La décision a été communiquée ce lundi 25 mars : la "paroisse rebelle" Don Bosco de Buizingen (Hal) perdra son statut de paroisse de l'archidiocèse de Malines-Bruxelles. En cause : des divergences fondamentales sur les sacrements. Il ne s'agit cependant pas d'une "exclusion" de l'Eglise catholique, comme l'a précisé le Vicariat du Brabant flamand et de Malines.
"Après une longue concertation et plusieurs réunions au cours de l'année et demie écoulée, le Vicariat du Brabant flamand et de Malines (qui fait partie de l'archidiocèse de Malines-Bruxelles) a constaté, avec l'équipe paroissiale de Don Bosco Buizingen, que des divergences importantes subsistaient, principalement dans la vision de la célébration et de la présidence des sacrements."
C'est en ces termes que le Vicariat du Brabant et de Malines l'a officiellement annoncé ce lundi 25 mars : la paroisse Don Bosco de Buizingen, dans l'unité pastorale de Hal, ne sera plus une paroisse de l'archidiocèse de Malines-Bruxelles. Une décision rare, voire inédite en Belgique. Pour autant, la future ex-paroisse n'a pas été exclue de l'Eglise catholique comme l'ont rapporté, à tort, la VRT ou le journal De Standaard. Elle continuera de fonctionner en tant que "communauté de foi indépendante", et elle "aura l'espace nécessaire pour poursuivre ses activités, comme d'autres mouvements ou organisations dans l'Eglise".
Divergences fondamentales
Comment en est-on arrivé à cette décision, prise selon un commun accord ? Depuis une vingtaine d'années, la "paroisse rebelle", comme l'appellent certains, avait expérimenté de nouvelles manières d'assurer une présence chrétienne au sein de la société. Sous l'impulsion de l'abbé Rik Devillé, qui fut curé de la paroisse jusqu'en 2009.
L'espace de l'église fut réaménagé en espace ouvert, pour accueillir, outre les eucharisties, différentes activités, notamment psycho-sociales. Une créativité saluée par les nombreux fidèles qui fréquentent cette paroisse. Mais des "divergences fondamentales" sont apparues entre l'archidiocèse et la paroisse concernant la célébration des sacrements, en particulier l'Eucharistie : en l'absence de prêtre depuis plusieurs années, ce sont des laïcs, hommes ou femmes, qui présidaient l'eucharistie et "rompaient le pain", et célébraient les baptêmes ou les mariages. Ce qui implique une vision de la liturgie et des sacrements qui s'écarte nettement de la conception catholique.
Catholique ou chrétienne ?
Els Paridaens, coordinatrice de la paroisse, réagit à la décision dans De Standaard. "Nous avons tellement plaidé pour pouvoir être une église-laboratoire. Mais cela s'est avéré trop difficile. Je peux le comprendre dans une certaine mesure, mais je trouve cela très regrettable. Nous estimons qu'il s'agit d'une occasion manquée, en particulier à la lumière du processus synodal en cours". Sur son profil Facebook, elle précise : "Rome nous invite aujourd’hui à repenser l’Église de demain, n’est-ce pas ce que nous faisons ?”
Laurens Vangeel, porte-parole du Vicariat, précise que "la concertation ne s'est pas déroulée dans un esprit d'opposition, mais de façon respectueuse. Et nous continuerons d'échanger avec Don Bosco Buizingen pour déterminer quelle forme prendra la future communauté de foi". Vu les divergences fondamentales concernant les sacrements, en particulier l'Eucharistie, cette future communauté pourra-t-elle encore être considérée comme catholique? "Cette décision leur appartiendra", nous explique Laurens Vangeel. "Ce sera à cette communauté de déterminer si elle se considère encore comme catholiques ou plutôt comme une organisation chrétienne".
Don Bosco Buizingen est-elle encore une paroisse à l'heure actuelle? "Oui", répond le responsable de la communication, "cela prendra encore plusieurs mois, voire un an, avant que l'on puisse déterminer la forme de la future organisation. Cette question implique aussi des aspects juridiques. Mais nous voulons chercher une solution de manière constructive".
Les limites de l'expérimentation
Etre une "église-laboratoire", à l'heure du processus synodal de l'Eglise. L'idée, en soi, n'a rien de révolutionnaire. De nombreuses paroisses et communautés expérimentent, depuis des années, de nouvelles manières d'"être et de faire Eglise". La question du rôle des ministères ordonnés - évêques, prêtres, diacres - au sein de l'Eglise locale comme universelle, est notamment posée.
Pour autant, une communauté catholique peut-elle, seule, prendre des décisions radicales qui impliquent des changements essentiels dans la compréhension et le vécu de ce qui fait l'ADN de l'Eglise - en particulier l'eucharistie? Or, s'il y a changement fondamental, elle concerne toute la communauté des croyants. Qui décide de qu'est, essentiellement, l'eucharistie, dont la signification nous a été transmise par la communauté chrétienne originelle - et dont le Nouveau Testament se fait l'écho? La compréhension du don total du Christ, de sa résurrection, à laquelle nous participons dans l'Eucharistie ne peut pas être réinventée à partir de sa propre perception, ici et et maintenant, sans solution de continuité, sans fondement théologique éclairé, sans assomption de ce qui est transmis dans les Ecritures. La foi s'incarne dans chaque culture, mais elle n'y disparait pas.
Synodos
"Synodos" c'est le chemin qu'on parcourt ensemble, et non pas tout seul. Chaque chrétien, chaque paroisse, chaque Eglise particulière et continentale participe à ce chemin pour sa part, mais pas tout seul ou toute seule. Cela prend du temps, mais cela permet que personne ne soit, au bout du compte, laissé de côté. Ou que certains fassent cavalier seul, ce qui implique alors une rupture de transmission de la foi. A ce moment, il n'y a plus que deux options possibles : soit, à la deuxième génération, la foi aura disparu; soit, on crée une nouvelle tradition avec ses propres modes de transmission, ses propres pasteurs, ses propres théologiens...
Christophe HERINCKX