Les évêques francophones invitent la communauté chrétienne à faire du 19 mai, fête de saint Yves, une journée des personnes détenues. « C’est une invitation à la conversion de nos cœurs et de nos idées », écrit Mgr Harpigny, évêque référendaire pour les centres de détention. Voici sa lettre.
Dans notre pays, l’écart entre les riches et les démunis se creuse. Les mécanismes de solidarité se détricotent, le nombre de personnes exclues et de personnes incarcérées explose. Nous risquons tous de céder au repli sur soi et à des réactions unilatéralement sécuritaires. C’est ainsi qu’on voit se multiplier les constructions de prisons; pourtant nombre d’experts proposent de prendre d’autres voies pour diminuer la récidive et la criminalité.
Nous sommes invités à porter, comme le Christ, un regard fraternel et libérateur sur les victimes et sur les personnes incarcérées. Saint Matthieu, dans son évangile au chapitre 25, nous relate la parole originale et neuve que Jésus met dans la bouche du roi, lors du jugement dernier: « J’étais en prison et vous êtes venus jusqu’à moi » et plus loin: « Oui, je vous le déclare, toutes les fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi-même que vous l’avez fait ».
Nous sommes invités à porter dans la prière tant les victimes que les personnes détenues. Sous le regard de Dieu, chacun reste toujours plus grand que son acte délictueux ou criminel. Dans les prisons, les équipes d’aumônerie sont les témoins des chemins de découverte de la miséricorde de Dieu et du relèvement de l’homme confronté aux conséquences du mal qu’il a commis. C’est l’Eglise du dedans les murs.
Partout des familles sont touchées par l’incarcération d’un de leurs membres. Elles en subissent souvent les conséquences relationnelles et sociales. Nos communautés sont appelées à soutenir les familles qui vivent cette épreuve.
Cette Eglise du dedans les murs est la part de l’Eglise incarcérée. S’il est bon que les chrétiens du « dehors » restent préoccupés du devenir de leurs frères et sœurs « du dedans » durant l’exécution de leurs peines, ce l’est tout autant quand ils la terminent et retrouvent le monde libre. Les ex-détenus ont eux aussi besoin d’être réintégrés dans des réseaux relationnels.
Dans notre société, il est prophétique que des chrétiens les accompagnent dans leurs efforts de réhabilitation et de leur réinsertion. Puissent nos communautés inventer de nouveaux chemins d’Eglise pour accompagner la personne qui sort de prison et contribuer ainsi, modestement, à lui rendre une place dans notre société et à éviter la récidive. Nous croyons que chacun porte en lui la dignité d’enfant de Dieu et qu’il existe un avenir possible pour tous.
Chers frères et sœurs, avec mes frères évêques, je vous confie cette prière: « Seigneur, toi seul peux changer notre cœur habile à condamner, et nous aider à discerner ce qui est juste; exauce nos prières pour ceux qui sont en prison. Qu’ils ne sombrent pas dans le désespoir mais trouvent la force de se renouveler, en nous rappelant notre responsabilité fraternelle envers ceux qui sont rendus à la liberté: que nous leur permettions de retrouver une place digne dans nos communautés et dans la société. Amen ».