Guirsch, sur les pas de saint Willibrord


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Guirsch, sur les pas de saint Willibrord
Par Diocèse de Namur
Publié le
5 min

Sur les hauteurs de son plateau lorrain, le petit village de Guirsch se déploie paisiblement entouré de prairies ondoyante et de forêts profondes, sous le regard lointain des villages grand-ducaux d’Oberpallen et Beckerich. Depuis plus de trois siècles, les paroissiens y perpétuent avec dévotion une tradition unique en l’honneur de saint Willibrord, leur saint patron : une procession qui incarne la mémoire d’un passé spirituel commun avec le Grand-Duché de Luxembourg voisin et la beauté d’un patrimoine bien vivant.

« Ici, on n’arrive pas par hasard », sourit Monsieur Alexis Schmit, président de la fabrique d’église et notre guide du jour, en désignant la petite route sinueuse qui, depuis Arlon, grimpe doucement à travers bois pour déboucher sur un plateau lumineux. La chapelle Saint-Willibrord, sentinelle discrète du village, nous accueille comme une main tendue vers le pèlerin. « Elle annonce le sanctuaire plus important, l’église paroissiale, un peu plus loin », explique notre hôte. Et c’est justement vers ce cœur battant du village qu’il nous mène.

De la chapelle castrale à l’église paroissiale : une histoire séculaire

L’église Saint-Willibrord, fondée en 1518, fut d’abord une chapelle castrale, adossée au château seigneurial dont il ne subsiste aujourd’hui que les vestiges historiques. Le château actuel fut construit entre 1749 et 1763. « Ce qu’on remarque tout de suite, c’est le chœur voûté gothique qui est plus ancien que la nef », explique notre guide. Il date de 1697 et constitue le cœur historique de l’église. Les armoiries des Seigneurs de Marches sont bien visibles à la croisée d’ogives. L’autel majeur y est installé. Le versant nord de l’abside comporte une théothèque (petite niche ronde dans l’épaisseur du mur qui permettait autrefois au pèlerin de se repérer dans la nuit grâce à la lumière qui y brûlait). Elle est aujourd’hui fermée par la sacristie. Sur le flanc sud, un autel latéral est dédié à saint Willibrord. La statue du saint missionnaire, rappelle son lien vivant avec le village, où, selon la tradition, il aurait fait halte et célébré des baptêmes dans un puits aujourd’hui disparu. « Saint Willibrord est né en Angleterre en 658. Ordonné prêtre, il s’expatrie en Frise afin d’évangéliser la population. Il y est sacré évêque et y fonde une abbaye à Echternach, d’où il continue sa mission d’évangélisation jusqu’à la fin de sa vie en 739. Très tôt après sa mort, sa vénération s’est répandue dans toutes les régions qu’il avait évangélisées. De nombreuses fontaines jalonnent d’ailleurs la route du missionnaire et témoignent de son activité baptismale. Celles-ci ont fait l’objet d’un culte particulier de la part des chrétiens qui cherchaient la guérison de certaines maladies nerveuses. Selon la légende, l’eau du puits bénite par Saint Willibrord était miraculeuse, surtout contre l’épilepsie, la danse de Saint-Guy et les convulsions », explique notre guide.

La lumière, tamisée par les vitraux redessinés au début du XXe siècle par l’architecte Léon Lamy, caresse des fonts baptismaux néo-gothique et la statue du saint patron porté en procession. Plusieurs pierres tombales le long de la nef et dans le chœur, ainsi que l’imposante chapelle funéraire néogothique de la famille seigneuriale dans le cimetière, rappellent encore l’origine de l’église. Ce n’est qu’après 1839 et la réorganisation ecclésiastique qu’elle devint église paroissiale, lorsque la paroisse de Beckerich fut scindée par la création de la frontière belgo-luxembourgeoise.

Une procession vivante depuis 1692

La tradition la plus précieuse de Guirsch reste cependant la procession du lundi de Pentecôte, qui est honorée sans interruption depuis 1692, date à laquelle elle fut instaurée en remplacement du pèlerinage à Echternach auquel les villageois étaient autrefois obligés de participer. Chaque année, les paroisses belges et luxembourgeoises voisines convergent vers Guirsch. La fanfare de Beckerich, la chorale, les enfants du village, les bannières colorées, les statues de la Vierge et du saint patron parées de fleurs et de dorures… tout le monde participe à ce moment d’unité dans une atmosphère de ferveur et de fête.

Le cortège part de l’église, traverse le village, longe le château et emprunte le vieux chemin pastoral « alewee », bordé de fermes anciennes, en direction de la chapelle à l’entrée du village. Et c’est là, devant un magnifique panorama qu’une messe en plein air est célébrée. Pour la 333ème édition de la procession, un grand chapiteau y sera dressé et Mgr Léo Wagener, évêque auxiliaire du diocèse de Luxembourg présidera la messe en présence du chanoine Joël Rochette, vicaire général de notre diocèse. Le retour à l’église se fera dans la même solennité, avec bénédiction eucharistique au reposoir.

Puis viendra le temps de la convivialité, à l’ancienne école devenue maison de village, autour du traditionnel maitrank, des thüringers fumants et de joyeuses conversations en luxembourgeois ou en français : « C’est bien plus qu’un folklore. C’est un moment d’ancrage, d’identité », affirme notre guide, la voix un brin émue.

À découvrir à proximité ?

Le village a été classé ensemble architectural de Wallonie en 2010, et intégré au réseau des Plus Beaux Villages de Wallonie en 2023. Il fait bon s’y attarder et flâner dans ses rues étroites où le silence est roi. Seuls les oiseaux s’y font entendre. Proche du château, accessible uniquement à pied ou à vélo, un vieux sentier mène jusqu’à Beckerich, « l’ancien chemin des fraudeurs », un nom évocateur qui ouvre la voie à bien des histoires de « passage de frontière ». Il est aussi possible via l’Allewee de rejoindre à travers champs le village d’Operpallen.

Christine Gosselin

Catégorie : Diocèse de Namur

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