Haïti pourrait être considéré comme un petit coin de paradis si le pays ne voyait pas s'enchaîner les catastrophes naturelles. Si aussi le pouvoir en place gérait mieux les situations auxquelles il doit faire face. Et surtout, si les gangs n’avaient pas pris le pouvoir sur 80% du territoire.
Si on compare avec l’autre côté de l'île, à savoir la République dominicaine, on se rend compte que la situation en Haïti pourrait être bien meilleure. C’est en tout cas ce que nous explique Manu Van Lier, dans le Décryptages de ce 15 mars. En Haïti, non seulement la population a à peine le temps de se relever d’une catastrophe qu’une autre arrive, mais l’insécurité vient s’ajouter à la pauvreté.
Un problème naturel et de gestion
Selon Christian Laporte, anciennement journaliste à La Libre, le premier problème du pays est le fait que plusieurs des dernières présidences ressemblaient à des dictatures. Second problème, les catastrophes naturelles. Le séisme de 2010 a fait plusieurs centaines de milliers de victimes. Manu Van Lier, qui s’est rendu dans le pays par après, a d’ailleurs pu constater que, malgré que le temps soit passé par là, les camps de réfugiés étaient toujours bel et bien en place, même au cœur de la capitale.
Ces deux causes ont pour conséquences l’extrême pauvreté de la population et l’affaiblissement général du pays. D’après Manu Van Lier, la présidence par intérim d’Ariel Henry a poussé la population à saturation. Il pourrait encore y avoir de l'espoir pour un renouveau dans le pays, mais la question devient alors : qui va pouvoir amener cet espoir?
De la violence pour se faire entendre
Avant de passer à la manière forte avec les gangs, la population a tenté de se faire entendre avec des manifestations. Cela n’a malheureusement rien changé et Ariel Henry s’est accroché au pouvoir qui lui est tombé dans les mains quand Jovenel Moïse a été assassiné en juillet 2021. Malgré la fin de son mandat en février dernier, il n’avait promis des élections que pour la mi-2025, ce qui a été jugé inacceptable par une partie de la population.
Entrent en scène les gangs. Lorsque Manu Van Lier s’est rendu en Haïti, les gangs se trouvaient aux périphéries des villes. Aujourd’hui, ils contrôlent 80% du territoire. Et quand ils décident de frapper fort, cela donne, par exemple, l’attaque de deux prisons et à la libération de près de 4500 détenus. Tous ces détenus, qui sont loin d’être des enfants de chœur, se promènent maintenant librement dans la nature.
À cela, s’ajoute la peur de se faire enlever ou de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Et personne n’est à l'abri, en témoignent les multiples enlèvements de religieux. Certains ont eu la chance d’être libérés, d’autres ont disparu depuis des mois et rien n’indique s'ils sont toujours en vie.
Une solution à l’horizon?
Depuis qu’Ariel Henry a annoncé sa démission depuis Puerto Rico, le pays attend de voir qui sera désigné comme Premier ministre de transition. Et c’est seulement quand cette personne et son gouvernement seront désignés que l’aide humanitaire pourra revenir dans le pays. Cependant rien n’assure ni la bonne gestion des aides, ni que cesseront les détournements par le gouvernement ou les gangs.
Pour Christian Laporte, la situation est désespérée, il faudrait presque un miracle, mais surtout "il faut trouver un pouvoir politique beaucoup plus au service de la population que de ses propres intérêts". Pour Manu Van Lier, il faut désormais reconstruire de manière réfléchie et pousser les gens qui ont trouvé refuge dans les villes à retourner à la campagne pour relancer la production et donc l’économie locale. "Il faut reconstruire depuis la base".
Reste alors à régler le problème des gangs. Pour pouvoir les combattre, il faudrait que la police soit mieux armée, au propre comme au figuré. Il faudrait aussi que les salaires soient suffisants et réguliers pour éviter que l’histoire de Jimmy Cherizier (surnommé “Barbecue”) ne se répète et que d’autres décident de quitter les forces de l’ordre pour rejoindre les gangs.