Etre chrétien : voici ce que cela veut dire pour moi…


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Etre chrétien : voici ce que cela veut dire pour moi…
Par Luc LAURENT
Publié le
5 min

Sans doute n’est-il pas si simple de définir ce que signifie, pour soi, le fait d’être chrétien. Luc Laurent, membre du conseil paroissial de l’unité pastorale Enghien-Silly, a voulu réfléchir à la question. Avec authenticité, il nous partage sa magnifique réponse.

"C’est quoi être chrétien?" Vous avez peut-être déjà été confronté à cette question lors d’un repas de famille ou d’une rencontre. A une époque de ma vie où cette question ne me préoccupait pas, un ami croyant me confiait qu’il ne savait pas ce que cela signifiait exactement. J’avais été étonné. Etait-ce sincère ou une boutade? Aujourd’hui, je comprends sa réflexion empreinte d’humilité et de défiance vis-à-vis de ceux qui disent "je sais!"

Une pratique plus qu’une affirmation

Il n’est, en effet, pas facile de répondre à cette question. Elle contient peut-être un piège, un risque de dérapage. Mais n’est-il pas bon de se la poser de temps en temps sans se contenter des réponses toujours un peu bancales qu’on y apporte. Le temps de Carême, qui vient de s’achever, m’a semblé propice pour m’y essayer avec le souhait d’en partager le fruit. Soyez donc indulgent à la lecture de ceci si vous y consentez. Laissons-nous nous inspirer par l’Esprit qui nous aidera à trouver des réponses qui mettent en mouvement. Car être chrétien est avant tout une pratique au quotidien plutôt qu’une affirmation identitaire qui entretient l’illusion d’un supplément d’âme. C’est avant tout être transformé par un "oui" à une sollicitation un peu folle et irraisonnable qui nous tire hors de nous-mêmes et nous fait re-naître au printemps de la Vie.

Le bonheur de la Parole

Etre chrétien c’est d’abord prier et dire: "Père qu’attends-tu de moi? Quelle est Ta volonté? Qu’elle se réalise!" Prier et discerner vont de pair. Pour nous aider, il y a les Evangiles qui nous invitent à suivre le Christ sur son Chemin-Vie et Vérité. L’écoute de la Parole nous invite à créer notre propre chemin. Quel bonheur de la partager en groupe de lecture biblique, en la laissant agir dans nos cœurs, et parfois en osant dire "Je ne comprends pas". En effet, que de versets interpellants, qui oscillent entre attitudes compassionnelles du Christ et discours d’une radicalité bousculante.

Prenons ces derniers comme des points de repères, des points d’appui qui nous aident à sortir de nous-mêmes, de la clôture de nos protections habituelles. Ce sont des activateurs dynamiques et non des impératifs auxquels il faut se conformer sous la pression d’une peur ou d’un sentiment de culpabilité infantiles. Dieu nous veut libres et responsables. C’est notre "oui" librement consenti qu’Il vient chercher en nous. "Oui je me donne à Toi, je m’abandonne en confiance à Ta volonté. En Toi j’existe vraiment". Langage de l’Amour auquel tout notre être aspire et veut participer y compris notre chair. C’est l’Eglise qui nous y encourage, que j’apprécie, pas celle qui nous infantilise.

La tentation des idoles

Mais être chrétien ne peut se résumer à la recherche d’une sagesse ou d’une Joie ineffable. Le Mal existe et le Satan (le diviseur, le menteur) est omniprésent dans le monde. Il guette en nous le pouvoir de notre "non". La force de la Grâce et la profondeur du Mal traversent l’histoire de l’humanité et de nos vies personnelles. Le Satan tire sa puissance de notre vulnérabilité. Il profite de nos failles et de nos angoisses pour y semer les graines du mensonge fondamental: "Si tu le veux, tu seras l’égal de Dieu!", "Détache toi de ce Dieu trompeur qui se joue de toi et t’oublie!" Eternel combat entre consentir à l’humilité de la créature confiante en l’Amour du Créateur et tentation de se suffire à soi-même en adorant des idoles!

Ce combat, nous ne pouvons le gagner que si nous accueillons le don gratuit de l’Esprit, convaincus que l’Amour est plus fort que la mort. L’Agneau blessé de l’Apocalypse est vainqueur. Le Christ est descendu aux Enfers et nous rejoint là où nous risquons de perdre le goût de Dieu, là où notre solitude nous mène au bord des abysses. Le Christ nous tend la main et nous tire vers le Ciel par sa Résurrection.

Le ferment révolutionnaire

Etre chrétien c’est vivre en communion dans le mystère de la Croix, Passion et Résurrection. De manière plus légère, être chrétien c’est rendre grâce en célébrant et en se faisant serviteur. On ne devient pas chrétien tout seul. C’est ensemble, en Eglise, par les sacrements et l’expérience de solidarités fraternelles, que l’on nourrit sa Foi et son Espérance. Ce sont les rencontres, l’intuition du charisme des autres, chrétiens et non-chrétiens, qui nous aident à inventer notre propre chemin.

L’enthousiasme des premières communautés s’est affadi. Les valeurs chrétiennes personnalistes ont percolé dans notre société de plus en plus laïcisée. Mais la lecture des Evangiles contient toujours son ferment révolutionnaire. La conversion est aussi subversion. Les valeurs du monde y sont transposées sur un autre plan. Etre chrétien, c’est agir avec d’autres pour construire une société plus juste, plus généreuse, avec tous ceux des "périphéries". C’est plus que jamais être conscient que la survie de l’humanité est liée au respect de la dignité humaine. Cette dignité n’est pas celle d’une super-créature, mais d’une créature consciente de sa responsabilité et de sa dépendance vis-à-vis de tout le vivant et des équilibres fragiles qui permettent la vie.

L’écologie intégrale prônée par le pape François peut être le ferment d’une société renouvelée. Plus que jamais, nous avons besoin de la grâce de l’Esprit et de notre amour de la vie à travers nos enfants, petits-enfants… pour relever, tous ensemble, les défis présents et à venir.
Que nous soit accordé de cheminer en Eglise et en dehors d’elle.

Luc LAURENT
Titre, intertitres et chapeau de la rédaction

Catégorie : Opinions

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