En 2005, Komla Adissou, un jeune Togolais de 25 ans, travaille à Lomé dans des conditions proches de l’esclavage. C’est alors qu’il fait la connaissance de Florent Roisin, directeur à la retraite du Collège Saint-Vincent de Soignies. Ainsi va naître l’association « Projet Komla ».
Komla est originaire de Kovié, un village situé à une quarantaine de kilomètres au nord de Lomé, la capitale du Togo. « Projet Komla », devenu par la suite l’asbl « Grandir avec Projet Komla », c’est une incroyable histoire née en 2005. Pour rembourser le coût de sa formation en informatique, avancé par son patron, Komla travaille pour lui gratuitement, 6 jours par semaine, de 6h à 22h. Il est épuisé, découragé.
Un jour, il lance une bouteille dans l’océan d’internet. Et c’est ainsi qu’une formidable amitié se noue : « Je venais d’avoir internet, et j’étais émerveillé de voir qu’en tapant un mot, on obtenait toute une série de pistes », se souvient Florent Roisin, ancien directeur de l’école primaire du Collège Saint-Vincent. « Le deuxième ou troisième soir, avant d’éteindre mon ordinateur, je tape le mot ‘prier’, et je vois qu’on peut recevoir des intentions de gens qui demandent qu’on prie pour eux. Le dimanche suivant, je reçois une dizaine de petites phrases, et l’une d’elles attire vraiment mon attention : ‘Je prie et j’ai l’impression que Dieu ne m’entend pas’. »
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Komla vient d’entrer dans la vie de Florent Roisin pour ne plus en sortir. Après de nombreux échanges par mails, une confiance et une complicité naissantes, l’idée de « Projet Komla » germe chez les deux hommes. « J’avais parlé à M. Roisin des écoles au Togo », explique Komla. « J’avais partagé avec lui la photo de là où j’avais fait mes cours primaires. Il n’avait jamais vu cela, en tant que directeur d’école. Les enfants s’asseyaient sur des briques ; ce qu’on appelle bâtiments scolaires, en réalité ce sont des hangars de fortune. M. Florent était ému, et il m’a dit qu’il allait essayer de faire quelque chose. » La toute première étape sera de remplacer les briques par des bancs…
Un foisonnement d’idées et de générosité
Dans « Projet Komla », projet s’écrit au singulier. Et pourtant ce sont de très nombreuses actions qui sont mises sur pied au fil du temps : la remise en état d’une rizière, la construction d’écoles (l’une d’entre elles a d’ailleurs choisi le nom de Saint-Augustin car c’est le collège d’Enghien qui a financé toutes les infrastructures), la création d’une ferme, l’envoi de matériel scolaire, des partenariats en matière de soins médicaux ou encore la formation d’artisans. Aux côtés du jeune Togolais, les partenaires belges se battent corps et âme pour améliorer le sort des enfants et des jeunes de Kovié, en mettant l’accent sur l’accès à l’éducation.
« Quand on n’a pas fait de grandes études, la deuxième chance, c’est d’aller se faire former, d’embrasser un métier », insiste Komla Adissou. « Nous avions remarqué au village que parfois, certaines dames pleuraient parce qu’elles n’avaient pas eu la chance d’aller à l’école. La langue du monde du travail, c’est le français, c’est une langue étrangère. Ceux qui ne sont pas allés à l’école se disent que c’est fini pour eux. Pour ceux qui ont envie de faire quelque chose, ils peuvent venir dans notre centre pour se former en menuiserie, en couture et en maçonnerie. La formation est gratuite. »
Améliorer la qualité de vie des enfants
Pour mener à bien sa scolarité, être en bonne santé est évidemment un facteur essentiel. « Komla nous avait dit que la santé des enfants était quelque chose qui le préoccupait », souligne Florent Roisin. « En 2018, je suis allé sur place avec le Dr Francis Dassonville voir comment aider. On avait bien envoyé quelques médicaments, mais on ne savait pas très bien ce qui était nécessaire. Le Dr Dassonville a visité des centres médicaux, a passé trois jours chez le Dr Jules, chirurgien. »
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La conclusion du médecin généraliste sonégien a été qu’il ne fallait pas mettre sur pied des choses sophistiquées. Mais comme de nombreux enfants souffraient d’hernies ombilicales, les opérer pourrait fortement alléger leur quotidien. Le Dr Jules a ainsi accepté d’effectuer gratuitement les interventions, tandis que des parrains et marraines belges ont pris en charge les frais d’hospitalisation, qui s’élèvent à environ 250 €. « La première fois, nous en avons opérés cinq. L’année suivante, on avait l’intention d’en opérer dix. Aujourd’hui, nous arrivons à vingt opérations parrainées. Et ça, c’est une joie formidable… », raconte M. Roisin avec émotion.
Après 15 ans d’un investissement sans faille, avec de nombreux autres bénévoles (dont beaucoup d’élèves du collège Saint-Augustin d’Enghien et un président d’asbl, Christophe Hennon, sur tous les fronts), Florent Roisin ne se lasse toujours pas de cette magnifique coopération : « On ne se lasse pas à favoriser le ‘grandir’ de l’autre. C’est une chose qui me passionne. Il suffit parfois d’un petit coup de pouce, et vous avez une personne qui rayonne, qui redémarre, et c’est une joie incroyable… »
Agnès MICHEL
(Toutes les photos prises au Togo
proviennent du site de « Projet Komla »)
>> Pour tout savoir sur « Projet Komla » : http://www.projets-komla.org/
- Pour écouter ces interviews dans leur intégralité, découvrez ci-dessous le podcast de notre émission radio « Près de chez vous en Hainaut », diffusée sur 1RCF :
Un projet qui a donné une âme
à toute une école
L’humanitaire est entré au Collège Saint-Augustin par deux de ses enseignantes, Monique Willem et Vinciane Demézel. Depuis, « Projet Komla » est soutenu avec enthousiasme par des dizaines d’élèves et de professeurs.
« J’ai découvert ‘projet Komla’ à l’occasion d’une rencontre avec Florent », raconte Monique Willem, aujourd’hui à la retraite et secrétaire de l’asbl. « Et d’emblée j’avais été séduite par l’esprit du projet, par les valeurs véhiculées et qui finalement sont les miennes. Il est aussi arrivé au bon moment, j’étais un peu en panne de projets. Je me suis dit que c’était quelque chose qui pouvait rentrer dans mes cours, même de néerlandais, dans mes classes et dans mon école. » Son amie Vinciane Demézel, aujourd’hui principale du collège, lui a immédiatement emboîté le pas dans cette aventure.
Comme dans toute nouvelle initiative, « Projet Komla » a eu ses partisans mais s’est aussi heurté à des personnes plus réfractaires. Une réticence initiale qui n’a pas duré. « Comme par magie, nous avons eu beaucoup de jeunes qui ont manifesté le désir de faire quelque chose. Je pense que chez eux, il y avait aussi un manque, le besoin de se mettre en projet, d’œuvrer pour une bonne cause. »
La main à la pâte
Moment fort, la venue de Komla à Enghien en 2012, qui fait toucher du doigt aux élèves la réalité des enfants au Togo. « Très vite, nos jeunes ont trouvé un slogan : ‘De la solidarité ici nous avons, une école là-bas ils auront’. » Après une première période de sensibilisation et d’ouverture des cœurs, les jeunes Belges veulent du concret et participer activement au projet. Des événements sont alors organisés pour récolter des fonds.
En 2019, un camp chantier ouvert à tous a permis à neuf jeunes de 16 à 27 ans et à leurs accompagnateurs de se rendre à Kovié. Participer au camp, c’est partir à la rencontre d’une autre culture, d’une autre réalité, vivre une expérience unique, avoir envie de se dépasser, nouer des liens, découvrir un pays, devenir témoin et ambassadeur du projet Komla, mais aussi aider très concrètement à des réalisations sur place.
Magali Ruysschaert, ancienne élève au collège Saint-Augustin, faisait partie du groupe : « Nous avions deux projets en parallèle. On voulait repeindre un des bâtiments de l’école, en blanc, pour que tout soit en ordre pour la rentrée suivante, et en même temps créer un bloc de sanitaires à côté de l’école pour que les élèves y aient accès facilement. Le premier jour, on a tout de suite été mis dans le bain, il fallait porter ces briques qui étaient vachement lourdes pour les donner aux ouvriers. On travaille main dans la main avec les ouvriers locaux, c’est un travail d’équipe. »
Rendez-vous en 2022
Les participants sont également allés dans différents établissements de la région pour y distribuer du matériel scolaire. « On a fait pas mal d’écoles en deux semaines, c’était intense mais c’était super chouette de voir ces enfants. C’est pour ça qu’en ce moment on est de nouveau en train de récolter du matériel pour un prochain container, en espérant que les prochains bénévoles pourront réceptionner tout ça et refaire des distributions. »
Un deuxième camp aurait dû avoir lieu en juillet 2020. Malheureusement, avec l’intrusion du coronavirus dans nos vies, le projet a dû être annulé. « Nous avions constitué un très chouette groupe », se désole Monique Willem. « Nous avions dans un premier temps pensé à reporter le camp à Pâques 2021, mais avec la crise sanitaire ça ne sera pas encore possible. Est-ce que cela sera possible en juillet ou en août 2021 ? J’ai des craintes. Mais c’est sûr, nous irons en 2022, moi je suis déjà prête ! »
A.M.