Lors de la messe chrismale, Mgr Harpigny répond sans détour aux propos du nonce apostolique en Belgique…


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Lors de la messe chrismale, Mgr Harpigny répond sans détour aux propos du nonce apostolique en Belgique…
Lors de cette messe chrismale, l’évêque de Tournai s’est illustré par une liberté de ton inhabituelle — en écho à celle, tout aussi étonnante, du nonce apostolique. © Montage CathoBel
Par Clément Laloyaux
Journaliste de CathoBel
Publié le - Modifié le
5 min

Ce mardi 15 avril, lors de la messe chrismale, Mgr Guy Harpigny a pris la parole pour répliquer à certaines déclarations du nonce apostolique en Belgique, Mgr Franco Coppola, notamment sur la nomination de futurs évêques et sur le fonctionnement de l'Eglise en Belgique. Une intervention marquée par une liberté de ton... étonnante!

La messe chrismale constitue un moment fort de l’année liturgique pour un diocèse. Entouré des prêtres, diacres et de nombreux fidèles, l'évêque bénit les huiles saintes et consacre le Saint Chrême. Des huiles qui seront utilisées tout au long de l'année pour célébrer les sacrements partout dans le diocèse. Cette messe manifeste l’unité de toute l’Église diocésaine autour de son évêque.

Mais, ce mardi 15 avril, en la basilique Notre-Dame de Bonne-Espérance, la messe chrismale du diocèse de Tournai a pris un tour pour le moins inattendu...

Après douze minutes de célébration, Mgr Guy Harpigny entame son homélie, face à l’assemblée. A la surprise générale, et à rebours du ton liturgique, l'évêque démissionnaire saisit l'occasion pour répondre aux déclarations récentes du nonce apostolique, Mgr Coppola, sur la désignation de son successeur à Tournai. Et, plus largement, répondre à certaines critiques que le représentant du Saint Père a déjà pu émettre vis-à-vis de l'Eglise en Belgique.

"Vous allez entendre des choses qu'on n'a pas l'habitude d'entendre"

Alors qu'il souhaite la bienvenue aux prêtres, diacres, fidèles laïcs... et catéchumènes, Mgr Harpigny annonce qu'ils vont "entendre des choses qu'on n'a pas l'habitude d'entendre".

D'un ton sarcastique, l'évêque explique que "ça ne va vraiment pas bien dans le diocèse de Tournai". Une allusion directe à des récents propos du nonce, notamment relayés sur notre site. "On est vraiment accablés par des blessures", ironise-t-il. En outre, "on rappelle tous les 15 jours que l'on attend un nouvel évêque, poursuit-il. L'ennui c'est que cela dure depuis deux ans. Et franchement, je ne sais pas quand cela va arriver." Mais, "on aura tellement fait pour le trouver que ce sera le meilleur d'entre-nous", ajoute-il avec un ton théâtral, suscitant quelques rires dans l'assemblée.

L'évêque démissionnaire, qui a fêté ses 77 ans le 13 avril dernier, semble avoir peu goûté les déclarations de Mgr Franco Coppola, prononcées le dimanche 6 avril lors d'un temps d'échange organisé au sanctuaire de Banneux. Interpellé sur la question des nouveaux évêques à Tournai et Namur, le nonce apostolique en Belgique avait répondu que ce dossier était "compliqué" car ces deux diocèses avaient "une histoire complexe, qui est faite de situations difficiles, de situations qui ont créé des divisions, des blessures." Pour l'ambassadeur du Saint-Siège, il s'agissait désormais de trouver, dans chacun de ces diocèses, LA personne qui puisse "aider à guérir ces blessures".

Des propos qui ont visiblement eu le don d'exaspérer Mgr Harpigny, lui qui attend depuis deux ans un successeur. "Ce qui est un peu embêtant, c’est que chaque fois que [Mgr Harpigny] va quelque part, c’est le seul truc dont on lui parle. Il doit en avoir ras-le-bol…" nous confiait encore récemment Agnès Michel, cheffe du service com’ du diocèse de Tournai.

"Quel est l'idiot qui accepterait de devenir évêque ?"

Le sujet de la nomination des évêques n'a pas été le seul à être abordé.

"Depuis le début de son mandat, [le nonce] fait des remarques sur le fonctionnement de l'Eglise catholique en Belgique", déplore Guy Harpigny. "A partir de la manière dont un curé exerce son ministère dans les Pouilles, en Italie, il juge tout ce qui se passe ici." Dès juin 2022, peu après son arrivée en Belgique, le nonce donnait déjà son avis sur certains éléments du catholicisme belge dans un entretien accordé à La Libre Belgique. Un entretien qui n'avait pas beaucoup plu à l'épiscopat belge.

"En Belgique, y a rien qui va", a ainsi synthétisé un Mgr Harpigny, ironique. "L'enseignement catholique n'a plus rien de catholique. Les professeurs et les enfants ne vont pas à la messe du dimanche. Les soins de santé catholiques n'ont plus rien de catholique. Les médecins et membres du personnel pratiquent l'avortement et l'euthanasie. Les évêques ne disent rien sur ces pratiques, ils se taisent. Ils acceptent que les ministres du culte reçoivent un traitement de l'Etat. (...) La catéchèse en Belgique est nulle. Les enfants ne connaissent rien de l'Eglise catholique. On ne les voit jamais à l'église le dimanche. Les mariages à l'église en Belgique sont très peu nombreux. (...) Le séminaire à Namur, pour la Belgique francophone, est presque vide et les congrégations religieuses sont en train de mourir".

Face à une description si peu engageante de l'Eglise belge, "appliquée au diocèse de Tournai", Mgr Harpigny s’interroge : "Quel est l'idiot qui accepterait de devenir évêque, franchement ?" Non sans susciter de nouveaux éclats de rires dans la basilique hennuyère.

"Le nombre de catéchumènes, ça on n'en parle pas !"

Alors, devant ce tableau noir que dresserait le nonce, l'évêque de Tournai souhaite mettre en avant des "choses positives" qui existent dans son diocèse.

"Il y a eu un synode diocésain, un synode des jeunes, le synode des couples et familles... ça on n'en parle pas ! Le nombre de catéchumènes et de confirmands adultes et adolescents, on l'ignore. Le nombre en croissance de pèlerins dans tous les lieux de pèlerinages à partir de Tournai, on l'ignore" énumère Mgr Harpigny.

"La manière dont les évêques et supérieurs religieux ont abordé les abus sexuels dans une relation pastorale ?" Elle est vue comme "presque nulle" déplore l'évêque référendaire francophone pour les abus, rapportant un reproche adressé aux évêques belges: "Pour quelle raison les évêques ont-ils travaillé sur ce point [des abus] avec le parlement fédéral ?"

Revenant enfin sur la lente désignation de son successeur à l'évêché, Mgr Harpigny tient à rassurer : "L'avenir de l'Eglise ne dépend vraiment pas de la qualité ou non d'un évêque diocésain." Pour lui, l'Eglise c'est "le peuple de Dieu répandu sur la planète entière"... (retrouvez la suite de son homélie en vidéo ci-dessous)

Lors de cette messe chrismale, l'évêque de Tournai aura fait preuve d'une étonnante liberté de parole, répondant à la non moins surprenante liberté du nonce apostolique.

▶️ Sa prise de parole est à retrouver en intégralité ci-dessous :

(à partir de 12min25sec)

C.L.


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