Malgré les déclarations du pape Chenouda III, qui a rendu hommage à Moubarak, alors que les manifestations avaient déjà commencé, de nombreux coptes ont choisi de descendre dans la rue aux côtés de leurs frères égyptiens. Le clergé, par contre, se demande si les islamistes ne vont pas profiter de l'instabilité actuelle pour prendre le pouvoir.
Le 4 février dernier, des dizaines de coptes ont formé une chaîne humaine pour protéger les manifestants musulmans pendant la prière du vendredi. Pour Mina Zekry, blogueur et militant des droits de l'homme, il s'agit d'un geste extrêmement symbolique: il montre "la volonté des deux communautés de se montrer unies face au gouvernement". Une union qui, selon lui, fait terriblement peur au pouvoir. En effet, "le régime de Moubarak s’est toujours donné l’image, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, du protecteur de la communauté copte contre l’extrémisme musulman", explique-t-il. "Et beaucoup de coptes ont accepté de brader leur liberté au profit d’une prétendue sécurité. Mais ce temps-là semble bien révolu." Aujourd'hui, la priorité est de "réunir tous les Égyptiens autour d’un même objectif national: la liberté".
Évidemment, tous les coptes sont loin de partager l'enthousiasme de ce jeune homme. En effet, un grand nombre d'entre eux, surtout au sein du clergé et dans la diaspora, ont peur que les mouvements extrémistes islamistes profitent de l'instabilité actuelle pour prendre le pouvoir. Certes, les Frères musulmans – le principal mouvement d'opposition en Égypte – ont annoncé qu'ils n'avaient pas l'intention de présenter de candidat aux prochaines élections présidentielles, mais ils n'ont pas réussi à convaincre tout le monde. Certains chrétiens mais aussi des spécialistes se demandent si le but des Frères musulmans n'est pas d'imposer à l'Égypte une structure de république islamique. Une opinion qu'a défendue sur les ondes de Radio Vatican le jésuite égyptien Samir Khalil Samir, professeur d'islamologie et de culture arabe à Beyrouth, tout en relativisant son propos. "L’Égypte est un pays modéré", a-t-il expliqué, "et par nature, l’Égyptien n’est pas rebelle. Il veut simplement vivre."
Une forte dichotomie
Il semble donc qu'il y ait une forte dichotomie entre la hiérarchie religieuse et la population copte d’Égypte, estime l'historien français Christian Cannuyer. "Depuis plusieurs mois, la hiérarchie copte a fait assaut de loyalisme à l’égard du pouvoir égyptien", explique-t-il dans les colonnes de "La Croix". "Le pape Chenouda III a apporté tout son soutien au président Hosni Moubarak et à son fils Gamal pour lui succéder. Cette prise de position a été très mal vécue au sein des fidèles." Ceux-ci n'ont d'ailleurs pas tardé à se démarquer de leur hiérarchie. "Aux lendemains de l’attentat d’Alexandrie, la nuit du Nouvel An, la population copte s’en est prise directement au président Moubarak", poursuit-il. "Elle l’a accusé d’avoir instrumentalisé les relations confessionnelles et brandi en permanence la menace islamiste pour justifier le maintien d’un régime dictatorial et la prolongation de l’état d’urgence. (…) Les coptes font partie de la population égyptienne. Comme elle, ils sont conscients que le régime est responsable d’un état de pourrissement social, qu’il a servi les intérêts d’une petite classe d’affairistes."