Dans le cadre d’un Congrès mondial des Amis de la Crèche et de Liège Cité de Noël, la paroisse Saint-Remacle-au-Pont propose du 29 novembre 2019 au 2 février 2020 – et pour tous publics, un florilège de crèches et nativités ancrées dans l’histoire de notre région.
Si Noël reste la plus belle fête chrétienne – celle de la naissance du Christ et de l’espoir qu’il suscite pour toute l’Humanité – elle doit une bonne partie de son aura à l’attractivité qu’exerce au quatre coins du monde et depuis des siècles, la représentation de ce petit homme dans une mangeoire réchauffé par le souffle de l’âne et du bœuf.
Crèches d’amon nos-ôtes: sous ce titre, l’histoire de la Nativité au Pays de Liège, de 1600 à nos jours, est retracée en Amercœur à travers plus de 150 crèches et nativités, des plus insolites – un arrêt de bus – aux plus mignonnes ou dans cette grande fresque matinée à l’accent provençal que les paroissiens locaux connaissent bien.
Passionné donc passionnant
Ce travail d’artiste minutieusement élaboré, où l’espace se remplit de manière harmonieuse et réfléchie par une foule d’œuvres d’art, est le fruit des doigts d’or, de la science et de la patience d’ange de Michel Vincent. Passionné d’histoire – il jongle avec les époques pour en tirer les enseignements et influences politiques, économiques et sociaux -, il laisse parler l’étudiant qu’il fut aux Beaux-Arts de Liège section sculpture et son âme de chercheur créchiste, figuriste ou santonnier formé par un des meilleurs ouvriers de France. Sans oublier son passage à Rome grâce à la Fondation Darchis, où il se consacra déjà à la recherche et au travail sur la crèche.
« Cette exposition, souligne-t-il, permet de renouer avec les traditions qui ont fait la richesse et la typicité des Noëls d’autrefois jusqu’à l’apparition des santons wallons. Elle s’adresse à un public de tout âge, chacun y trouvera sa lecture. Ce sera une approche artistique ou technique pour certains, l’évocation plus spirituelle pour d’autres voire un Noël nostalgie. »
Bien de chez nous
Fin 1946, dit Michel Vincent, le principal historien de la crèche, Rudolf Berliner, publie dans la Gazette des Beaux-Arts de New-York un article bien étayé intitulé « The Origins of the Creche ». Il cite une description de la crèche de Noël comme la première connue à travers l’Histoire. Elle provient d’un livre de catéchèse « Le Paradisus Puerorum », paru à Cologne en 1619, du Jésuite Philippe de Berlaymont, né en 1576 à Huy dont le père fut bourgmestre. Il s’agit en fait d’une réédition car deux tirages dataient de l’année précédente, dont le premier fut édité à Anvers chez le successeur de Plantin Moretus.
« Les crèches sont, écrit Rudolf Berliner en se basant sur le Jésuite hutois, des représentations plastiques qui se réfèrent aux événements entourant la naissance de Jésus. Elles se composent de figurines grandeur nature tout au plus, disposées dans un espace tridimensionnel. Elles sont capables de susciter chez le spectateur, la sensation d’être personnellement présent à la scène et d’éveiller en lui des sentiments religieux assez puissants pour s’approcher de ce mystère. » La coutume de la crèche a aussi existé en Inde orientale et en Égypte bien avant la naissance du Christ suite aux prophéties suscitées par le bannissement de Jérémie et des Juifs d’Égypte.
Ancrée dans la vie locale
« Le théâtre des mystères médiévaux, précise encore Michel Vincent, va constituer un terreau de réflexion pour la tradition du bercement de l’Enfant Jésus dans les maisons religieuses. On retrouve les traces de cette coutume à Liège au XVe siècle au Béguinage Saint-Christophe. À l’aube du XVIIe siècle, la crèche est présente dans nos régions même si les ensembles à usage domestique mettront un certain temps à se répandre. En effet, Noël se déroulait dans l’intimité familiale, autour du folklore et de rites magiques ou animistes, héritages du passé germanique. La fête s’exprime timidement autour du culte de l’Enfant Jésus et des paradis reliquaires. C’est surtout à l’église et accompagné des enfants que se visitaient les crèches. »
Le XIXe siècle voit l’arrivée de productions plus importantes grâce aux figuristes toscans qui s’installent dans les grandes villes du pays. Ils inondent églises et particuliers de statues en plâtre dont les modèles varient peu. Et on retrouve la représentation de l’Enfant Jésus dans quantité d’objets de la vie quotidienne : vaisselle, taques de cheminées voire bénitiers. Dans la vallée mosane, Andenne trouve sa voie dans des statues religieuses en porcelaine, le biscuit prenant sa place à partir de 1860; certaine de ses œuvres rivalisant avec le Sèvres. Mais dès 1885, les derniers ateliers ferment leurs portes. Saxe et Bavière leur succéderont avec des productions en porcelaine jusqu’au premier conflit mondial. Mais on trouvera également de nombreux groupes travaillant avec art le papier mâché.
Nombreuses présences chez nous
« Parler de Noël dans nos régions, relève encore Michel Vincent, fait évoquer le théâtre de marionnettes » – dont la pièce la plus connue est “Li Naissance”, chaque année à l’affiche du Musée de la Vie wallonne à Liège – forme dérivée du théâtre religieux médiéval. À Verviers, on retrouve au même moment la présentation du Bethléem.
Dans l’entre-deux guerres, l’art religieux connait une nouvelle jeunesse. L’illustratrice gantoise Jeanne Hebbelynck (1891-1959) est une pionnière en adaptant aux plus jeunes l’imagerie religieuse. On soulignera aussi en région liégeoise des crèches reproduites par Teco; sans oublier les fabricants de jouets Clairon et Durso ou les crèches grandeur nature de Saint-Nicolas et de Saint-Pholien qui est citée encore en 1942. Prendront le relais, des productions italiennes, d’abord en papier mâché puis en plastique.
Thierry De Gyns
Crèches d’amon nos-ôtes du 29/11 au 2/2/2020 à l’église Saint-Remacle, rue d’Amercoeur 22, 4020 Liège. De 14 à 18h le week-end, les 24 et 25/12 et le 1/1. Visite guidée samedi à 16h. Sur demande pour groupes et écoles au 04/343.26.35. PAF: 5 €; de 6 à 12 ans: 2 €; groupes scolaires: 1 € par élève.
« L’Enfant nous réunit » – Cinq jours de congrès
Du 15 au 19 janvier 2020, un Congrès mondial se réunira à Aix-la-Chapelle, Maastricht et Liège (en l’église Saint-Remacle) sur le thème « L’Enfant nous réunit ». Le choix du sujet résulte de la réunion des Associations allemande des Amis de la crèche de Rurdorf et des associations néerlandaise et belge. Cette dernière possède une école de la crèche et les œuvres de plusieurs membres de l’association seront à voir. Quelque 400 congressistes issus d’une vingtaine de pays dont les Etats-Unis, le Canada, l’Argentine, le Brésil, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, l’Autriche, la France, les Pays-Bas, la Slovénie… et bien sûr la Belgique seront présents.
À voir aussi Val-Dieu, qui accueille pendant les congés des crèches flamandes, mais aussi bien des trésors les week-ends de 13h à 17h du 30 novembre jusqu’à la fin des vacances scolaires – sauf jours de fête – et ouvre aussi ses portes le 19 janvier. Michel Vincent est parmi les co-fondateurs de la branche belge née en 1991 faisant partie d’une association internationale créée à Barcelone en 1952. Il a également – alors que le règlement de l’association internationale ne prévoit qu’une association par pays, – créé une confédération avec l’association flamande qui a vu le jour légalement 4 ans après sa consœur francophone. Michel Vincent fut aussi conservateur de Krippana, musée de la crèche de Bullange. |