Au mois d’octobre, avait lieu pour la première fois en Belgique, à Malle (province d’Anvers), le championnat du monde de Para Dance Sport. L’occasion de découvrir la cyclodanse, discipline sportive et récréative, où personnes valides et « chaisards » se rencontrent en musique.
Créée en 1968 en Angleterre, la cyclodanse s’est très vite exportée à travers le monde. La discipline arrive et s’installe en Belgique au début des années 80. Accessibles à tous, valides et moins valides, la cyclodanse a de nombreuses vertus, notamment celles de soigner les corps et de les rapprocher. D’un point de vue thérapeutique, la cyclodanse permet de faire travailler de nombreux muscles avec plus de plaisir que lors d’une séance classique – et parfois douloureuse – de kinésithérapie. Quel que soit le degré de handicap, danser avec un partenaire (re)devient possible grâce à une série de passes ou figures combinables à loisirs. Slow, disco, rock, valse, rumba, flamenco, rien ou presque n’est impossible en cyclodanse, tout en tenant compte d’éventuelles restrictions médicales.
La cyclodanse se pratique dans deux styles principaux. D’une part, le style duo – le moins pratiqué – où la danse est exécutée par deux danseurs en chaise roulante. D’autre part, le style combi où le chaisard partage la piste avec un danseur debout. Il existe également une troisième version dite en solo. Le style combi est plus proche d’une réalité de danse partagée car il maintient les deux partenaires en contact permanent, ce qui n’est pas le cas dans le style duo, plus chorégraphique. C’est aussi le style qui favorise le mieux l’intégration et d’après les experts, est agréable à danser et à regarder.
De vrais sportifs
Après le Japon (1998, 2004 en 2013), la Norvège (2000), la Pologne (2002), les Pays-Bas (2006), le Belarus (2008), l’Allemagne (2010) et l’Italie (2015), la Fédération Belge de cyclodanse était particulièrement fière d’accueillir le championnat du monde de Para Dance Sport, anciennement Wheelchair Dance Sport, organisé tous les deux ans. Ce changement d’appellation a pour but d’ouvrir la discipline aux danseurs ne faisant pas usage d’une chaise roulante. La discipline sportive est encore largement méconnue chez nous. Pour la Fédération belge, organiser cette compétition est la meilleure promotion qui soit pour mettre en avant la beauté de ce sport. Lors du dernier championnat, pas moins de 153 cyclodanseurs – dont les deux tiers en chaise roulante – de vingt-trois nationalités y avaient participé. Une des particularités de ce handisport est qu’il y a autant d’hommes que de femmes en chaise roulante à s’y adonner. A noter que seule une partie des cyclodanseurs belges évoluent en compétition ; la cyclodanse est avant tout un loisir et un lieu de rencontre entre le monde des valides et des moins valides.
Témoignages
Carine Granson, directrice d’une école de danse
« Lors d’un atelier d’initiation à la salsa que je donnais dans un restaurant, un jeune homme en chaise roulante m’a interpellée en me demandant s’il pouvait aussi participer. Je crois que c’était une boutade mais je l’ai pris au mot. Nous nous sommes revus à la salle de danse et nous avons essayé des pas, des mouvements, d’autres personnes ont alors demandé pour participer au cours. Pour assurer la sécurité des participants, nous avons sollicité la collaboration d’une ergothérapeute. J’ai suivi une formation de cyclodanse avec Jean-Luc Vrancken qui a introduit la discipline en Belgique. Contrairement aux apparences, la cyclodanse est très physique pour le « chaisard » et exigeante pour la personne valide qui doit assurer la sécurité (et le plaisir) de son/sa partenaire. Il faut pouvoir instaurer une véritable relation de confiance entre les deux danseurs. Dans mon école, nous osons beaucoup de choses ; la personne handicapée exécute parfois une figure au sol tandis la personne valide prend sa place dans le fauteuil. Aujourd’hui, Florent – qui est à l’origine de cette aventure – est devenu professeur de cyclodanse. Il forme un duo extraordinaire avec Justin ; ils ont remporté de nombreux concours et participé aux pré-sélections d’une célèbre émission française pour les talents. Les élèves en cyclodanse sont accompagnés par des danseurs de l’école. Les familles sont heureuses de pouvoir savourer une heure de répit sans avoir ce sentiment de culpabilité d’abandonner leur proche car ils savent que ceux-ci s’amusent et s’épanouissent grâce à la cyclodanse. Depuis que j’ai rencontré Florent, ma vision du handicap a complètement changé. Toutes les personnes en chaise roulante ne sont pas les mêmes. Ils ne sont pas tous déprimés ou aigris ! Ils peuvent avoir une vie sociale active, parfois plus actives que celle de personnes valides.»
Pierre-Yves Colet, professeur de cyclodanse
« J’ai découvert la cyclodanse lors d’un stage multisport adressé aux personnes souffrant de multiples handicaps. Aucun des sports proposé ne me convenait. Lors d’une soirée avec les moniteurs, l’une d’entre elles m’invite à danser. Je n’en revenais pas. Elle m’a montré quelque pas et j’étais moi-même étonné de ce que je pouvais faire. Après mes études, j’ai repris un club de cyclodanse avec une amie kiné. Nous avons ensuite fondé notre propre club. Aujourd’hui, je suis seule et c’est moi qui donne cours depuis sept ans. Ce que je trouve merveilleux et qui me motive à enseigner la cyclodanse, c’est cette rencontre entre personnes valides et moins valides. Dans mon cours, nous ne pratiquons pas la danse de salon mais nous dansons sur des musiques actuelles. Je demande souvent à mes élèves d’apporter leurs morceaux préférés. Ce qui est bien aussi en cyclodanse, c’est que la limite d’âge a moins d’importance pour une personne en chaise que pour la personne valide qui doit guider son partenaire. Mais l’effort physique est partagé entre les deux danseurs et ce sont les épaules qui travaillent le plus. Une petite fille de 9 ans a un jour confié que la cyclodanse lui avait permis de mieux accepter son handicap car elle pouvait danser comme ses copines ! La cyclodanse est également bénéfique pour les deux partenaires. Le plus important, c’est l’échange vécu entre les deux danseurs. »
Sophie Delhalle