En Australie, une nouvelle loi oblige désormais les prêtres de l'État du Queensland, à violer le secret de la confession pour signaler à la police les abus sexuels sur des enfants. Ceux qui ne le feraient pas, encourent une peine de trois ans de prison.
Adoptée par le Parlement du Queensland le 8 septembre, la loi est dénoncée par l'Eglise catholique. L'évêque de Townsville, la plus importante ville de l'EtatTim, Mgr Harris a tweeté un lien vers un article sur l'adoption de la nouvelle loi et a déclaré: «Les prêtres catholiques ne peuvent pas briser le secret de la confession.»
La nouvelle loi est une réponse aux recommandations de la Commission royale sur les abus sexuels sur enfants, qui a révélé et documenté l'histoire tragique des abus dans les organisations religieuses et laïques, y compris les écoles et orphelinats catholiques à travers le pays. L'Australie-Méridionale, le Victoria, la Tasmanie et le Territoire de la capitale australienne ont déjà promulgué des lois similaires.
Secret absolu
L'une des recommandations de la Commission royale était que la Conférence des évêques catholiques australiens consulte le Saint-Siège et «précise si les informations reçues d'un enfant lors du sacrement de réconciliation selon lesquelles il a été abusé sexuellement sont couvertes par le secret de la confession» et également «si une personne confesse lors du sacrement de réconciliation avoir commis des abus sexuels sur des enfants, l'absolution peut et doit être suspendue jusqu'à ce qu'elle soit dénoncée aux autorités civiles».
Mais une note approuvée par le pape François et publiée par le Vatican en juin 2019 a réaffirmé le secret absolu de tout ce qui est dit en confession et a appelé les prêtres à le défendre à tout prix, même au prix de leur vie.
Le prêtre, en effet, apprend les péchés du pénitent «non ut homo sed ut Deus» – non pas en tant qu'homme, mais en tant que Dieu - au point qu'il «ne sait pas» ce qui a été dit au confessionnal parce qu'il n'a pas écouté en tant qu'homme, mais précisément au nom de Dieu, indique le document du Vatican.
La défense du secret sacramentel par le confesseur, si nécessaire, même au point de verser du sang, dit la note, n'est pas seulement un «acte obligatoire» d'allégeance au pénitent mais est bien plus: c'est un témoignage nécessaire – un martyre – du «pouvoir de salut unique et universel du Christ et de son Eglise».
Le Vatican a fait référence à ce document dans ses observations sur les recommandations de la Commission royale. La Conférence des évêques catholiques australiens a publié sa réponse au début du mois de septembre.
«Même si le prêtre est tenu de maintenir scrupuleusement le secret du confessionnal, il peut certainement, et même dans certains cas devrait, encourager une victime à chercher de l'aide en dehors du confessionnal ou, le cas échéant, à [encourager la victime à] signaler un cas d'abus aux autorités», a déclaré le Vatican dans ses observations.
«En ce qui concerne l'absolution, le confesseur doit déterminer que les fidèles qui confessent leurs péchés sont vraiment désolés pour eux» et ont l'intention de changer. «La repentance étant, en fait, au cœur de ce sacrement, l'absolution ne peut être refusée que si le confesseur conclut que le pénitent ne possède pas la contrition nécessaire», a déclaré le Vatican.
Engagement à mettre fin aux abus
L'archevêque de Brisbane, Mgr Mark Coleridge, président de la Conférence des évêques catholiques australiens, a affirmé l'engagement de l'Eglise à protéger les enfants et à mettre fin aux abus, mais a déclaré que briser le secret du confessionnal «ne changerait rien à la sécurité des jeunes».
Dans une présentation officielle au Parlement du Queensland, l'archevêque a expliqué que la législation ferait des prêtres «moins un serviteur de Dieu qu'un agent de l'Etat», a rapporté The Catholic Leader, journal de l'archidiocèse de Brisbane. Il a également déclaré que la législation proposée soulevait «des questions majeures sur la liberté religieuse» et était basée sur une «mauvaise connaissance de la façon dont le sacrement fonctionne réellement dans la pratique».
Pour le ministre de la police de l'Etat de Queensland, Mark Ryan, ces lois assureront une meilleure protection des enfants vulnérables. «L'exigence et, très franchement, l'obligation morale de signaler les comportements envers les enfants s'appliquent à tous les membres de cette communauté. Aucun groupe ou profession n'est isolé», a-t-il déclaré.
Il faut rappeler que le secret professionnel est strictement limité aux médecins, aux prêtres catholiques dans le cadre de la confession, et aux avocats. Mais, il y a une différence: le secret de la confession est le seul à être absolu, selon le code de droit canonique. Ce droit ne souffre pas d’exceptions, sous peine d'excommunication pour celui qui l'enfreint. Si le Code pénal belge protège le secret professionnel en général, le secret de la confession n’y est jamais mentionné de manière explicite, soulignenet certains avocat qui rappelle qu'il existe "une jurisprudence qui dit que le secret de la confession est un aspect du secret professionnel, mais il en existe une autre qui dit exactement l’inverse".
En France, il est garanti par la Cour de cassation qui reconnaît que les ministres du culte,- qu'ils appartiennent d'ailleurs à la religion catholique ou à la religion réformée -, sont tenus de garder le secret sur les révélations qui leurs sont faites dans le cadre de l'exercice de leur ministère sacerdotal ou en raison de ce ministère.
Toutefois, avec les affaires de pédophilie qui ont secoué l'Eglise depuis les années 1990, le secret de la confession fait de plus en plus débat. Outre-Quiévrain, le Code pénal prévoit depuis 1992 que les sanctions prévues dans le cas de violation du secret professionnel ne s'appliquent pas dans les situations de sévices sur mineurs de moins de 15 ans. Ainsi, en 2010, Mgr Pierre Pican, alors évêque de Bayeux-Lisieux, a été condamné à trois mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Caen (Calvados) pour non-dénonciation d'atteintes sexuelles sur mineurs, le tribunal arguant sur le fait que les faits ne lui avaient pas été révélés dans le cadre d'une confession.
De son côté, sans minimiser la gravité des faits d'abus sexuels, pour lesquels le pape François applique la tolérance "zéro", l'Eglise insiste sur «le respect absolu de la confidence reçue». Faut-il préciser que recevoir en confession un aveu d'abus sexuel doit être troublant pour le prêtre lui-même, car être dépositaire d'un tel secret, peut donner lieu à un conflit de conscience entre le respect de la confidence reçue et le bien des personnes.
Aujourd'hui, l'Eglise, à juste titre, reste ferme sur le secret de la confession.
J.J.D. (avec Catholic News Agency et La Croix/Croire)