Sr Maria Domenica, Générale des Sœurs de la Charité de Namur : « Je sens la force de Dieu en moi »


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Sr Maria Domenica, Générale des Sœurs de la Charité de Namur : « Je sens la force de Dieu en moi »
Par Diocèse de Namur
Publié le
7 min

Après avoir lancé un regard, par la fenêtre, sur une matinée bien grise, sœur Maria Domenica ajuste le col de sa veste polaire. « Au plus profond de moi, je suis Belge mais je ne m’habituerai jamais au froid ni au manque de lumière… » Originaire de Calabre, en Italie, elle est arrivée en Belgique en l’an 2000. Psychologue clinicienne de formation, elle est aujourd’hui, la Générale des Sœurs de la Charité de Namur. Depuis son élection, elle sillonne le monde à la rencontre des sœurs de sa congrégation qui sont au plus près de la population. Ses congés en famille ? Elle a déjà choisi de les passer, en partie, en Sicile auprès des migrants qui arrivent sur l’île et qui, pour certains, y sont emprisonnés.

De son pas pressé, sœur Maria Domenica arpente les longs couloirs de la maison de la communauté. Elle passe d’une réunion à une autre gérant ainsi les problèmes qui se posent au quotidien. Une vie bien chargée certes mais où les temps de prière occupent LA place primordiale de la journée. Des moments de ressourcement indispensables à vivre avec la communauté.

Aider l’autre voilà ce qui, depuis son tout jeune âge habite sœur Maria Domenica. L’aider à surmonter la souffrance. Et d’ajouter « surtout celle qui ne se voit pas. » C’est ainsi qu’elle est devenue psychologue clinicienne et psychothérapeute. C’est tout naturellement à Rome là où elle avait suivi les cours à l’université laissant ainsi derrière elle son joli village de Torre di Ruggiero (Calabre) qu’elle s’est lancée dans la vie professionnelle. Elle s’occupera et ce, pendant huit années, d’enfants handicapés qui vivent à domicile.

Très jeune déjà, la future Générale des Sœurs de la Charité se nourrissait de la prière, dévorant encore tous les livres qui racontaient la vie des saints. « Pour moi, c’était cela la vie normale. J’aimais aussi beaucoup entrer dans les monastères pour prier, j’y sentais la présence de Dieu. » A un moment, elle a pensé devenir moniale.

La jeune femme convaincue qu’elle pourrait donner sa vie à Dieu entame un parcours de discernement. « Le 22 juillet 2000, j’ai su que j’étais appelée et j’ai eu la force de répondre à cet appel. J’ai senti que Dieu s’adressait à moi. Je vivais quelque chose que le monde ne pouvait me donner. » Pour la famille, c’est un choc. Heureusement sœur Maria Domenica peut compter sur ses sœurs pour la soutenir et persévérer sur ce chemin. Une enfant handicapée qu’elle accompagnait lui adressera un très beau message toujours inscrit dans sa mémoiren : « Tu me laisses parce que tu vas te marier avec Dieu. Tu sais, la manière que tu as de me toucher n’est pas la même que les autres opérateurs (ndlr : psychologue…). »

Au chevet de ceux qui souffrent

C’est à Rome qu’elle fait connaissance avec les Sœurs de la Charité et leur charisme. Le 6 décembre 2000, sœur Maria Domenica arrive en Belgique, à Salzinnes, chez les Sœurs de la Charité. Des religieuses proches des malades – elles ont longtemps été au chevet des patients de la clinique Sainte-Elisabeth qui jouxte celle de la maison mère-, elles sont auprès des résidents du Foyer Sainte-Anne, une MRS (Maison de Repos et de Soins), qui accueille des personnes âgées, malades mais aussi des personnes dans le coma. Durant le postulat, le noviciat avant ses premiers vœux et ses vœux perpétuels, elle sera au chevet des uns et des autres. Elle est présente comme psychologue clinicienne pour le malade comme pour ses proches. Elle est encore présente au moment où le proche rend son dernier souffle. Elle côtoie des croyants comme des non croyants, des Chrétiens, des Musulmans…. Une bienveillance de chaque instant.

En 2013, sœur Maria Domenica devient l’assistante et la première conseillère de la Générale, sœur Liliane Toussaint. A ce titre, elle se rend au Brésil, au Congo pour des visites canoniques. A chaque voyage, une priorité essentielle : veiller à ce que les religieuses soient bien dans leur mission. « Sur place, elles doivent pouvoir concrétiser leurs projets : scolarisation des enfants, installation de dispensaires…. Elles vivent, le plus souvent, dans des pays très pauvres, elles sont vraiment courageuses. »

Lors du chapitre suivant, en 2019, elle est envoyée à Rome pour prendre la responsabilité de la communauté et travailler dans la clinique de la congrégation. Lors de ce chapitre, plusieurs religieuses évoquent les propos du pape François qui encourage l’accueil des migrants. L’Italie est concernée : de petites embarcations remplies d’hommes, de femmes, d’ enfants arrivent sur les côtes siciliennes. Plusieurs de ces bateaux n’atteindront jamais la terre ferme.

L’idée d’y ouvrir une maison des Sœurs de la Charité est lancée. L’évêque du lieu est d’accord tout comme un prêtre déjà très investi dans l’aide aux migrants. L’idée mettra 18 mois avant d’aboutir. Pendant ce temps, sœur Maria Domenica s’est reposée un minimum et s’est beaucoup ressourcée. Sœur Maria Domenica : « On a finalement compris que nous devions ouvrir cette maison, nous mettre au service des personnes. Sœur Marie Domenica part pour la Sicile.

Après la traversée, la prison

Sa mission ? Aider ceux qui, une fois le pied posé sur la terre sicilienne, sont emprisonnés. Emprisonnés encore après dénonciation pour des vols, viols… commis ou supposés comme tels durant la traversée. Il s’agit le plus souvent de règlements de compte entre passeurs. En attendant que l’enquête aboutisse, ils sont enfermés dans la prison de Trapani. Les religieuses sont mobilisées pour les aider dans les démarches administratives, dans l’apprentissage de la langue… Présence quotidienne pour leur apporter, tout simplement, une écoute, de la chaleur humaine. Les prisonniers libérés séjournent, avant de prendre un nouveau départ, chez le prêtre. « C’est une vie en famille. Nous faisions, ensemble, la cuisine… » Et d’ajouter : « Là où je travaille, je ne garde que de bons souvenirs. Je suis là où Dieu me veut. »
Sur place, il faut encore faire face à la population locale de plus en plus hostile à ces migrants. Démunis, beaucoup n’hésitent pas à voler. Laconique, sœur Maria Domenica : « Ce sont des personnes magnifiques qui, pour la plupart, dans leur pays, avaient un travail. »
Ses nouvelles fonctions de Générale au sein de la congrégation font que sœur Maria Domenica rentre en Belgique. Elle est moins disponible pour ces migrants. Une chose est certaine, durant son prochain temps de pause destiné à retrouver la famille, elle retournera sur place pour plusieurs jours. « Je suis une femme de terrain » ajoute-t-elle en souriant. Un sourire qui ne la quitte que quand elle raconte la détresse humaine si souvent côtoyée. En attendant de retourner sur les côtes siciliennes, elle ne perd pas le contact. Régulièrement, elle retrouve ces détenus en visioconférence, pour des temps de partage mais aussi de prière.« La force de Dieu en moi »

En août dernier, des élections ont eu lieu lors du Chapitre général.  Le 20 août, son nom sortait de l’urne. Elle devenait ainsi la Générale des sœurs de la charité. Un poste à responsabilités qui n’inquiète pas outre mesure sœur Maria Domenica : « Je ne vais pas changer dans ma vocation juste changer l’organisation de mes journées. J’ai beaucoup de choses en tête mais je sens la force de Dieu en moi. » Ces dernières semaines sont aussi celles des découvertes. La congrégation est présente dans de nombreux conseils d’administration. Il faut, à chaque fois, prendre connaissance des dossiers. « Je suis très déterminée. Je suis ferme, exigeante avec moi-même. Dieu me demande une charge plus lourde, me donne des responsabilités majeures, il est présent avec moi. Je suis là pour veiller à ce que le charisme de la fondatrice soit respecté. J’essaie de regarder les choses avec Dieu. Le Seigneur m’a choisi et c’est sa grâce qui m’accompagne. »

Une religieuse solaire qui aime la marche. « Mon pas est rapide. Je ne vais pas en ville pour regarder les vitrines ! » Une marche qui lui permet de prier, de méditer tout en évitant de perdre du temps dans les embouteillages et dans la recherche d’un stationnement !

Sœur Maria Domenica est actuellement au Tchad où elle rencontre des sœurs de sa congrégation. Fin de l’année dernière, elle était en Equateur. Si elle reconnait bien volontiers ne pas prendre du temps pour elle, elle se veut vigilante : « Du temps, j’en prends pour Dieu. Je ne tomberai pas dans l’activisme. »

Christine Bolinne

Catégorie : Diocèse de Namur

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