La Syrie est devenue otage d’une lutte d’influence entre les Etats-Unis et la Russie, déplore le patriarche melkite Grégoire III Laham. Le chef de l’Eglise grecque-catholique, résidant habituellement à Damas, en Syrie, se trouve actuellement dans la résidence patriarcale de Raboué, au Liban, où se tient du 6 au 8 février le synode de l’Eglise grecque-melkite catholique.
Interrogé par Fady Noun, journaliste au quotidien francophone libanais "L’Orient-Le Jour", le patriarche estime que son pays, la Syrie, est devenue otage d’une lutte d’influence entre les Etats-Unis et la Russie. Le chef de l’Eglise grecque-catholique, comme certaines personnalités de l’opposition ou des chefs religieux en Syrie, espère un changement interne, tout en étant conscient de sa difficulté, dans la structure actuelle du parti unique.
Depuis quelques mois, le patriarche Grégoire III n’a cessé d’appeler les responsables arabes à se mettre à l’écoute de leurs peuples. Ces appels ont été constants, en particulier pour deux des pays du territoire patriarcal, l’Egypte et la Syrie. Dans ce dernier pays, sa patrie, il pense qu’un changement est encore possible, surtout si l’Europe s’y met, relève Fady Noun. "Pour lui, il n’y a peut-être rien à attendre des Etats-Unis, mais l’Europe, celle de la Mare Nostrum, peut encore beaucoup faire en faveur d’un compromis qui épargnerait à la Syrie les affres de la violence aveugle et de la guerre civile".
Les événements de Syrie, "le résultat d’un cumul de frustrations"
Le journaliste de "L’Orient-Le Jour", qui a rencontré le patriarche grec-catholique à la veille du synode de son Eglise, demande si ce qui se passe en Syrie relève d’un complot, thèse officielle du régime, ou d’une révolution. "Sans vouloir critiquer la Syrie, répond Grégoire III, je voudrais dire que je n’aime pas le terme de complot. Pour moi, c’est un signe de faiblesse. C’est dire qu’autour de vous, il n’y a que des ennemis. Mais peut-on pour autant parler de révolution ? Ce qui se passe n’est pas propre à la Syrie. Je pense que les pays arabes sont entrés dans un phénomène de révolution, sans qu’on puisse parler d’une vraie révolution. En général, celle-ci se prépare. Je décrirais ce qui se passe, plutôt, comme le résultat d’un cumul de frustrations. Mais la politique s’y est mêlée et a tout faussé".
Violence ou compromis politique ?
Sans chercher à défendre aveuglément le régime, relève Fady Noun, le patriarche grec-catholique s’étonne qu’on veuille entraîner l’Eglise en Syrie dans la campagne visant à l’effondrement du système. Il reproche à l’Europe de pousser à la violence, plutôt qu’à un compromis politique. Plutôt que de viser à changer le régime, lance le patriarche melkite, il faut plutôt aider le régime en place en Syrie à changer.
Ce n’est pas encore l’exode des chrétiens
Le patriarche affirme que malgré les troubles, on n’assiste pas encore à l’exode des chrétiens de Syrie. "La Syrie a toujours eu le pourcentage d’émigration le plus bas du monde arabe. C’est significatif. C’est dû au fait que ce régime est vraiment laïc. C’est l’avenir. Certes, il y a quelques départs justifiés par la peur, mais ce n’est pas l’exode. Tout ce que je peux dire, c’est: n’ayez pas peur. Comme chrétien, je ne suis pas une cible pour un groupe, même pas pour les salafistes. En Egypte, la situation est différente. Je ne dis pas que qu’il n’y aura pas des gestes extrémistes, mais nous faisons nôtres les paroles d’Athénagoras: Je n’ai pas peur, parce que je me suis désarmé!"
(extrait de l’article publié par l’agence apic d'après L’Orient-Le Jour)