Guerre en Ukraine : l’appel du pape François à hisser le « drapeau blanc » provoque l’ire de Kiev


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Guerre en Ukraine : l’appel du pape François à hisser le « drapeau blanc » provoque l’ire de Kiev
L'appel du pape à hisser le drapeau blanc - "bandiera bianca"- a été interprété en Ukraine et par de nombreux alliés comme un appel à la capitulation. © Agenzia ANSA (X)
Par Clément Laloyaux
Journaliste de CathoBel
Publié le
5 min

Dans une interview accordée à la télévision publique suisse, le pape François a appelé l'Ukraine à ne pas avoir "honte de négocier avant que la situation n'empire". L'appel du souverain pontife à hisser le "drapeau blanc" face à Moscou a vertement fait réagir les autorités ukrainiennes : "Notre drapeau est jaune et bleu. C’est le drapeau pour lequel nous vivons, nous mourrons et triomphons."

Le 20 mars prochain, la télévision publique suisse RSI (Radiotelevisione Svizzera italiana) diffusera une interview du pape François, enregistrée un mois auparavant. Dans cet entretien, le Saint-Père évoque les guerres qui défigurent le monde, à commencer par celles en Terre Sainte et en Ukraine.

Sur l'Ukraine spécifiquement, le journaliste Lorenzo Buccella fait remarquer au pape que certains "appellent au courage de la reddition, du drapeau blanc", tandis que d'autres "disent que cela légitimerait le camp le plus fort". Il demande au chef d'État du Vatican ce qu'il en pense. François répond que "le plus fort est celui qui voit la situation, qui pense au peuple, et qui a le courage du drapeau blanc, c'est-à-dire de négocier". Il ajoute dans la foulée que "le verbe "négocier" est un verbe courageux" : "Quand on voit qu'on est vaincu, que les choses vont mal, il faut avoir le courage de négocier".

Pour le souverain pontife, il faut "négocier tant qu'il est temps", chercher un pays médiateur, "avant que la situation n'empire". Plus loin dans l'interview, parlant de la situation en Palestine, mais se référant à toute situation de guerre, le Pape déclare que "Négocier n'est jamais une reddition : c'est le courage de ne pas conduire le pays au suicide".

↪️ L'extrait de l'entretien du pape François qui a fait polémique.

Le "drapeau blanc" symbolise l'idée d'une trêve, et non d'une reddition

Devant l'émoi général suscité par la publication de ces extraits, le Vatican a tenu à éclaircir les propos tenus par le pape François lors de cette interview. Samedi soir, le directeur de la Salle de presse du Vatican, Matteo Bruni, s'est présenté devant les journalistes pour répondre aux diverses interrogations de la presse et, surtout, réaffirmer le souhait du Saint-Père de "créer les conditions d'une solution diplomatique à la recherche d'une paix juste et durable".

"Le Pape, a précisé Matteo Bruni, utilise le terme de “drapeau blanc” et répond en reprenant l'image proposée par le journaliste, pour indiquer avec lui la cessation des hostilités, la trêve obtenue avec le courage de la négociation. Ailleurs dans l'interview [...], le pape a clairement déclaré: “Négocier n'est jamais se rendre”."

Pour le directeur de la Salle de presse du Saint-Siège, François a utilisé l'image de "drapeau blanc" proposée par le journaliste suisse pour réitérer ce qu'il a déjà affirmé au cours de ces deux années d'appels continus et de prises de position publiques : l'importance du dialogue contre la "folie" de la guerre et la préoccupation prioritaire pour le sort des populations civiles.

Une mise au point -ou une "correction de tir de la part du Vatican" comme la presse mainstream préfère le qualifier- qui n'a pas vraiment convaincu les autorités ukrainiennes. Bien au contraire.

"Notre drapeau est jaune et bleu" réplique Kiev

L’Ukraine a peu goûté les déclarations du pape François. Dimanche 10 mars, dans un message vidéo, le président ukrainien a rejeté l'appel du pape concernant des négociations de paix avec la Russie. Volodymyr Zelensky estime que l’Église doit être "avec le peuple, non pas à 2.500 kilomètres de distance, quelque part, pour servir de médiateur virtuel entre quelqu’un qui veut vivre et quelqu’un qui veut vous détruire".

Dans cette optique, il a tenu à saluer le rôle des aumôniers et religieux actifs dans l’armée ukrainienne : "Ils étaient en première ligne, ils protégeaient la vie et l’humanité, ils soutenaient par des prières, des conversations et des actes. C’est là que l’Eglise est : avec le peuple".

Revenant sur l'image de drapeau blanc avancée par le pape, le président ukrainien répond que "si les assassins et les bourreaux russes ne pénètrent pas plus avant en Europe, c'est uniquement parce qu’ils sont repoussés par les Ukrainiens les armes à la main et sous le drapeau bleu et jaune" .

D'autres officiels se sont indignés des propos du pape François. L'ambassadeur de Kiev au Vatican, Andriï Iourach, a comparé cette suggestion à des négociations avec Hitler pendant la Seconde guerre mondiale. "Nous devons tout faire pour tuer le Dragon !", peut-on lire dans son tweet.

Sans mentionner clairement le pape, le primat de l'Église gréco-catholique ukrainienne a lui aussi tenu à réagir. "Croyez-moi, personne n'a dans la tête l’idée de se rendre, même là où les combats se déroulent aujourd'hui. Écoutez nos gens dans les régions de Kherson, Zaporijjia, Odessa, Kharkov, Soumy !", a déclaré Sviatoslav Chevtchouk, samedi, lors d'une messe dans une église de New York où il se trouvait en déplacement.

Edgars Rinkevics, le président de la Lettonie, ex-république soviétique qui craint une agression russe, a lui appelé sur X "à ne pas capituler face au mal" mais à le "vaincre" pour que ce soit lui qui "hisse le drapeau blanc".

Clément LALOYAUX (avec Le Soir, France 24 et Vatican News)


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