Ce dimanche, dans l’Evangile, le Christ ressuscité se présente à ses disciples comme une réalité concrète, en ce monde. Il n’est pas un esprit; il mange. Il est là, en chair et en os, dit le texte, vivant parmi eux, avec son corps crucifié.
"Voyez mes mains et mes pieds. Touchez-moi, regardez."
On a souvent la vision de ce passage comme l’a représenté le Caravage dans le tableau intitulé L’incrédulité de saint Thomas, qui montre l’apôtre mettant physiquement son doigt dans la plaie latérale du Christ. Il y a quelque chose de l’auscultation médicale représentée dans cette œuvre. Mais il y a plus: la main crucifiée du Christ se saisit littéralement de la main de Thomas pour l’enfoncer dans la plaie de son flanc. "Touche mes plaies", concrètement, physiquement.
Ainsi, pour voir la résurrection de près, s’agit-il de mettre le doigt sur la souffrance, guidé par la main du Christ. J’ose dire, de manière un peu forte, appuyer avec lui là où ça fait mal.
Nous sommes l’Eglise; nous disons que nous sommes le corps du Christ. C’est nous qui, avec lui, ressuscitons. Comment mieux toucher ses plaies autrement qu’en touchant nos propres plaies, puisqu’il a dit porter nos souffrances? C’est au creux de nos propres blessures que nous pouvons le mieux nous rendre compte de ce qu’est la Résurrection. Le Christ nous dit: tes plaies sont mes plaies; ta crucifixion est ma crucifixion; touche en toi mes plaies.
C’est spirituellement difficile - ce n’est jamais agréable de se pencher sur ses souffrances - mais c’est inéluctable. Le Christianisme n’est pas une religion qui nous promet d’échapper à la souffrance, qui voudrait nous anesthésier la douleur - on retrouverait-là la notion d’opium du peuple. Le Christianisme nous permet de transcender la souffrance, de la vivre et d’aller au-delà.
Au contraire, il s’agit de faire face à ses propres plaies. Au lieu de s’en détourner, d’y voir les plaies du Christ. C’est en méditant sur la force d’aimer qui nous a portés aux creux de nos souffrances, que nous toucherons le plus concrètement la Résurrection.
C’est dans ce difficile exercice spirituel qui consiste à raviver nos souffrances passées pour mieux saisir la puissance de l’amour qui les a portées, à les toucher à nouveau pour mieux en mesurer la guérison alors que nous voudrions plutôt les fuir ou les enfouir, c’est dans la relecture, j’ose dire, presqu’à vif de toutes nos épreuves que nous mesurons la puissance vitale de l’amour qui nous traverse, que nous trouvons la force de faire face à nos douleurs actuelles et que nous puisons l’espérance de pouvoir endurer toutes les morts.
Le Christ dit: Touche en moi tes plaies. Tes plaies sont mes plaies. Tes chagrins sont mes chagrins. Ta douleur est ma douleur. Ton humiliation est mon humiliation. Touche mes plaies en touchant tes plaies. Alors tu verras combien, depuis toujours, c’est ensemble et par amour, que nous ressuscitons.
Laurent MATHELOT, O.P.