Tant de gens ont grandi dans la foi catholique, mais se sont ensuite éloignés de l’Eglise et de ses croyances. C’est le cas de Georges van der Straten-Waillet. Qui nous explique ce qu’il reproche à l’Eglise. Et ce qu’il en attend encore…
J’ai 74 ans et je ne suis plus catholique depuis mes 15 ans. Pourquoi? Parce que je ne suis pas sûr que Jésus soit ressuscité. Je ne suis pas sûr que sa mère ait été vierge, que le Christ est physiquement présent dans l’hostie, et parce que je ne pratique pas régulièrement. Du coup, je ne me sens pas le droit de dire que je suis catholique. Cela me semble cohérent.
Mais il y a une différence essentielle entre la "foi" (qui relève du cœur) et les "croyances" (qui relèvent de la tête et de la raison). Or, les dogmes, la doctrine et la liturgie font partie des croyances et constituent pour moi autant d’obstacles sur le chemin du catholicisme. Par contre, j’ai une foi fondatrice dans le Dieu d’Amour. Celui-ci m’a été révélé en 1981 au cours d’une épreuve extrême que j’ai vécue aux Pays-Bas. Depuis, j’aime fréquenter et échanger avec des chrétiens et des catholiques, j’adore le message évangélique. Mais je ne crois pas comme il faut croire pour être un vrai catholique.
Des obstacles sur la route
Il n’empêche, la question de la spiritualité et de l’inspiration divine m’occupe quotidiennement et j’en parle régulièrement avec des compagnons de route catholiques ou ex-catholiques, ou même athées. Je me rends compte que la plupart de nos contemporains sont assoiffés de spiritualité et se posent des questions essentielles. Qu’y a-t-il après la mort? Existe-t-il une transcendance? Pourquoi le Mal? l’Esprit du mal existe-t-il vraiment? Y a-t-il des choses sacrées?
Dans le même temps, cela me fait de la peine de voir les églises se vider, ou de constater la maladresse de certains représentants catholiques. Je pense par exemple aux fameuses paroles du pape dans l’avion qui le ramenait de Belgique, au sujet de l’avortement. Je regrette aussi la langue de bois de la liturgie dominicale. Je m’interroge: peut-on cheminer avec des personnes dont on ne partage pas toutes les croyances? Jusqu’où? Pour ma part, je rêverais de cheminer avec des gens d’Eglise si ceux-ci ne mettaient pas des obstacles sur la route (l’adhésion à des dogmes, à la doctrine, à la liturgie…).
Peu de chose à côté de la foi
Il y a dans l’Eglise, et dans toutes les religions, une minorité de personnes qui sont capables de nous accompagner dans notre chemin vers l’essentiel. Ce sont les personnes qui ont une sensibilité mystique. Comme le disent les mystiques soufis: "Toutes les croyances sont peu de chose à côté de la foi". Ces personnes, qu’elles soient juives, soufies, bouddhistes ou chrétiennes, sont des lumières pour les "brebis égarées" ou les "brebis indépendantes" dont je fais partie.
La soif de spiritualité est plus présente que jamais parmi nos contemporains "non religieux", mais les hommes et femmes d’Eglise sont-ils capables de se montrer humbles, patients? De partager leurs doutes spirituels en toute sincérité, de respecter le chemin de foi des autres et de se "décentrer de leur ego religieux"? C’est un climat d’ouverture réciproque indispensable pour se sentir appartenir à une même communauté de chercheurs de transcendance. Nous avons tant de choses à apprendre les uns des autres.
Le risque d’un scénario à la russe
Le message des Evangiles a sa place dans le sillage de ce chemin vers Dieu, et la croyance dans les dogmes et la doctrine vient éventuellement ensuite. Dire "Nous devons évangéliser", c’est très maladroit et égocentrique. L’Eglise catholique sera-t-elle capable de se mettre à la hauteur des humbles citoyens qui veulent partager leur recherche spirituelle, leurs intuitions et leurs doutes? Si elle rate cet ultime tournant civilisationnel, je crains qu’elle manque une étape essentielle dans sa mission apostolique et risque une perte totale d’influence dans la société. Un ami catholique m’a récemment rappelé que le taux de citoyens se rendant à l’église le dimanche est de 2%. Pourtant, les 98% de non pratiquants ne sont pas loin de nous. Où sont les priorités? Le pape François appelle avec insistance de ses vœux une "Eglise en sortie", une Eglise qui rejoigne les périphéries existentielles de l’humanité. Si les catholiques ne mettent pas une priorité sur cette "périphérie", il ne subsistera dans 50 ans qu’une Eglise de "Vieux Croyants", comme en Russie orthodoxe depuis le XIXe siècle.
Cette Eglise-là m’attire
J’aimerais voir se créer dans l’Eglise des espaces de rencontre fraternelle et ouverte avec les incroyants en recherche spirituelle. Personnellement, j’ai trouvé cet espace d’échanges féconds auprès de mes amis du mouvement Poursuivre*, dont la plupart ont des racines chrétiennes. Je me sens proche aussi de la ligne éditoriale de CathoBel-Dimanche. Elle est marquée par l’ouverture à la diversité mais aussi par une conscience des égarements de l’Eglise.
Cette Eglise humble, honnête et capable de se remettre en question, m’attire.
Georges van der STRATEN-WAILLET