommé, il s’est rendu en personne au Guatemala pour enquêter, et de nombreux documents et preuves ont été recueillis. Toutes ces démarches ont pris beaucoup de temps, notamment pour traduire les documents rédigés en espagnol. En raison du secret de l’enquête, rien n’avait pu jusqu’alors être divulgué.
Désormais, avec le renvoi décidé ce mardi 14 juin, les familles entrevoient la possibilité d’un futur procès en assises lors duquel elles seront entendues. Elles espèrent surtout que la procédure aboutira à la condamnation des responsables directs des crimes.
Guatebelga
En 1997, sous l’impulsion du Comité Serge Berten de Menen, les familles des missionnaires belges se sont rendues au Guatemala avec des sympathisants, pour en savoir plus sur leurs proches. De nombreuses institutions gouvernementales ont été visitées, mais il est vite apparu qu’il y avait peu de chances de découvrir la vérité.
Afin de soutenir les familles, une ASBL a été fondée sous le nom de Guatebelga qui, en 2013 a reçu le prix Quetzal attribué par la Ligue les droits de l’homme et la démocratie au Guatemala. Une belle reconnaissance pour les personnes et les organisations qui soutiennent la lutte contre l’impunité et pour la liberté et la justice. Ce prix est décerné tous les deux ans.
S.D. avec cp