Christian Laporte revient sur la visite du Pape: « ses origines latino-américaines ont pu faire qu’il était probablement plus énervé que ne l’aurait été un Jean-Paul II »


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Christian Laporte revient sur la visite du Pape: « ses origines latino-américaines ont pu faire qu’il était probablement plus énervé que ne l’aurait été un Jean-Paul II »
Par Armelle Delmelle
Publié le
5 min

Pour Christian Laporte, journaliste et ancien président de l’Association des journalistes religieux, la visite du Pape François n’était pas sa première visite papale. Déjà présent en 1985 et 1995 lors des visites apostoliques du Pape Jean-Paul II, il nous décrypte les événements du dernier week-end de septembre.

Le voyage du Pape chez nous a commencé par la visite aux autorités au Palais de Laeken et avec le discours à la nation. Il y a condamné les abus, il a demandé pardon. Il a aussi mis la Belgique au centre de l'Europe en disant que nous devions construire des ponts. Cela semble être un bon point pour commencer ?

Certainement, de toute évidence, nous attendions des mots forts par rapport notamment à la pédophilie. Quand il utilise le mot vergogna (honte en italien, ndlr), il paraît que c'est vraiment très fort en italien. Il a rempli son rôle à la perfection, mettant pour moi un peu fin à tout ce débat. Je ne comprends pas très bien pourquoi il y a une nouvelle commission parlementaire qui se met en place aujourd'hui. Pour avoir vécu celle juste après la crise Vangheluwe, je dois dire que l'Église n'a jamais été ménagée et a tout mis en œuvre justement pour que tout ça émerge de nouveau.

Ce qui m'a un peu déçu, c'est que certaines des quinze personnes qui avaient été blessées dans leur chair ont continué à dire qu’il ne s'était pas réellement excusé, qu'il n'avait rien fait, qu'il n'avait pas posé de geste fort.

Vous étiez à la KULeuven pour la rencontre académique, qu’en avez-vous pensé ?

Personnellement, j'ai beaucoup aimé cette rencontre académique, je l'ai d'ailleurs confié au recteur à la sortie de la salle.

On pouvait s'attendre à quelque chose de fort, de très fort. Les Flamands, en général, sont nettement moins tendres dans ce genre d'analyse qu'on ne l'était du côté francophone. Cela s'est un peu inversé, c'est plutôt Louvain-la-Neuve qui était à l'avant-garde. La critique parfois un peu trop avancée, et pas nécessairement toujours étayée, de la part sans doute de personnes qui ne connaissent plus bien l'institution ecclésiale belge.

Une telle différence entre les deux rencontres dans les universités était-elle à prévoir ?

D'une certaine manière, oui. Après avoir vu Luc Sels, le recteur de la KULeuven, à la sortie, j'ai également rencontré Madame Smets qui m'a dit : demain, vous allez être vraiment surpris.

En programme d'attente, il y avait l'Orchestre universitaire de Louvain. Mais très vite, on a remplacé le classique par un peu de musique pop-rock. Je n'ai rien contre le pop-rock, mais j'ai trouvé ça déjà un peu bizarre. Et puis, il y a eu évidemment toute la présentation du message porté par la dramaturge Geneviève Damas, mais aussi par un certain nombre d'étudiants et de jeunes chercheurs qui étaient dans la salle. C'était très riche, mais à mon avis, il y avait peut-être un peu trop pour pouvoir tout intégrer.

Le message n'a peut-être pas percolé comme il aurait dû le faire. Et finalement, bien sûr, les gens qui ont participé à l'opération sont sortis de là un peu déçus en se disant que le pape ne s'est pas vraiment mis au diapason.

Dans son discours à l’UCLouvain, le pape a parlé de la place de la femme dans l’Église et cela a choqué pas mal de monde. Est-ce que, selon vous, ses propos avaient pour but d’être provocants ?

Provocant, je ne dirais pas. Ses origines latino-américaines ont pu faire qu'il était probablement plus énervé que ne l'aurait été un Jean-Paul II dans la même situation.

Si on pense à sa rencontre en 1985 avec Véronique Oruba, sa réaction finalement a été très chrétienne, si je puis me permettre ce jugement. Tout le monde s'attendait à ce qu'il la rejette en public, qu'il ne la salue pas. Et finalement, il lui a fait l'accolade. Mais surtout, quand elle lui a demandé : « Est-ce que vous avez tout compris ? », il lui a répondu oui.

Mais ici, je crois que le fait que le pape soit plutôt d'origine sud-américaine, où il y a encore une tout autre conception aussi par rapport aux femmes, explique sa réaction. Je ne sais pas si le féminisme argentin équivaut au nôtre.

L’avortement a été un grand sujet de la fin du voyage, notamment lorsqu’il dit que le roi Baudouin a eu le courage de se mettre en incapacité de régner pour ne pas signer la loi. Et puis aussi avec ses propos dans l’avion, lorsqu’il qualifie les médecins qui pratiquent des avortements de tueurs à gages, c’est la phrase de trop ?

Cette dernière phrase effectivement a été très mal reçue dans le milieu médical, y compris par un certain nombre de médecins catholiques. On sait très bien que pratiquer l'avortement est toujours une solution extrême parce que toutes les autres n'ont pas pu nécessairement fonctionner.

Béatifier le roi Baudouin uniquement parce qu'il a eu le courage de ne pas signer la loi sur l'avortement me paraît un peu court. Déjà en 1995, Jean-Paul II avait rendu hommage au mérite du roi Baudouin, et avait, lui aussi, reconnu qu'il fallait peut-être aller un peu plus loin dans la reconnaissance officielle. Mais pour moi, la reconnaissance officielle du roi Baudouin ne se limite pas à cette interruption de régner.

Avoir, après Anne de Jésus, le roi Baudouin élevé à la haute dignité des autels, comme bienheureux, ça ne me choque pas. Il faut avoir connu le roi Baudouin dans ses réalités. S'il avait encore été roi aujourd'hui, je suis sûr qu'il aurait probablement accompagné le pape chez les Petites Sœurs des Pauvres à la rue Haute et qu'il serait même allé à Saint-Gilles pour la rencontre avec les réfugiés.

Catégorie : Belgique

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