Il y a six semaines les inondations ont dévasté une partie de la région de Liège, du Brabant wallon et du Hainaut, avant de toucher ensuite le Namurois. Nous sommes partis en reportage dans l'un des quartiers les plus sinistrés : Verviers centre*. Rencontre avec Jean-René Tonnard, de la fabrique d'église de Saint-Remacle.
Que s'est-il passé dans cette église le 14 juillet dernier ?

Dès 4h du matin, l'alarme correspondant à l'église a sonné sur mon téléphone. J'étais déjà en alerte pour la montée des eaux par plusieurs autres coups de fil. Je n'ai pu venir voir les dégâts que le lendemain midi puisque le quartier était sous eau. Assez étonnamment, il n'y a eu "que" 25 cm d'eau dans l'église Saint Remacle. Elle est entrée par l'arrière de l'édifice, du côté de la sacristie où le volume d'eau était plus important. L'entrée s'est faite avec une grande violence, la porte qui communique avec le jardin de la maison des vicaires a cédé sous la pression de l'eau.
Comment procédez-vous pour le nettoyage de cet édifice ?
Très vite, des personnes dont des jeunes sont venus aider à nettoyer le sol et à déplacer les mobiliers qui ont pris l'eau. Même un groupe de musulmans accompagné de l'imam de Dison se sont mobilisés pour cette église.
Le bâtiment qui date du 19ème siècle est un édifice classé. Nous dépendons de l'Agence wallonne du Patrimoine (AWAP) pour beaucoup de décisions. Pour prendre un exemple : l'eau s'est engouffrée par l'arrière de l'église. Dans ce couloir se trouvent de grosses armoires qui contenaient des ornements liturgiques anciens. Nous avons évacué ces vêtements dans un endroit plus aéré pour qu'ils ne restent pas dans l'humidité. Les grandes armoires qui ont une valeur patrimoniale doivent, elles, être conservées sur place. Un deuxième exemple concerne les bancs de cette église Saint Remacle. Ils sont fixés sur un plancher en bois qui a pris l'eau, nous devons donc les démonter pour les sécher et les remettre en place.
Dans quel état êtes-vous humainement ?

Aujourd'hui, nous sommes à bout, face à l'ensemble du travail à faire. Pour la fabrique d'église, cela dépasse la question de cet édifice classé. Nous devons aussi gérer les inondations dans les maisons achetées par la paroisse et mises en location. Plusieurs occupants doivent être relogés, les bâtiments devront être réparés. La solidarité a aussi fonctionné pour nos locataires, l'un d'eux est hébergé par la communauté protestante de Verviers. Nous avons remarqué que les liens entre tous se resserrent lors d'une catastrophe.
Nous nous sentons impuissants face à la puissance de l'évènement
Jean-René Tonnard
Quel impact les inondations ont-t-elles sur la vie paroissiale?
Sur la vallée de la Vesdre, cinq églises sont sinistrées. Les chrétiens de ces paroisses se rassemblent dans les autres édifices qui n'ont rien pour les messes.
Concernant Saint Remacle, il faut signaler que la population qui habite le territoire de la paroisse est assez vieillissante. Une autre partie de ces habitants du quartier est d'origine étrangère. Très peu viennent à l'église. En plus, pendant plusieurs années, il n'y avait que les grandes fêtes qui étaient célébrées à St Remacle, dans cette église historique. A part Noël, Pâques, etc., les autres messes se déroulaient à l'église St Joseph où les différentes communautés de Verviers se regroupaient. C'était une décision du doyen de l'époque. Mais même depuis que les célébrations ont repris ici ces derniers mois, la fréquentation de la messe à Saint Remacle ne s'élevait qu'à une vingtaine de personnes.
Et même sur un plan administratif, quelles sont les conséquences de cette montée des eaux?
Au rez-de-chaussée de la cure, où habite le doyen, il y avait le secrétariat paroissial. Tout a été inondé. Il n'y a plus d'ordinateur ou de photocopieuses. Même les registres de la paroisse sont sous eau. Et dire que nous venions de décider de rassembler les archives qui étaient dispersées à droite et à gauche en un seul lieu !
Quel est le calendrier de réouverture de l'église St Remacle?

A l'heure actuelle, nous n'avons aucune idée du temps nécessaire pour remettre en état. Pour la déshumidification du bâtiment et les travaux, l'église n'est pas prioritaire. Assez logiquement, il faut d'abord s'occuper des écoles, des maisons de repos, des polycliniques, etc. Par ailleurs, comme Saint Remacle fait partie du patrimoine classé de Verviers, toute décision doit être prise en concertation avec l'AWAP. Pour restaurer certains mobiliers, il faut trouver les corps de métier appropriés, qui sont déjà très sollicités par ailleurs.
Nous avons toutefois maintenu la participation aux journées du patrimoine prévue en septembre. Nous avons organisé des animations à l'extérieur de l'édifice pour faire connaitre Saint Remacle, le saint patron de la ville.
Recueilli par Anne-Françoise de Beaudrap
En photo de Une: les jeunes musulmans viennent aider au nettoyage (c) Franck Hensch
Photos de cet article (c) Cathobel
Lire également le dossier spécial Inondations dans le journal Dimanche n°29