À flanc de colline boisée, c’est ce que signifie « Waha » et ainsi qu’apparait l’église Saint-Étienne, perchée sur les hauteurs du paisible village, près de Marche-en-Famenne. Construite au XIe siècle, elle est l'une des plus anciennes églises romanes du pays et la seule à avoir conservé la pierre dédicatoire qui commémore sa consécration en 1050. Classée patrimoine majeur de Wallonie, elle est bercée d’une merveilleuse lumière colorée qui s’échappe des vitraux contemporains réalisés par Jean-Michel Folon.

L’église Saint-Étienne est mentionnée pour la première fois en 934, mais il semble que l’église actuelle date du XIe siècle. À 150 m en contrebas, on aperçoit encore l’ancien presbytère dit ferme « des Blancs curés ». Une ancienne église dédicacée à saint Martin a effectivement existé du VIIe au XIXe siècle, cohabitant avec l’église Saint-Étienne. Le nom de « Blancs curés » fait référence aux Prémontrés de l’abbaye de Floreffe, à l’habit blanc, sous l’autorité desquels Saint-Martin passa au XIIe siècle. Devant le parvis de Saint-Étienne, l’événement est rappelé par la statue d’un Blanc curé qui se recueille sous le majestueux tilleul qu’on dit millénaire. Il aurait été planté, selon la tradition, lors de la consécration de l’église.

« Cette église Saint-Étienne a la particularité d’avoir été construite sur le site d’une ancienne forteresse, nous explique M. Housiaux, conseiller pédagogique au Famenne & Art Museum. La nef centrale de l’église serait en réalité l’ancien corps de logis de cette fortification, modifiée pour intégrer deux nefs latérales et deux chœurs, une caractéristique typique des édifices religieux de l’époque carolingienne. Vers l’an 1100, la construction d’une tour remplacera l’ancien chœur seigneurial. Cette tour servait à l’origine de donjon-refuge, une nécessité en ces temps troublés où la sécurité des habitants du village était une priorité.





En faisant le tour extérieur de l’église, notre guide attire notre attention sur la présence d’archères qui confirment cette fonction défensive de la tour avant qu’elle ne devienne un clocher. La toiture en forme de bulbe, qui confère aujourd’hui à la tour son aspect si particulier, fut quant à elle ajoutée en 1574. D’autres éléments attestent de ce passé singulier comme le nombre surprenant de portes que l’église possédait. On les repère dans les irrégularités de la maçonnerie. Sept au total. « Parmi celles-ci, une porte seigneuriale, située sur la face nord, permettait autrefois au noble local de pénétrer directement dans l’église et de rejoindre sa tribune privée pour assister aux offices en hauteur, symboliquement séparé du reste de la population. » La " porte des morts ", située côté sud, était utilisée lors des enterrements pour transporter les cercueils vers le cimetière qui entourait l’église. En haut de la nef, Monsieur Housiaux nous montre encore deux petites ouvertures triangulaires. Ce sont des anciens accès au pigeonnier qui attestent également l’origine seigneuriale de l’église, car seule la noblesse avait le privilège de communiquer avec d’autres grandes familles par pigeons-messagers.

Sur le chevet, à côté de deux fenêtres romanes et d’un œil-de-bœuf habillés de vitraux signés Jean-Marie Londot, une petite ouverture ronde protégée par une structure métallique apparait sur la façade : c’est la partie extérieure d’une théothèque gothique du XVIe siècle qui se trouve à l’intérieur du chœur : « Il s’agit d’une petite niche dans l’épaisseur du mur qui servait autrefois de ta bernacle et dans laquelle on plaçait une source lumineuse qui se voyait de l’extérieur par l’ouverture ronde. Ainsi, la nuit le pèlerin égaré pouvait retrouver dans l’obscurité le chemin de l’église » nous explique Marc-André Housiaux.
À l’intérieur de l’église, notre guide pointe d’autres traces de la transformation de la forteresse en oratoire « les piliers de part et d’autre de la nef centrale n’en sont pas vraiment. C’est le mur lui-même qui a été percé pour créer des ouvertures du sommet en plein cintre vers les collatéraux. L’épaisseur de ce mur démontre la vocation défensive initiale du bâtiment. »
Nous avançons dans l’église à la découverte de ces trésors tout en étant colorés d’une douce lumière qui s’échappe des baies de la nef que Jean-Michel Folon a habillée de ces somptueux vitraux : des oiseaux, sans doute inspirés d’une fresque murale du XIIIe dont un fragment est exposé dans le chœur, s’envolent dans un décor bleu depuis les fenêtres supérieures. Tandis que les vitraux inférieurs ra
content en 6 épisodes la vie et le martyr de saint Étienne. En ce jour de soleil, l’intérieur de l’église reflète une atmosphère un peu magique.

Juste avant le chœur, dans le haut de la nef, on ne peut manquer le chef-d'oeuvre de celui qu’on appelle le Maître de Waha. Il s’agit précise M. Housiaux d’un sculpteur local de la fin du XVe au milieu du XVIe siècle dont on ne connait pas la véritable identité. Le remarquable « Calvaire de Waha » dans un style « gothique tardif » exprime une sensibilité unique. Une statue de sainte Barbe, également de sa main, est visible dans le collatéral sud. Mais la pièce maîtresse du lieu est certainement sa pierre dédicatoire
en grès noir, gravée en 1050 pour commémorer la consécration de l’édifice par l’évêque de Liège. Elle témoigne de l’importance du seigneur de Waha à cette époque et fait partie des rares documents historiques de cette période.
L’église est classée depuis 1941 et fait partie du réseau « Églises ouvertes ». Elle est ouverte tous les jours de 9h à 18h.
Que faire à proximité ?
Quitter ce petit coin de paradis peut sembler difficile. Sans trop s’éloigner il est possible d’emprunter, en contrebas de l’église, l’ancienne voie de Rochefort vers La Roche qui
est probablement un ancien diverticule romain. En suivant le circuit 'Balade à la découverte de Waha', vous pourrez admirer, à proximité de l'église Saint-Étienne, la ferme des Blancs Curés ainsi qu'une ferme en colombages bâtie au XVIIe s. Le château de style néo-classique et l'ancien château-ferme seigneurial valent également le coup d'œil
ainsi que la vue sur la Famenne et l’Ardenne forestière depuis cette ligne de crête. Vos pas vous guideront ensuite jusqu'à la pierre Saint-Hubert dans un circuit de 5 ou 6,5
km. L’itinéraire est disponible à la Maison du Tourisme du Pays de Marche & Nassogne.
Christine Gosselin
Retrouvez notre reportage vidéo sur l'église Saint-Etienne de Waha !
* Selon le titre de la brochure réalisée par l'abbé B. Van Vynckt disponible dans le fond de l'église.