Retrouvez le commentaire de l’évangile du 10e dimanche du Temps ordinaire par le père Philippe Robert : « L’adversaire et la source »


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Retrouvez le commentaire de l’évangile du 10e dimanche du Temps ordinaire par le père Philippe Robert : « L’adversaire et la source »
Fresque de la tentation de Jésus à Jéricho, église Saint-Georges d'Anvers. Renáta Sedmáková © Adobe Stock
Par Père Philippe Robert, s.j.
Publié le - Modifié le
3 min

Dans l'Evangile du jour [Marc 3, 20-35], Jésus est accusé d’être possédé par le chef des démons. Le père Philippe ROBERT, s.j. se penche sur cet "Adversaire".

Béelzéboul. Satan. Mais, diable, de qui s’agit-il dans cet évangile? De l’Adversaire. Celui de Dieu et des hommes créé à son image et à sa ressemblance. Celui à qui la Genèse donne la forme du serpent. L’histoire est connue: il manipule Adam et Eve; ils laissent libre cours à leur méfiance vis-à-vis de Dieu; ils désobéissent au Créateur. Triste gâchis: leur relation à Dieu est polluée par la peur, leur relation mutuelle, par la honte et les accusations en cascade. Le bonheur en Eden se dissout dans la violence et la souffrance...

Surtout, ne parlons pas de punition; c’est la froide logique du mal. S’éloigner du Dieu de la vie, c’est se couper de la Source. Tout ne peut alors que se dessécher. Entre Adam et Eve, entre Dieu et eux. En eux. Nous connaissons cet engrenage. Lorsque le soupçon se met à roder entre deux êtres, il contamine tout. Tout devient suspect. Prétexte à davantage d’éloignement. Si l’histoire d’Adam et Eve est un mythe, c’est tristement parce qu’elle est universelle. Chacun de nous doit redouter le même Adversaire.

Le mythe dit aussi: chacun de nous peut compter sur le même Dieu. Eve n’est-elle pas "la mère des vivants"? Dieu ne saurait tolérer que sa créature périsse de soif et de malheur. Telle est la Bonne Nouvelle de toute la Bible. Adam et Eve éloignés de la Source, ce n’est que le début... La suite de l’histoire - de l’Histoire, au sens historique, cette fois, pas mythique - c’est Jésus de Nazareth. Il ravive la Source, à fleur de terre - la terre de Palestine. Il la laisse perler à nos yeux, ici et là, en triomphant des démons, c’est-à-dire - selon la culture de l’époque - des manifestations spectaculaires de l’Adversaire. Le Serpent pourtant rode encore: rumeurs, mauvais silences, paroles trompeuses, qui tentent d’instiller peur, honte, désespoir. L’évangile du jour s’en fait l’écho, en racontant la sournoiserie des scribes.

C’est là que Jésus a les mots implacables qui nous troublent: "Jamais de pardon... Coupable d’un péché pour toujours...". Le fameux "péché contre l’Esprit". Des livres entiers alertent à son sujet jusqu’au vertige. Blasphémer contre l’Esprit n’est pas cesser de croire en Dieu. C’est pire. C’est nier qu’il soit le Dieu de la vie. Douter du pouvoir absolu de son amour et de sa miséricorde. Comment le pardon pourrait-il rejoindre celui qui nierait qu’il y ait pardon? L’Adversaire ne cherche pas à cacher la Source, il susurre: "Il n’y a pas de Source." Ce jour-là, Jésus ne peut aller plus loin dans une parole d’autorité et de condamnation, car on ne peut davantage trahir la vérité et menacer la vie.

Rude lecture, pour un dimanche "ordinaire"! On reconnaît bien là l’Eglise pédagogue, qui tient à désigner l’ordinaire comme le lieu même du combat de Dieu contre l’Adversaire, de la Vérité contre le mensonge radical. Dans la vie quotidienne, pas ailleurs, la Source murmure, toute proche. Le silence et la prière aident à la percevoir. Savons-nous, voulons-nous l’entendre, nous, les enfants d’Eve et d’Adam?

Père Philippe ROBERT, s.j.

Catégorie : Sens et foi

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