Alors que le lectorat et l’acolytat sont officiellement des ministères institués, sur le terrain, bien des paroissiens rendent ces services sans aucune "habilitation institutionnelle". Pour André Delbosse, formé en théologie à l’UCLouvain, cette pratique doit être encouragée.
Depuis 1972 le lectorat et l’acolytat sont devenus des "ministères institués" et font l’objet d’un rituel d’institution qui introduit des laïcs au service de lecteur ou d’acolyte. Depuis 2021 seulement (!), ils sont accessibles tant aux hommes qu’aux femmes.
Au plus grand nombre
Me situant sur le terrain paroissial local, j’observe que la pratique est bien présente depuis des décennies et admet que tout participant à la messe puisse assurer des lectures et distribuer la communion sans, bien entendu, qu’il soit fait de distinction entre hommes et femmes. Mais cela se fait ici sans passer par un rituel d’institution. Cela ne veut évidemment pas dire que ces fonctions sont confiées au hasard, sans attention! Dans l’exemple ici relaté, une équipe stable d’environ dix personnes est constituée et une planification des charges est établie mensuellement.
Cependant, je pense qu’il est bien de permettre au plus grand nombre d’effectuer, à tour de rôle, l’une ou l’autre de ces belles prestations. On constate en effet que ces initiatives de quelques agents pastoraux qui invitent tel ou telle à faire une lecture ou à distribuer la communion à la messe donnent de bons résultats et sont appréciées.
Le rituel: une exigence préalable?
Certes, il est souhaitable et même nécessaire que ces initiatives soient supportées et situées en liturgie par une dynamique de formation permanente. C’est à développer. Il s’agit là de donner aux volontaires, lecteurs ou acolytes, l’occasion d’approfondir leur compréhension de la liturgie et de leur rôle, qu’ils soient "institués" ou non.
Mais on peut se demander si un rituel d’institution pour accéder à ces prestations doit y être une exigence préalable. Je perçois quelques raisons à ce questionnement à l’égard d’une telle "habilitation" institutionnelle:
C’est forcément mettre des "conditions", source d’exclusion. Or la seule condition fondamentale est d’être baptisé "Le baptême suffit." [1]
C’est risquer de mettre un frein à la simplicité et à la spontanéité car bien des gens sont volontaires mais redoutent les contraintes et les contours institutionnels.
C’est marquer une différence entre les "institué(e)s" et les autres, ce qui peut affecter les relations internes.
En outre, on ajoute ainsi un étage à la "cascade fonctionnelle", ce qui éloigne encore un peu plus le "simple fidèle" et donc favorise la passivité et prolonge l’impression de cléricalisme. (Comme si le rite institutionnel faisait passer dans la catégorie des clercs.)
Ne pas empêcher la spontanéité
Bien sûr, ces raisons sont relatives et il est vrai que du point de vue ecclésiologique, on peut justifier un rituel institutionnel. Mais je n’y vois pas de priorité absolue et la pratique le confirme: ces fonctions (simples) sont bien effectuées en l’absence d’un tel rituel. A cet effet les agents pastoraux et le curé sont capables de discernement.
Evidemment, je ne nie pas l’apport possible d’un rituel mais je pense que cela ne doit pas empêcher les prestations spontanées et la participation libre des fidèles à ces fonctions de la pastorale communautaire, étant admis le discernement collectif. Toujours les quelques mêmes au nom de la stabilité ne me semble pas la meilleure formule.
Simplification et facilitation
Si un(e) paroissien(e) manifeste son attrait à effectuer un service de lecture ou d’acolyte ponctuellement, soit spontanément soit en y étant invité, qui pourrait s’y opposer? De ce point de vue, je pense (avec bien d’autres) que dynamiser nos communautés, favoriser la coopération des fidèles et mieux rencontrer les "éloignés" et les "périphéries" passe par la simplification, la facilitation, la souplesse des procédures et la disposition d’espaces de liberté, d’expression et d’action, accessibles sans "douane". Selon ma compréhension, une activité qui n’est pas instituée, ritualisée, n’est pas forcément non ecclésiale. [2]
Enfin, il est à noter que le sensus fidei fidelium a “évacué” la question de la réservation aux hommes du lectorat et de l’acolytat bien avant sa suppression officielle. Cela semble montrer que tout projet de réforme ou renouveau dans l’Eglise gagne à y impliquer l’ensemble du peuple comme le suggère Joseph Famerée. [3]
André DELBOSSE
[1] Pape François, Sans Jésus nous ne pouvons rien faire, Bayard Editions, 2020, p. 78.
[2] K. Rahner, Le prêtre et la paroisse, Ed. Desclée De Brouwer, 1968, pp 48-49.
[3] J. Famerée, G. Routhier, Penser la réforme de l’Eglise, Ed. du Cerf, 2021, p. 29.