Opinion : Les pauvres ne s’habillent pas de sandwiches


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Opinion : Les pauvres ne s’habillent pas de sandwiches
Par Laurent Mathelot
Publié le
4 min

Noël est le temps du partage. Mais qui ne peut se limiter à l’entre-soi. Car l’esprit de Noël nous invite à nous préoccuper aussi des plus démunis. Comment leur venir en aide? Le dominicain Laurent Mathelot nous livre quelques pistes.

Le temps de Noël est un temps d’abondance et de fraternité, l’occasion de célébrer à nouveau frais le surgissement de la vie divine en notre Humanité, et donc en nos âme et cœur. Pour beaucoup d’entre nous, ce sera aussi un temps de préoccupation des plus pauvres, l’occasion d’un élan de générosité plus appuyé envers les plus défavorisés.

Dès lors se pose la question: quelle générosité et dans quelle mesure? Les défis sont innombrables et colossaux. Il y a la question des réfugiés, celles des familles démunies, des personnes sans logis ou isolées. Il y a la question des moyens: Comment agir pour un mieux? Quoi donner?
L’esprit de Noël, qui célèbre le surgissement du divin en nos vies, nous invite à réfléchir à notre regard sur les plus démunis. Comment puis-je mieux incarner la prédilection du Christ envers les plus pauvres? Comment me convertir de surcroît à l’amour de ceux qui sont dépourvus de tout, parfois même de la plus élémentaire des considérations?

Faire sa part

"On ne peut pas accueillir toute la misère du monde", dit-on. C’est une réflexion que l’on entend souvent, a fortiori quand on évoque l’accueil des migrants. A personne il n’est demandé d’accueillir toute la misère du monde. Il nous est simplement demandé d’envisager notre part. S’effrayer de toute la misère du monde pour prôner l’inaction sert ici de prétexte aux cœurs fermés. Eradiquer la pauvreté la plus criante est tout à fait soutenable, alors que nous déjetons 17% de la nourriture que nous produisons.

Le pauvre est (…) "méprisé, abandonné de tous, homme de douleurs, familier de la souffrance, semblable au lépreux dont on se détourne; et nous l’avons méprisé, compté pour rien" (Isaïe 53, 3). Sans doute, le premier devoir chrétien est-il d’humaniser le pauvre, de le considérer comme une personne avant de le voir indigent. Une belle résolution de Noël serait ainsi de ne plus jamais laisser dans l’anonymat un pauvre auquel nous tendons quelque argent. Demander à un mendiant son prénom, c’est déjà le regarder autrement. Prendre le temps de quelques mots de réconfort, c’est humaniser la pauvreté et ainsi mieux la comprendre.

Faut-il donner de l’argent aux pauvres?

Il y a un risque à donner gratuitement, sans a priori. Le risque qu’il aille s’acheter de l’alcool ou de la drogue. Prendre le risque de voir son don détourné de sa finalité bonne, c’est aussi assumer le risque que prend le Christ en s’incarnant, risque de l’offrande généreuse de soi que les hommes finalement mépriseront. Il convient, pour qu’il soit christique, que notre don soit gratuit, dégagé d’a priori et de conditions; qu’il laisse libre celui qui le reçoit.

On commence aujourd’hui à étudier l’impact positif du don en espèces sur le don en nature. Ainsi, on découvre que la meilleure façon d’aider une personne indigente est de lui confier un petit budget à gérer, quitte à ce qu’elle le fasse mal. Tout en maintenant l’autonomie de la personne, on la responsabilise sur de petits montants. On témoigne ainsi d’une confiance qui élève – là encore, le propre de Dieu qui s’incarne.

Le risque en vaut la chandelle. Non seulement, il assume une aide immédiate, mais il proclame aussi une espérance et une confiance. A contrario, le refus de donner de l’argent est toujours un pessimisme sur la nature humaine.

Il faut donner de l’argent aux pauvres – de préférence, un billet: il n’est pas possible de s’offrir un repas au chaud pour moins de 5€, sans parler d’une chambre pour la nuit – si ce don nous change le regard et le cœur. A fortiori s’il nous est difficile. C’est alors une petite kénose, un exercice spirituel d’identification à Dieu qui s’offre au risque de l’humain et de ses errements.
Mais il faut surtout donner de l’humanité aux pauvres, outre leur témoigner de confiance par des dons, leur offrir attention et affection, à commencer par connaître leur prénom. Et – qui sait? – peut-être initier une relation.

Fr. Laurent MATHELOT OP

Catégorie : Opinions

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