Un conflit inhabituel secoue l'Eglise catholique espagnole. Les clarisses d’un monastère de l’archidiocèse de Burgos ont décidé de quitter l’Eglise catholique pour se mettre sous l’autorité d’un évêque intégriste excommunié en 2019. Le tout sur un fond de litige immobilier.
La publication, le 13 mai 2024, d’un 'manifeste’ des seize clarisses des monastères de Belorado et d’Orduna, annonçant leur volonté de quitter l’Eglise catholique pour se placer sous l’autorité d’un évêque sédévacantiste du nom de Pablo de Rojas, a fait l’effet d’une bombe. Le groupe de religieuses rebelles fait la Une des journaux en Espagne depuis plusieurs jours. L'archevêque de Burgos veut certes continuer à chercher le dialogue, mais il envisage en même temps des sanctions drastiques. Dans une interview accordée au portail Religion Digital Mgr Mario Iceta les a indirectement menacées d'expulsion de leur couvent.
"Il s'agit d'une situation sans précédent. Mais en principe, il semble clair que les bâtiments religieux appartiennent à l'Eglise". Le résultat de l’enquête ouverte n'est pas encore connu, mais si les femmes persistent dans leur attitude, cela revient à une excommunication, c'est-à-dire à l'exclusion de la communauté ecclésiale, a-t-il expliqué.
Des moniales 'persécutées’?
De leur côté les moniales se sentent "persécutées" par les supérieurs de l'Eglise. Sur la chaîne de télévision Telecinco, les religieuses ont confirmé qu'une aliénation insidieuse s'était produite ces dernières années au Vatican. "Il ne reste presque plus rien de l'Eglise catholique - maintenant, ce n'est plus Dieu qui est au centre, mais l'homme", a déploré l'une des sœurs. Une autre a ajouté: "Nous ne reconnaissons pas le Vatican - c'est une farce".
Litige immobilier
Une autre raison de la rupture avec l'Eglise est un litige immobilier qui dure depuis plusieurs années. En 2020, les religieuses de Belorado avaient conclu un accord avec l'évêché voisin de Vitoria pour l'achat du couvent d'Orduna, alors vide depuis de nombreuses années. Le prix convenu était de 1,2 million d'euros avec un apport initial de 100’000 euros et un paiement échelonné à partir de 2022. Mais faute de payer les acomptes semestriels de 75’000 euros, le contrat de vente a été annulée.
Selon les informations disponibles, les soeurs reprochent aux responsables ecclésiastiques de bloquer la vente d'un autre couvent à Derio, près de Bilbao, dont le produit aurait pu servir à financer l'achat du monastère d'Orduna. Mais cette transaction aurait été bloquée par Rome.
En mars 2024 la supérieure, Mère Isabel aurait indiqué avoir trouvé un bienfaiteur susceptible d’acheter le couvent. L’évêque de Vitoria a voulu savoir quel était cet acheteur potentiel mais n’a pas obtenu de réponse. Enfin le 7 mai, la Mère supérieure de Belorado a été convoquée devant notaire pour annuler la vente. Mais c’est alors elle qui a réclamé 1,6 million d’euros pour des travaux effectuée au monastère d’Orduna où des soeurs s’étaient installées entre-temps. Ainsi, après des années de travail dévoué, les soeurs sont "laissées sans terre", se plaignent-elles. Moins d’une semaine plus tard, les religieuses ont rendu public leur 'manifeste’ mais sans l’adresser à l’autorité diocésaine.
Appel au dialogue
La fédération des clarisses d’Arantzazu s’est formellement distancé de la décision des moniales de Belorado. Sans l'obéissance nécessaire, il est impossible d'appartenir à une communauté religieuse, rappelle-t-elle. Leur 'Manifeste catholique’ de 70 pages est un recueil de critiques infondées et d'interprétations erronées. Si les religieuses devaient reconnaître leur erreur, nous serions toutefois prêts à les réintégrer, conclut la fédération.
La commission épiscopale de la vie consacrée de l’archidiocèse de Burgos a déploré le ton offensif et récriminatoire du manifeste. Elle demande que chaque soeur, et pas seulement l’abbesse, puisse exprimer librement et personnellement selon sa conscience son opinion sur la situation. Elle appelle à renouer le dialogue avec l’évêque dans la communion avec le pape François.
Les sédévacantistes
Pablo de Rojas, sous l’autorité duquel les moniales de Belorado affirment s’être placées est le chef de la 'Pieuse union de St-Paul apôtre’. Ordonné prêtre catholique en 2005, il se présente lui-même comme évêque après avoir été sacré au sein de l’Eglise dissidente de Palmar de Troya. Il se rattache au groupe des 'sédévacantistes’ qui considèrent tous les papes après Pie XII (1939-1958) comme des hérétiques modernistes et jugent donc le siège de Pierre comme vacant depuis 1958. En raison de ses activités irrégulières, Pablo de Rojas a été excommunié en 2019, précisément par Mgr Mario Iceta, actuel archevêque de Burgos.
Maurice Page pour cath.ch