Que nous apporte, finalement, l’art ?


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Que nous apporte, finalement, l’art ?
Pour Pauline Pons, les critiques d'art "ne sont pas aussi infaillibles qu’ils croient l’être". © Coyau / Wikimedia Commons
Par Angélique Tasiaux
Journaliste de CathoBel
Publié le
3 min

L’explosion de la fréquentation des musées remonte aux années 1830, confrontant grand public, artistes et experts. Suite de notre entretien avec Pauline Pons, historienne de l'art et fine connaisseuse de l’art religieux.

CathoBel : Au sein des musées se retrouvent ceux qui connaissent et savent : les experts.

Pauline Pons : Certains sont très célèbres, comme Diderot ou Zola, qui a été critique d’art. Le plus célèbre d’entre tous est Baudelaire. Les experts et les artistes ne sont pas deux catégories bien distinctes. Contrairement à ce qu’on imagine, les artistes ont toujours eu plaisir à débattre sur l’art. Si on se retrouve au Louvre, c’est aussi pour discuter, pour échanger entre pairs. Le critique d’art, lui, doit s’extraire des modes, des écoles, et peut-être même de son propre goût, afin de jeter sur son époque générale un regard, prétendument objectif. Y arrive-t-il ? Je n’en suis pas si sûre ! D’où le conflit qu’il y a aussi entre les artistes et les critiques d’art.

Les experts sont-ils marqués par leur époque?

Exactement, ils ne sont pas aussi infaillibles qu’ils croient l’être. Heureusement ! On regarde toujours une œuvre d’où l’on vient. L’œuvre elle-même appelle en nous des choses qui sont très intimes, qui appartiennent à notre histoire personnelle. Je ne vois pas pourquoi les critiques d’art seraient dispensés d’engager leur propre subjectivité dans le jugement esthétique. C’est une bonne nouvelle que cela ne soit pas possible!

Pourquoi ?

Quand on parle de la dimension universelle d’une œuvre d’art, c’est précisément tout ce qui échappe à l’artiste et non pas le "petit moi" qui marquerait le temps de son empreinte. Les peintres mineurs produisent des documents sur leur époque, très intéressants pour les historiens. Et les musées en sont remplis.

Peut-on être touché par une œuvre sans la comprendre ?

C’est le propre de l’art de toucher, avant même d’être compris. Nous en avons tous fait l’expérience. Nous avons des larmes qui viennent, des palpitations, le vertige… le syndrome stendhalien. Quand les grands historiens d’art parlent de "leur" chef-d’œuvre, cela s’apparente à un coup de foudre et dépasse la rationalité.

Que nous apporte, finalement, l’art ?

Une capacité d’admiration à l’égard de tout ce qui nous environne et de libération à l’égard des hiérarchies, du beau, du moins beau… En fait, plus on monte dans le nord et plus on est libre. L’art italien a produit des chefs d’œuvre extraordinaires, mais je me sens plus proche de quelqu’un qui va prendre des mineurs ou des mangeurs de pommes de terre comme modèles, que des Vénus hypothétiques qu’on risque de jamais croiser dans la rue… Et je préfère voir la beauté dans la terre cuite plutôt que dans le cristal.

Propos recueillis par Angélique TASIAUX

Catégorie : Culture

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