Ce 8 décembre, cela fera 170 ans que fut définie l'immaculée conception de Marie. Une décision qui a touché tout notre diocèse, et qui enthousiasma en particulier Namur. Car si Notre Dame du Rempart, protectrice de Namur depuis 1662, trouvait ses origines dans la peur d’un siège par Louis XIV, et dans la multiséculaire ferveur mariale animant la cité, le caractère immaculé de la conception de Marie eut un rôle déterminant dans la naissance de la dévotion.
Au XVIIème siècle, la question du caractère immaculé de la conception de Marie divisait les théologiens. Les incidents verbaux n’étaient pas rare, et en 1615, à Séville, on en vint même aux menaces physiques ! Philippe III d’Espagne intervint auprès de Rome pour obtenir une décision et trancher le débat. Mais la question était si délicate que les papes sollicités se limitèrent à des mesures pour éviter les incidents. Le fils de Philippe III, Philippe IV, reprit cette politique. Sans succès. De même, en 1659, changea-t-il sa requête, et demanda à Alexandre VII de confirmer que la fête de la conception de Marie était celle d’une conception épargnée du péché originel. Une réponse positive équivalant à une décision. Prudent, Alexandre VII réagit le 8 décembre 1661 par une bulle dans laquelle, sans rendre d’avis, il autorisait toute opinion sur la question. Philippe IV fit diffuser la bulle dans ses Etats.
Arrivée à Namur en mars 1662, la bulle du pape y accrut la ferveur mariale, et coïncida avec le renforcement des fortifications de la ville, devant la crainte d'un siège de Louis XIV. Les autorités de la ville se déterminèrent à proclamer, le 1er mai 1662, Marie comme Protectrice de la ville, et à mettre sa statue sur un bastion... ce qui ouvrit la dévotion à Notre Dame du Rempart, dont le nom officiel fut, jusqu’en 1951, L’Immaculée !
D’où l’enthousiasme suscité à Namur par la définition du dogme de l'immaculée conception en 1854. Une ferveur qui culmine le 13 mai 1855 lorsque, en le mois de Marie, et sur mandement de Mgr de Hesselle, le diocèse célébra la décision.
Selon L’Ami de L’Ordre, ancêtre du journal L’Avenir, Mgr De Hesselle eut le bonheur de proclamer dans la cathédrale cette glorieuse prérogative de Marie, le 13 mai 1855. Jamais solennité ne fut plus touchante et plus grandiose. Le soir il y eut une illumination générale. La ville resplendissait de lumières ; on remarquait partout aux façades des maisons des images de Marie-Immaculée encadrées de guirlandes et de fleurs, on chantait dans les rues les litanies et les cantiques d’allégresse, et des corps de musique exécutaient alternativement des airs pieux devant les statues de la sainte Vierge qu’on avait placées à l’angle des divers quartiers. On se croyait revenu aux démonstrations religieuses du moyen-âge. Le Prélat, au comble du bonheur, parcourut la ville, salué par les vivats enthousiastes de la foule. Ceux qui furent témoins de cette fête triomphale consacrée à la Glorieuse Mère de Dieu, en gardent un souvenir plein de charme.
Une ferveur qui se renouvela pour le centenaire de la définition du dogme, quand un cortège marial parcourut la cité.
François-Emmanuel Duchêne
Sacristain de la cathédrale.
Illustration : Jean Restout - Nativité de la Vierge (1744)