Comment expliquer le succès des partis extrêmes? Franz Clément, docteur en sociologie et ancien bourgmestre de Martelange, estime que, par leur attitude, les partis politiques ont une importante part de responsabilité. Il les invite à une profonde remise en cause.
Alors que les élections du 9 juin approchent, les mises en garde contre la montée des extrêmes se multiplient. Récemment, Dimanche a d’ailleurs accompagné sa publication d’une brochure sur le sujet, intitulée Vers un nouveau dimanche noir? Force est toutefois de constater le fait suivant: si l’extrême-droite a remporté plusieurs élections organisées dans des pays de l’Union européenne, les analystes ont limité leurs réflexions au constat du succès électoral, mais rarement aux causes de celui-ci. Certes, la montée de l’extrême-droite s’explique généralement par des craintes pour l’avenir, des difficultés économiques, une présence étrangère jugée trop forte… Mais je me demande si une autre cause n’est pas à pointer: l’attitude des partis dits démocratiques.
Constater sans rien changer
De fait, lorsque des échéances électorales approchent, on a droit de la part du monde politique aux paroles et écrits de circonstance: "L’extrême-droite est dangereuse", "Il faut empêcher la montée des extrêmes", "La peste brune est de retour"… Depuis des années, les partis démocratiques ressortent ces argumentaires. Mais jamais ou presque, ils ne s’interrogent sur le pourquoi, sur les raisons profondes d’en être arrivé aux situations actuelles. Leurs discours se bornent à constater sans jamais rien changer à leurs propres pratiques.
A y regarder de plus près, ce sont bien ces partis démocratiques qui détiennent une très large part de responsabilité dans la montée des extrêmes. Que font-ils depuis des décennies, et surtout que font leurs dirigeants et leurs membres les plus en vue? Ils mentent souvent, ils trichent (ne pensons qu’au «Qatargate»), ils servent leurs intérêts personnels dans le cadre de leurs mandats (songeons aux multiples scandales depuis les années 1980!) et se montrent incapables de gérer efficacement la réalité, leur vision étant souvent à court-terme et déterminée par la satisfaction directe de leurs électorats respectifs.
Hypocrisie !
Malgré cela, ils continuent encore et toujours à tenir le même discours d’élection en élection: "Sans nous, la société est fichue et les extrêmes finiront par arriver au pouvoir!" En lisant entre les lignes, ils demandent pratiquement aux électeurs de continuer à leur délivrer un blanc-seing. Leur discours profond semble être en réalité le suivant: "Les extrêmes sont dangereuses, ne les soutenez pas, continuez à voter pour nous. Nous allons continuer à tricher, à mal gérer, à mettre en place des pratiques de corruption, mais continuez à voter pour nous sinon sans cela c’en est fini de la société démocratique…"
Quelle hypocrisie! C’est, je le pense, justement parce que les citoyens en ont assez d’entendre ces discours que les extrêmes montent aussi. Aux électrices et aux électeurs, on a tellement promis de la transparence, du renouveau démocratique, de la moralité, sans jamais rien changer fondamentalement, que l’argumentaire des partis démocratiques se retourne contre eux. Il y a chez eux un gouffre entre les discours et la mise en pratique de ceux-ci. Ils plantent dans la terre les graines des extrêmes et les font pousser en les arrosant constamment par leurs pratiques.
Les extrêmes montent,
les pratiques ne changent pas
Néanmoins, l’électeur n’est pas idiot, contrairement à ce que peuvent croire les responsables de ces partis. Ils se rendent de plus en plus compte de ce discours manichéen par lequel les extrêmes sont présentées comme le mal et les partis démocratiques comme le bien, alors que dans la réalité des faits les choses se vérifient tout autrement.
L’absence de remise en cause, les actions contraires aux idéologies défendues ne peuvent que faire monter les extrêmes. Pensons aux jeux politiciens lors des compositions des listes, à la propagation de candidats-vedettes pour capter des voix sans avoir la moindre compétence politique. Les extrêmes montent à chaque consultation électorale, mais, globalement, les pratiques des partis ne s’inversent pas. Il y a matière à réflexion…
Les véritables ennemis de la démocratie, ne sont-ils finalement pas les partis qui se disent démocratiques et qui contournent dans la réalité les programmes et prescrits sur base desquels ils ont obtenu des élus? Ce sont eux, je pense, les grands artisans de la montée des extrêmes, avant toutes les autres causes possibles qu’ils se plairont à avancer.
Franz CLÉMENT
Titre, intertitre et chapeau sont de la rédaction