Trois quarts de siècle après sa mort, la Belgique se souvient de James Ensor, célébré dans de multiples événements lors de cette année 2024. Parmi ceux-ci, une exposition homonyme, sous-titrée Maestro.
Dans cette exposition qui prend place à Bozar, se retrouvent près de 150 œuvres variées du peintre ostendais, dont des peintures à l’huile et des dessins sur papier. C’est ici même, à l’époque où le Palais des Beaux-Arts n’était pas encore nommé Bozar, qu’a eu lieu en 1929 la première rétrospective de grande ampleur consacrée à l’artiste. Lors de celle-ci, La gamme d’amour, composition pour un ballet de 1907, avait été jouée. Si James Ensor est surtout reconnu comme un peintre talentueux, il n’en a pas moins composé de la musique, une activité où il considérait exceller davantage encore.
Les tableaux de James Ensor font partie de l’imaginaire belge et nombreux sont ceux qui connaissent son univers si particulier. Comme il n’hésitait pas à reproduire ses tableaux à succès, avec quelques variantes dans des versions parfois antidatées, ceux-ci figurent en plusieurs lieux, telle la fameuse (et scandaleuse) Mangeuse d’huîtres. Celle-ci n’est autre que sa sœur Mitche.
De multiples influences
Selon le commissaire de l’exposition, Xavier Tricot, "James Ensor est passé d’une tradition réalistico-impressionniste à un monde nouveau, qui est celui de son imagination débridée. Isolé dans sa tour d’ivoire, il a créé un monde imaginaire. Dans ses peintures, tous ses sens sont en éveil. Il est une icône de l’avant-garde, avec un pied dans la tradition." C’est ainsi que l’on retrouve des références explicites à la tradition populaire, à la commedia dell’arte, à Balzac - un auteur que son propre père affectionnait - ou encore à la Bible. Cet ensemble hybride fait, somme toute, "la richesse de son art", estime Xavier Tricot, qui ajoute: "Fasciné par le phénomène des masses et leur énergie, il en avait aussi peur, lui qui était un individualiste." Loin d’Ostende, ville qui l’a vu naître et grandir, Bruxelles joue un rôle majeur dans son évolution artistique. "Le monde littéraire et imaginaire d’Ensor s’y est développé grâce à la rencontre de compositeurs, de dramaturges… Abonné à des revues d’art, il est plus cultivé qu’on ne le pense. Ensor intègre tout ce qu’il a absorbé des yeux et des oreilles." Il est d’ailleurs un habitué du salon tenu par Mariette et Ernest Rousseau, lui-même professeur et recteur à l’Université Libre de Bruxelles.
"Une inquiétante étrangeté"
Connu pour ses multiples représentations de masques, James Ensor recourt volontiers à la satire. "C’est une échappatoire pour lui qui a souffert des moqueries à Ostende", précise encore le commissaire de l’exposition, qui est également directeur de la maison Ensor à Ostende. "Ensor se moque de l’humanité et s’engage parfois, lorsqu’il critique l’appareil judiciaire et les pratiques peu scrupuleuses des médecins!"
Rappelant Freud, Xavier Tricot souligne combien "le non-familier des situations et des objets rend inquiétant. Ensor y était familier depuis l’enfance." La boutique de sa mère proposait, en effet, à la vente des masques venus de Chine ou du Japon, mais aussi d’authentiques crânes ramassés à Ostende sur les squelettes des soldats, datant du début du XVIIe siècle, lorsque les Espagnols avaient fait le siège de la ville. "Ensor n’est pas le premier qui a peint des masques et des squelettes. Il suffit de penser au thème de la danse macabre", ajoute Xavier Tricot. Et de conclure: "Il exploite l’histoire de Flandre dans son œuvre personnelle."
Ensor, un agnostique narcissique
A la question de savoir s’il était croyant, James Ensor a répondu en 1948: "On ne sait rien dire de Dieu, mais le Christ est une signification obligatoire." Autrement dit, explique Xavier Tricot, "il se place dans une tradition picturale. C’est ainsi que la représentation du Christ est un thème majeur. Vilipendé, il s’y est lui-même identifié, avec un sens aigu du narcissisme".
Angélique TASIAUX
L’exposition James Ensor. Maestro est à voir à Bozar, jusqu’au 23 juin 2024.
Infos: www.bozar.be – A noter qu’une partie de la vente des billets d’entrée est reversée à Kom op tegen Kanker, une ONG active dans la lutte contre le cancer.
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