Tuerie du Rognac : des commémorations chamboulées


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Tuerie du Rognac : des commémorations chamboulées
Par Service Communication Evêché de Tournai
Publié le - Modifié le
4 min

Tous les ans, une célébration rend hommage aux victimes de la tuerie du Rognac (Courcelles), qui a eu lieu le 18 août 1944. Cette année, la traditionnelle commémoration a été perturbée par la crise sanitaire.

Commemoration Courcelles 2020 5Alors que d'ordinaire tous les participants se rassemblent sur les lieux du martyre - au lieu-dit "Le Rognac", où s'élève aujourd'hui un monument en mémoire des victimes –, l'hommage de cette année a été déplacé en l'église Saint-Luc de Courcelles-Forrière en raison de la crise sanitaire.

Les mesures sanitaires étaient bien respectées: l'église ne pouvait accueillir qu'une soixantaine de personnes et chacun portait masque ou visière. Cette dernière n'a cependant pas empêché les membres de la chorale de faire résonner leur voix pour la quatrième année consécutive.

Comme chaque année, la messe était présidée par l'abbé Etienne Mayence, fils de l'une des victimes, entouré par l'abbé Claude Musimar et le père Edouard Brion.

Rassemblés pour faire mémoire

76 ans jour pour jour après l'exécution des vingt otages, dont le doyen de Charleroi, le chanoine Pierre Harmignie, leur souvenir était bien présent dans la mémoire des membres de l'assemblée. Plusieurs d'entre eux étaient des descendants des victimes. Lorsque les noms des victimes ont résonné dans l'église, c'était dans un grand silence de recueillement.

Dans son homélie, l'abbé Mayence a rappelé les derniers mots du chanoine Harmignie et a longuement parlé de patience et d'espérance : « Depuis la fin de la guerre, combien y-a-t-il eu de guerres dans le monde ? Plus de 200 ! Nous pouvons nous demander si leur sacrifice était vain. Si nous sommes rassemblés aujourd'hui, c'est pour faire mémoire mais aussi pour mettre en pratique la patience, la confiance et l'espérance ».

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Faisant un parallèle avec l'Evangile qui venait d'être lu, il a rappelé qu'à l'époque de Jésus les gens attendaient le Royaume de Dieu avec impatience mais que lui les a incités à la patience. « Il y a du bon grain mais il y a aussi de l'ivraie. Le monde parfait n'est pas pour tout de suite mais pour la fin des temps », a résumé l'abbé Mayence.

Un passage de témoin

Commemoration Courcelles 2020 maisonAprès les événements du 18 août 1944, Maurice Harmignie, le frère du chanoine Harmignie, a voulu racheter la maison où les victimes avaient passé leur dernière nuit. Il a fallu plusieurs demandes avant que le propriétaire accède à ce souhait. Maurice a alors confié la garde des lieux – et du souvenir – aux Auxiliaires de l'apostolat.

Après trois quart de siècle, celles-ci ont estimé qu'il était temps pour elles de se retirer. La Maison des Martyrs a été rachetée par un jeune couple qui a promis de veiller sur les lieux et de perpétuer la mémoire des événements. L'épouse, Amélie Chartier, est animatrice en pastorale dans l'UP de Gilly... et une descendante des anciens propriétaires.

« C'était la maison de la sœur de mon arrière-grand-mère. Celle-ci habitait la maison d'à côté. C'est là qu'elles se trouvaient toutes les deux au moment des évènements », explique-t-elle. « Elles regardaient à la fenêtre car elles attendaient leurs maris qui devaient revenir de la mine. Elles ont tout vu. Après l'exécution, c'est à elles qu'on est venu demander des linges et des draps pour recouvrir les corps, afin de leur rendre un peu de dignité. »

Un portrait en hommage

Commemoration Courcelles 2020 1Si la crise sanitaire a chamboulé l'organisation traditionnelle de ces commémorations, elle a cependant permis à l'assemblée d'être présente lorsque le portrait du chanoine Harmignie, entouré par les noms de ses compagnons décédés avec lui, a été accroché dans l'église. Peint par Lucia Blaute, ce portrait était jusque-là suspendu dans la chapelle des Martyrs, sur le lieu même de leur exécution.

L'accrochage du tableau a été précédé d'une présentation par Christiane Dandois, qui pendant des années a été la gardienne des lieux. Elle a ainsi rappelé que Lucia Blaute était l'épouse d'Armand Deltenre, écrivain et dramaturge originaire de Courcelles. L'un et l'autre ont rendu hommage à leur manière aux victimes de cette tuerie : Armand Deltenre est en effet l'auteur de plusieurs pièces de théâtre inspirées par cet événement.

« Ce sont ces hommes et ces femmes devenus beaux dans la lumière du martyre que Mme Blaute a voulu évoquer autour de la figure du Chanoine Harmignie qui les a aidés à rester debout », explique Mme Dandois.

« Un jour, elle est venue apporter ce tableau à la maison des martyrs accompagnée, si j'ai bon souvenir, de M. Meurée et d'une autre personne de la Posterie, le centre culturel de Courcelles. Eux-mêmes ont suspendu le tableau au bon endroit dans la chapelle. Mme Blaute savait qu'il serait bien gardé. C'est aux paroissiens de Forrière qu'il est aujourd'hui confié. »

Mme Dandois a ainsi conclu : « M. et Mme Deltenre, fortement marqués par les événements de la guerre, ont fait œuvre de mémoire. Pas seulement pour que les faits ne s'oublient pas. Ils portaient au fond d'eux-mêmes une inquiétude profonde, ils se méfiaient du retour de la violence, du fascisme, de l'extrême droite. Ils voulaient que cela ne se reproduise plus. N'ont-ils pas encore quelque chose à nous dire ? »

Marie Lebailly


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