En ce dernier week-end de septembre, la 105e Journée du migrant et du réfugié était célébrée un peu partout dans le monde. Dans notre diocèse, quatre lieux proposaient des moments de débat et de réflexion, des témoignages, des célébrations interculturelles,… A Ghlin, près de Mons, ce fut l’occasion d’un voyage à la rencontre de l’autre et à la recherche de notre propre humanité.
« L’accueil nous fait grandir en humanité. Le partage et l’ouverture apportent autant à la personne qui accueille qu’à celle qui est accueillie. Il faut changer de regard, changer de lunettes. Quel regard portons-nous sur l’autre, sur l’étranger ? »
En ouvrant ainsi la célébration qui s’est tenue à Saint-Martin, à Ghlin, le doyen André Minet a résumé tout l’esprit de cette journée voulue par l’Eglise depuis 105 ans déjà. Une journée pour mieux comprendre le sort de ces hommes, ces femmes et ces enfants ballottés d’un pays à l’autre, arrachés à leur terre par la guerre, la faim et bientôt les changements climatiques, cherchant désespérément un endroit plus paisible où se poser et se reconstruire. Une journée pour interroger notre humanité, notre solidarité, notre capacité à faire une place à ces autres venus d’ailleurs mais parfois aussi simplement exclus de notre société. Car « il ne s’agit pas seulement de migrants », a répété le pape François à de nombreuses reprises ces derniers mois.
Des témoins pour casser les peurs et les préjugés
Ce sont souvent nos peurs, nos idées fausses ou nos préjugés qui nous empêchent d’ouvrir nos mains et nos portes. Quoi de mieux alors que d’apprendre l’autre pour s’en rapprocher ? Et apprendre, cela peut se faire à tout âge. Samedi après-midi, des ados ont découvert grâce à une sorte de jeu de l’oie revisité comment des milliers de gens sont poussés à partir de chez eux, parfois dans la précipitation, sans même avoir le temps de dire au revoir à leurs proches ou de rassembler leurs affaires. A l’aide de petites histoires, d’images ou d’analogies, un groupe de plus jeunes enfants abordaient eux aussi le thème de la migration et de copains de classe parfois venus de très loin.
Un peu plus tard, dans l’église qui abrite l’exposition de photos « Je suis humain », proposée par Amnesty, des témoins sont venus raconter un peu de leur histoire. Jean-Baptiste Hategekimana est aujourd’hui professeur à Bruxelles et diacre dans l’UP de Cuesmes-Flénu- Jemappes. Mais il y a 25 ans, il a dû fuir le Rwanda devenu trop dangereux. Pour lui, l’un des obstacles principaux à une vie normale pour les réfugiés, même une fois des papiers en poche, est l’accès au logement. Il rêve d’un accompagnement adapté pour aider les réfugiés à s’installer et rassurer les propriétaires frileux.
La famille Salomon, elle, vient de Syrie. Aujourd’hui, parents et enfants sont enfin réunis, mais il a fallu plusieurs années pour cela. « Nous habitions là où la guerre a commencé », a expliqué l’un des fils de la famille Salomon. « Nous nous sommes déplacés à l’intérieur de la Syrie, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’endroit sûr. Nous ne pensions pas que la guerre allait durer aussi longtemps, mais c’est devenu insupportable. Partir a été une décision très difficile, mais ce n’était plus possible de rester pour nous chrétiens. »
Aujourd’hui bien intégré à Mons, il suit des études d’ingénieur industriel, sa sœur entre en 4e année, son frère et ses parents suivent des cours de français.
Combler un abîme qui n’existe pas
Théophane, lui, a 18 ans. Cela fait déjà deux ans qu’il s’interroge, se documente et s’investit pour ceux que l’on appelle parfois les « transmigrants », qui ne font que passer chez nous sans demander l’asile, sur le chemin de ce qu’ils pensent être un eldorado, le Royaume-Uni. Théophane parle d’hospitalité, évoque le règlement de Dublin, les prises d’empreintes, le parc Maximilien, les passeurs sans scrupules, les parkings où s’échafaudent et se brisent les rêves d’un avenir meilleur, la Porte d’Ulysse qui accueille chaque nuit près de 350 migrants en périphérie bruxelloise mais qui va bientôt devoir fermer ses portes en laissant ces 350 jeunes hommes affronter les rigueurs de l’hiver, ou encore la rencontre et l’accueil d’Ahmed, venu du Darfour à 15 ans…
Les couleurs de nos différences et l’ouverture ont aussi trouvé leur place dans l’eucharistie. Avec des chants, des lectures ou des intentions en italien, en ukrainien, en syrien, en lingala, en kirundi, tout évoque la rencontre mais aussi la contradiction d’un monde où les richesses sont aux mains de quelques-uns et où l’égoïsme prend le pas sur la solidarité. « Nous devons apprendre à regarder les autres avec un regard de fraternité, combler un abîme qui n’existe pas », insiste l’abbé Minet. « Ne vivons pas aveuglés par nos possessions. Il n’y a pas de crise des migrants, il y a une crise d’humanité. »
Plus d’une centaine de personnes se sont ensuite retrouvées à la salle paroissiale pour une auberge espagnole pleine de diversité gustative et de générosité culinaire. Un autre magnifique moyen de voyager ensemble et de découvrir la richesse de l’autre.
Mais encore
- Une vidéo qui explique comment est née la Journée mondiale du migrant et du réfugié, qui interroge le phénomène migratoire et lui donne un visage (Service communication de l’évêché de Tournai, 2019)
- Une vidéo tournée à Bruxelles pour changer le regard des plus grands (Amnesty International, 2016)
- Une jolie animation pour aider les plus petits à mieux comprendre (Pascale Hecquet, Belgique/France, 2007)