Hospitalisé durant de longues semaines suite à une double pneumonie, le Pape François âgé de 88 ans s’est éteint, ce 21 avril, lundi de Pâques. Hier, jour de Pâques, il était encore apparu à la loggia centrale de la basilique Saint-Pierre. Il avait souhaité de Bonnes fêtes de Pâques aux fidèles rassemblés sur la place Saint-Pierre avant de passer la parole au maître de cérémonie pour le traditionnel message Urbi et Orbi. Il a, à l’issue de cette lecture, accordé sa bénédiction à la Ville et au Monde. Le pape avait ensuite parcouru, en papamobile, un tour de la place Saint-Pierre.
Le pape François est décédé, ce lundi matin, à la résidence Sainte-Marthe. Depuis son élection, le 13 mars 2013, le pape François avait refusé de s’installer dans l’appartement réservé aux souverains pontifes lui préférant cette résidence construite pour héberger les participants aux conciles. Un lieu plus sobre qui convenait bien à celui qui aura été durant douze années non seulement l’évêque de Rome mais aussi bien sûr le chef de l’Eglise.
Mgr Warin, évêque du diocèse de Namur a eu l’occasion, à trois reprises, de rencontrer le pape François, le pape qui l’a nommé. Il raconte ces rencontres (lire ci-dessous) et pose une question : « Que dit l’Esprit à l’Eglise par le Pape François ? » Une question à laquelle Mgr Warin apporte trois réponses.
On garde un attachement particulier au Pape qui vous a nommé. Le Pape François m’a appelé à occuper le Siège de Namur le 5 juin 2019. Je lui en suis très reconnaissant, une reconnaissance que j’ai exprimée le jour de la prise de possession du Siège, le 30 juin.
La première fois que je l’ai rencontré, c’est lors de la clôture de l’Année de la Vie consacrée, qui a commencé le 30 novembre 2015, premier dimanche de l’Avent, pour se terminer avec la fête de la Présentation de Jésus au Temple, le 2 février 2016. Un congrès à Rome a été organisé en janvier-février 2016, auquel j’ai été envoyé par les autres évêques, en ma qualité d’évêque référendaire pour la Vie consacrée. Lors de la rencontre entre le Pape et les participants, un imposant siège blanc avait été prévu pour lui. Les évêques devaient s’approcher un à un. Mais le Pape n’est pas resté à son fauteuil, il est venu vers nous. En italien, je lui ai exprimé l’admiration et la gratitude des évêques de Belgique. J’ai été touché par l’acuité de son regard et sa grande gentillesse.
La deuxième fois que je l’ai rencontré, à c’est à l’occasion de la visite ad limina des évêques belges, en novembre 2022. Vers la fin de celle-ci, nous avons rencontré le Pape. Nous étions seuls avec lui. Le Cardinal De Kesel avait prévu une petite allocution. Mais le Pape a préféré que l’on commence directement l’échange. Chacun a pu s’exprimer et l’entretien a dépassé largement le temps prévu. Le Saint-Père nous est apparu comme un être d’écoute et bien au courant de la situation de l’Eglise belge.
La troisième rencontre date de sa venue en Belgique, du 26 au 29 septembre dernier. J’ai eu l’occasion de le saluer personnellement à la Basilique de Koekelberg. En italien, puisque c’est la langue dans laquelle s’exprime ce Pape originaire d’Argentine, laissant entendre par-là qu’il est avant tout l’évêque de Rome.
Une question : trois réponses
Je pose la question : que dit l’Esprit à l’Eglise par le Pape François. Je donne trois réponses.
Dans son exhortation apostolique « Evangelii Gaudium » (« La Joie de l’Evangile), datée du 24 novembre 2013 (Solennité du Christ Roi), dans laquelle on peut reconnaître en quelque sorte son programme pour l’Eglise, la première question sur laquelle le Pape veut s’arrêter est « la réforme de l’Eglise ‘en sortie’ missionnaire » (cf n°17). Dès avant le conclave, il avait prononcé devant ses confrères cardinaux une allocution où il disait : « Nous devons combattre la maladie spirituelle de l’Eglise qui l’amène à se replier sur elle-même. » Je cite simplement ces deux phrases d’« Evangelii Gaudium » : « L’action missionnaire est le paradigme (le modèle) de toute tâche de l’Eglise (n°15) ; et encore : « Il est nécessaire de passer d’une pastorale de simple conversion à une pastorale vraiment missionnaire » (Ibid)
L’Eglise n’existe pas pour elle-même. Elle est selon l’heureuse formule du Concile, « sacrement du salut pour le monde. » Ne sommes-nous pas trop souvent préoccupés par la gestion de nos œuvres propres, par des questions de cuisine interne, et trop peu par cet impératif : Comment faire signe au monde, comment être témoins d’une autre manière d’être et d’agir ? On gagne en santé lorsqu’on s’oublie soi-même pour penser à l’autre. La prière attribuée à saint François d’Assise dit : « C’est en se donnant que l’on reçoit, c’est en s’oubliant qu’on se trouve soi-même. »
Que dit l’Esprit à l’Eglise par le Pape François ? Je donne une deuxième réponse.
Le Pape a fait précéder le Synode extraordinaire sur la famille d’octobre 2014 par une large consultation du peuple de Dieu sur base d’un questionnaire, et il a qualifié le rapport final du Synode, assorti d’un nouveau questionnaire, de lineamenta devant servir de base de travail pour l’année à venir, en vue du prochain synode (ordinaire), à nouveau sur la famille, qui s’est tenu en octobre 2025. Ce faisant ne donne-t- il pas à la démarche synodale une allure quasi conciliaire ? L’Eglise a inspiré au bon Pape Jean un aggiornamento de l’Eglise. Ne peut-on sentir la même inspiration en matière de couples et de famille chez le bon Pape François ?
Le Saint-Père a récidivé avec le Synode sur la synodalité. Le 26 octobre dernier, s’est achevée la seconde session de ce synode. Le Saint-Père a annoncé qu’il ne publiera pas une exhortation apostolique, car le Document final en tient lieu. Signe de synodalité de sa part et valorisation par lui, d’une part, des deux années de consultation et d’écoute, la première menée au sein des Eglises diocésaines, la seconde à un niveau continental, et, d’autre part, des deux sessions synodales où peuple de fidèles, pasteurs et évêque de Rome ont chacun été à l’écoute des autres et pas à l’écoute de l’Esprit Saint.
Que dit l’Esprit à l’Eglise par le Pape François ? Je donne ma troisième réponse.
Lorsqu’il fut appelé à devenir évêque, celui qui allait devenir le Pape François a choisi comme devise, « Miserando atque Eligendo » ce qui peut se traduire « avec des yeux de miséricorde ». Puis il a décidé de faire de l’année 2016 un jubilé de la Miséricorde, une Année sainte extraordinaire, qui a coïncidé avec l’année où les lectures des dimanches sont tirées de l’évangile selon saint Luc, « le chantre de la mansuétude du Christ » (Dante).
Pour le Pape François, l’Esprit nous invite à nous tenir auprès des malheureux. Or écrit Victor Hugo, dans « Les Misérables », « peut-on toucher sans cesse, et nuit et jour, à toutes les détresses, à toutes les infortunes, à toutes les indigences, sans avoir soi-même sur soi un peu de cette sainte misère, comme la poussière du travail ? (….) Se figure-t-on un ouvrier qui travaille sans cesse à une fournaise, et qui n’a ni un cheveu brûlé, ni un ongle noirci, ni une goutte de sueur, ni un grain de cendre au visage ? » (La Pléiade, p.51).
Par le Pape François, l’Esprit nous invite encore à voir, comme le Christ, dans l’homme pécheur un malheureux à aimer davantage, à croire inlassablement qu’un plus est possible en l’autre et en nous : le fautif n’est pas sa faute ; le pécheur n’est pas son péché.
+ Pierre Warin
Le 27 février 2025
