Le mercredi des cendres : du désert à la résurrection, chemin du Carême


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Le mercredi des cendres : du désert à la résurrection, chemin du Carême
Par Diocèse de Namur
Publié le
9 min

Ce mercredi 5 mars sera célébré le mercredi des cendres. Le coup d’envoi du Carême. Munis de nos rameaux reçus et bénis l’année dernière, ceux-ci seront brûlés et, de leurs cendres, le prêtre dessinera une croix noire sur nos fronts en prononçant les célèbres paroles : « homme, souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière. » Le mercredi des cendres, c’est aussi le premier jour du Carême. Un jour qui ouvre une période de privations, de partages et de prières, comme le dit l’Évangile lu pour l’occasion.

Quarante jours de désert

Les festivités du Mardi gras semblent déjà bien loin. Hier encore, la folie carnavalesque animait nos rues avec cotillons et confettis, mais ce mercredi, le ton se voudra plus solennel, et pour cause… nous entrons dans la période la plus importante de l’année chrétienne : le Carême.

Nos statues vont se recouvrir de voiles, les autels ne seront plus fleuris, et les cierges n’illumineront plus nos chapelles. Plus de gloria, ni d’alléluias. Les orgues ne serviront plus qu’à soutenir les chants, et tout autre instrument de musique sera interdit. Le culte des saints sera suspendu, afin de ne pas oublier que ce temps sacré est destiné à nous faire vivre une communion avec le Seigneur, pour méditer pleinement le mystère des tentations dans le désert.

Car tout part de cet épisode fondateur : Jésus-Christ, tenté par le diable dans le désert de Judée. Quarante jours durant, il a vécu dans la solitude, affrontant la faim et l’épreuve. C’est alors, au moment le plus difficile, que le tentateur est venu lui adresser trois défis. D’abord, il l’invite à transformer les pierres en pain… mais Jésus répond : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » [1] Puis, il le pousse à se jeter du sommet d'une falaise… mais Jésus rétorque : « Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. » [2] Enfin, le diable lui promet tous les royaumes du monde en échange de sa soumission... mais Jésus affirme : « C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendras un culte. » [3]

Trois fois tenté, trois fois résisté, il n’a souhaité être ni roi du monde, ni tentateur. Cet épisode des tentations, ce mystère, c'est ce que les catholiques revivent durant le Carême. Un temps marqué par la privation, le partage et la prière... tel que lu lors de l'Évangile du mercredi des cendres, la partie centrale du sermon sur la montagne (Matthieu 6), où Jésus-Christ nous appelle à une vie de piété fondée sur ces trois piliers : l’aumône (partage), la prière et le jeûne (privation). Ainsi, nous deviendrons « des justes ».

A cet effet, le Catéchisme de l’Eglise Catholique (CEC) nous enseigne que notre pénitence « (…) peut avoir des expressions très variées. L’Écriture et les Pères insistent surtout sur trois formes : le jeûne, la prière, l’aumône (cf. Tb 12, 8 ; Mt 6, 1-18), qui expriment la conversion par rapport à soi-même, par rapport à Dieu et par rapport aux autres » (CEC 1434).

Le Catéchisme nous rappelle, ailleurs, le sens du Carême :

La tentation de Jésus manifeste la manière qu’a le Fils de Dieu d’être Messie, à l’opposé de celle que lui propose Satan et que les hommes (cf. Mt 16, 21-23) désirent lui attribuer. C'est pourquoi le Christ a vaincu le Tentateur pour nous : « Car nous n'avons pas un grand prêtre impuissant à compatir à nos faiblesses, lui qui a été éprouvé en tout, d'une manière semblable, à l'exception du péché » (He 4, 15). L'Église s'unit chaque année par les quarante jours du Grand Carême au mystère de Jésus au désert. (CEC 540)

Quarante, un chiffre symbolique, qui revient près de cent fois dans les Écritures !
Quarante jours pour Noé à flotter sur les eaux après le déluge [4], celui nécessaire pour embaumer Jacob [5], ou encore le nombre de jours que Moïse passe sur le mont Sinaï pour graver les Tables de la Loi [6]. Le peuple hébreu explore le pays pendant quarante jours avant une errance de quarante ans [7], tandis qu’Élie marche durant ce même temps vers le mont Horeb, où il rencontre Dieu après avoir voulu abandonner sa mission [8]. C’est aussi le délai accordé par Dieu aux habitants de Ninive pour se convertir [9]. Enfin, quarante jours, c’est le temps que Jésus passe dans le désert, soumis à la tentation. [10]

Memento homo – un jour de jeûne aux couleurs du deuil

Ce mercredi sera donc le coup d’envoi du Carême. À l’église, le prêtre va brûler les rameaux de l’année dernière et en apposer la cendre sur le front des fidèles, proclamant la célèbre phrase : « homme, souviens-toi que tu es poussière… », référence à la parole de Dieu pour punir Adam du péché originel [11], mais aussi signe et rappel de notre propre finitude. Une variante est aussi possible : un verset de l’Evangile selon Matthieu : « convertissez-vous et croyez à l’Evangile ! », insistant davantage sur l’appel à notre propre conversion. Signe que la conversion et la pénitence sont toutes deux liées à notre finitude. Le dénominateur commun, c’est la cendre, fruit de la combustion, et donc, du feu. Ce feu du baptême [12] qui doit, aussi, consumer nos péchés.

Dans l’Ancien Testament, se recouvrir la tête de cendres était un signe de repentance [13], un aveu public de notre condition de pécheur. Le Carême, temps de préparation et de conversion, vise à ramener les pénitents à la communion. Il était donc naturel que, depuis l’époque paléochrétienne, son premier jour soit consacré à la reconnaissance des péchés et à l’appel à la conversion. D'ailleurs, le Carême est une très ancienne tradition. Elle remonte, au moins, au concile de Nicée, qui prescrivait déjà un « jeûne de quarante jours » à destination de l’enseignement des catéchumènes, qui se font baptiser à Pâques. Tradition toujours respectée aujourd'hui, puisque nos catéchumènes seront baptisés à pâques, et leur appel décisif sera proclamé le premier dimanche du Carême, celui de la Quadragésime.

Pour le Carême, le jeûne n’est prescrit que deux jours spécifiques : le vendredi saint, et le mercredi ; tel qu’il est indiqué dans le Code de Droit Canon (§1251) : « l'abstinence et le jeûne seront observés le Mercredi des Cendres et le Vendredi de la Passion et de la Mort de Notre Seigneur Jésus Christ. »

Un jeûne qui vous permettra de vous préparer pleinement à entrer dans le Carême, et à accueillir Jésus-Christ dans votre cœur en vivant la communion de son chemin de croix, jusqu’à la lumière de la résurrection, à Pâques.

D’ores et déjà, une très belle entrée en Carême à tous.

Tous en violet !
Pour toutes ces raisons, la couleur liturgique du mercredi des cendres est le violet – comme pour tous les jours jeûnés, les rogations ou les offices des défunts. Le violet, couleur de pénitence, est aussi la couleur du deuil. Il sera remplacé par le rose, au dimanche du Laetare, le quatrième dimanche de Carême, pour manifester la joie (Laetare, « réjouis-toi »). Car notre repentance n’est pas absente de toute réjouissance, si le Carême est le temps qui nous sépare de la crucifixion, il est aussi celui qui nous rapproche de la résurrection.
Lire l'Évangile du mercredi des cendres

Matthieu 6,1-6.16-18
En ce temps-là,
Jésus disait à ses disciples :
« Ce que vous faites pour devenir des justes,
évitez de l’accomplir devant les hommes
pour vous faire remarquer.
Sinon, il n’y a pas de récompense pour vous
auprès de votre Père qui est aux cieux. Ainsi, quand tu fais l’aumône,
ne fais pas sonner la trompette devant toi,
comme les hypocrites qui se donnent en spectacle
dans les synagogues et dans les rues,
pour obtenir la gloire qui vient des hommes.
Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense.
Mais toi, quand tu fais l’aumône,
que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite,
afin que ton aumône reste dans le secret ;
ton Père qui voit dans le secret
te le rendra. Et quand vous priez,
ne soyez pas comme les hypocrites :
ils aiment à se tenir debout
dans les synagogues et aux carrefours
pour bien se montrer aux hommes
quand ils prient.
Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense.
Mais toi, quand tu pries,
retire-toi dans ta pièce la plus retirée,
ferme la porte,
et prie ton Père qui est présent dans le secret ;
ton Père qui voit dans le secret
te le rendra. Et quand vous jeûnez,
ne prenez pas un air abattu,
comme les hypocrites :
ils prennent une mine défaite
pour bien montrer aux hommes qu’ils jeûnent.
Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense.
Mais toi, quand tu jeûnes,
parfume-toi la tête et lave-toi le visage ;
ainsi, ton jeûne ne sera pas connu des hommes,
mais seulement de ton Père qui est présent au plus secret ;
ton Père qui voit au plus secret
te le rendra. » –
Acclamons la Parole de Dieu.

Références

[1] Matthieu 4,4

[2] Matthieu 4,7

[3] Matthieu 4,10

[4] Genèse 7,4 : « Encore sept jours, en effet, et je vais faire tomber la pluie sur la terre, pendant quarante jours et quarante nuits ; j’effacerai de la surface du sol tous les êtres que j’ai faits. »

[5] Genèse 50,3 : « Cela dura quarante jours, le temps qu’il faut pour l’embaumement. Ensuite, les Égyptiens le pleurèrent soixante-dix jours. »

[6] Exode 24,18 : « Moïse entra dans la nuée et gravit la montagne. Moïse resta sur la montagne quarante jours et quarante nuits. »

[7] Nombres 14,34 : « Vous avez exploré le pays pendant quarante jours, chaque jour vaudra une année : vous porterez donc le poids de vos fautes pendant quarante ans, et vous saurez ce qu’il en coûte d’encourir ma réprobation. »

[8] 1 Rois 19,8 : « Élie se leva, mangea et but. Puis, fortifié par cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à l’Horeb, la montagne de Dieu. »

[9] Jonas 3,4 : « Jonas la parcourut une journée à peine en proclamant : Encore quarante jours, et Ninive sera détruite ! »

[10] Matthieu 4,1-2 : « Alors Jésus fut conduit au désert par l’Esprit pour être tenté par le diable. Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim. »

[11] Genèse 3,19 : « C’est à la sueur de ton visage que tu gagneras ton pain, jusqu’à ce que tu retournes à la terre dont tu proviens ; car tu es poussière, et à la poussière tu retourneras. »

[12] Matthieu 3,11 : « Moi, je vous baptise dans l’eau, en vue de la conversion. Mais celui qui vient derrière moi est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. »

[13] 2 Samuel 13,19 : « Alors Tamar répandit de la cendre sur sa tête et déchira la tunique à longues manches qu’elle portait. Elle mit la main sur sa tête et s’en alla en criant. »

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