Ce temps pascal nous offre l’occasion de nous poser des questions fondamentales sur l’homme, la nature et Dieu. Michel Kesteman, théologien et homme de plume, croit que le Christ, crucifié mais vivant, peut nous aider à construire un autre monde.
Qu’est-ce que l’homme que tu le gardes en mémoire, le fils d’Adam que tu t’en fasses souci? La question du psaume 8 demeure actuelle. Pour chaque humain et tous les humains en quête d’humanité à vivre, ou d’humanité à humaniser.
Qu’est-ce que la nature qui nous entoure, la maison commune de la planète terre, l’univers qui l’entoure et tous ceux qui y habitent ou en font partie. Le ciel et la terre, l’infiniment grand de l’univers, les océans et les forêts, les animaux et toute la faune, les arbres et toute la flore, même les bactéries et l’infiniment petit des atomes ou des muons, et toutes leurs interactions.
Qui est Dieu pour nous avoir voulus, aimés ainsi, accompagnés et précédés en se présentant tour à tour en créateur, en sauveur, en esprit, s’associant l’humain et le naturel comme partenaires d’un monde en genèse, en évolution, en histoire commune partagée pour le salut, en nous confiant l’un à l’autre.
La sœur eau et le frère soleil
Car l’humain est corps et esprit à l’image et à la ressemblance de Dieu, homme et femme, dans sa diversité, ses particularités, ses différences et contradictions, mais aussi son espérance, ses talents, ses dons, ses capacités à protéger, gérer, accompagner, développer, évaluer, écouter, entendre, comprendre. Ainsi l’homme est dans la nature avant de lui faire face. Il en fait partie par son corps et par son cadre, et peut se réjouir de sœur eau ou de frère soleil. Laudato si’.
Ainsi la nature est aussi en l’homme, partenaire intime parfois oublié, négligé, pollué, utilisé jusqu’au risque de réduction et de destruction en objet, alors que la nature est un cadre favorable, un partenaire vital, un sujet appelé à devenir terre hospitalière pour toutes les espèces, y compris pour l’humain ce terreux tantôt solitaire et tantôt collectif, capable du meilleur et du pire.
Malgré les rappels
Des hommes et des femmes sur tous les continents sont cassés, niés ou gaspillés, des habitats sont détruits, parce que les humains sont violents, injustes et imprudents ou inconscients, malgré les rappels prophétiques ou ceux de la nature mise à mal ou menacée. Pouvons-nous et devons-nous interpeller le synode sur ces enjeux écologiques et sociaux? En relisant Laudato si’, nous saisissons l’enjeu écologique, spirituel, social et théologique. Ne pouvons-nous questionner à notre tour les sociologues et les spécialistes du vivant pour tenter une actualisation de l’alliance et du dessein de salut de Dieu, en comprenant enfin qu’elle n’est pas locale mais universelle, pas restrictive mais inclusive et extensive, pas violente et invasive mais pacifiante et justifiante. Et qu’il faudra donc continuer à interroger nos pratiques économiques extractives et industrielles comme nos actes et nos dénis politiques et sociaux.
Dès lors, au supposé collapsus d’un monde en effondrement, ou du lapsus de ceux qui se trompent et s’aveuglent, on peut envisager un monde en renouvellement après une prise de conscience et une conversion individuelle et collective, un monde en dialogue interactif et en recherche créative des chemins qui créent de l’avenir qu’on espère partagé entre l’humain anthropos, la nature cosmos et le Dieu théos.
Croire et essayer
Un humain simple et crucifié en son corps peut être la clé de cette rencontre car il est vraiment homme incarné, vraiment incorporé dans la nature et la société, pour y rendre justice au dessein du Père et se manifester vraiment Dieu. Il est vraiment ressuscité, on l’appelle Christ.
Les humains, toi et moi, avons cette capacité de reconnaître, recevoir, penser, et de prendre soin réellement de ce qui nous est confié. La nature se régénère même quand elle est bousculée. C’est un appel à croire et à essayer encore plus, encore mieux.
Michel KESTEMAN
(chapeau et intertitres de la rédaction)
