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Etre ou ne pas être membre de l’Union européenne? C’est la question à laquelle devront répondre les Britanniques le 23 juin prochain. Question qui risque de déclencher un débat d’importance majeure au sujet de l’Europe, dont se réjouit la COMECE.
A l’heure où l’Union européenne semble se fissurer, l’éventualité d’une sortie éventuelle de la Grande-Bretagne (appelée « Brexit ») accroît encore la fracture entre les pays membres. On le sait, le Premier ministre britannique David Cameron a promis d’organiser un référendum sur la poursuite de l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne fin juin. Ironie de l’Histoire: cette consultation populaire se déroulera quelques mois seulement après le 70e anniversaire du discours prononcé par Winston Churchill à Zurich au cours duquel, pour la première fois après la Seconde guerre mondiale, a été lancée l’idée des « Etats-Unis d’Europe ». Ce concept a été considéré comme déclencheur du projet européen, à laquelle un des pères de l’Europe, le Français Robert Schuman, réfléchissait aussi, déjà sous l’occupation allemande.
Ce référendum britannique tombe mal. D’abord parce qu’il ouvre la porte à d’éventuelles nouvelles consultations sur le maintien ou non d’autres pays dans l’UE. Ensuite, parce qu’il donne l’impression que Londres agite une menace dans l’espoir d’obtenir des avantages. Bref, de procéder à un chantage vis-à-vis de ses partenaires. Le sommet de Bruxelles, tenu la semaine dernière, avait donc un double objectif: tenter de répondre à certaines demandes de Londres tout en évitant que cette démarche ne soit utilisée à l’avenir non seulement par la Grande-Bretagne mais aussi par d’autres pays membres.
Au cours de la courte histoire de la CEE d’abord et de l’Union européenne, la Grande-Bretagne a toujours joué les trublions. Rappelons-nous l’époque de Margaret Thatcher et de ses bras de fer récurrents avec la Commission de Bruxelles, mais aussi avec la France et l’Allemagne (à l’époque non encore réunifiée).
Si la « perfide Albion », comme la surnomme les Français, a tardé à rejoindre le projet européen lorsqu’il fut porté sur les fonts baptismaux, c’est parce le général de Gaulle, qui présidait aux destinées de la France, s’y opposait. Vieille rivalité, sans doute, de l’après-guerre. Churchill et son allié américain ont vainement tenté de maintenir de Gaulle à l’écart pour l’empêcher d’avoir une influence lorsque la victoire sur le régime nazi interviendrait.
Toutefois, le Royaume-Uni a finalement rejoint la CEE le 1er janvier 1973, en même temps que l’Irlande et le Danemark. L’Europe des « Six » était devenue l’Europe des « Neuf ». Mais alors que Dublin et Copenhague se sont adaptés dans ce qui allait devenir l’Union européenne, Londres a souvent trainé des pieds, laissant transparaître son euroscepticisme, rechignant à mettre « la main à la poche » et à s’engager pleinement dans le projet. C’est donc encore le cas aujourd’hui, plus de quarante ans après l’adhésion britannique.
Un côté positif ?
Comme l’écrit le Père Patrick Daly, Secrétaire Général de la Commission des Episcopats de la Communauté européen (COMECE), « pour le Royaume-Uni, être ou ne pas être membre de l’Union demeure une question existentielle ». Il nuance néanmoins l’image négative que l’on peut avoir de la solidarité britannique envers l’Europe: « Il faut reconnaître qu’au sein de l’Europe, le Royaume-Uni s’est montré un partenaire admirable et constructif. Bien sûr, il y a eu un certain nombre de clauses de non-
participation importantes: Schengen, le Chapitre social, le système métrique. Mais à part cela, même à l’époque de Mme Thatcher, les Britanniques ont fourni leur part d’efforts et la collaboration avec leurs collègues européens s’est révélée facile ».
Le Père Daly estime que, finalement, les quelques arguments avancés par les eurosceptiques britanniques sont extrêmement minces, rappelant que les milieux d’affaires sont tous en faveur de l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne. « Toutefois, la question de l’adhésion du pays reste suffisamment controversée selon l’homme de la rue, pour faire du
référendum une nécessité politique », poursuit-il. Et c’est là peut-être que David Cameron s’est piégé lui-même. Face à un euroscepticisme qu’il a cru voir grandir lors des derniers scrutins électoraux, mais aussi en raison de la crise migratoire, le locataire du 10 Downing Street a lancé, un peu vite, l’idée de cette consultation, dont l’issue est incertaine. Ce qui a pour conséquence d’énerver ses partenaires européens.
Mais, le secrétaire général de la COMECE, voit dans cette initiative, un côté positif, à savoir qu’elle va ouvrir un débat d’importance majeure sur la signification d’appartenance à l’UE et sur ce que sont la mission, le but et les valeurs du projet européen. « Le débat outre-Manche va être un sujet de conversation et de controverse dans toute l’Union. C’est une bonne chose pour le Royaume-Uni et également pour tous ceux d’entre nous qui sont attachés au projet européen », souligne-t-il.
« Sans préjuger de l’issue du débat public et avec tout le respect qui est dû à la décision d’une nation souveraine, il faut clairement affirmer que même le commentateur le plus prudent, qui réfléchit sur la doctrine sociale de l’Eglise catholique, veut nécessairement que le Royaume-Uni continue de faire partie de l’Union européenne ». Et de lancer un appel aux Britanniques pour qu’une fois leur décision prise, « ils restent avec enthousiasme et animés du désir de participer à la construction d’une Europe meilleure, plus juste et plus équitable! »
L’appel sera-t-il entendu? Réponse d’ici quelques mois.
J.J. D.