Demos II: un cardinal anonyme critique le pape François


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Demos II: un cardinal anonyme critique le pape François
Des critiques anonymes circulent parmi les cardinaux contre le pontificat de François © Mazur/cbcew.org.uk
Par Cath.ch
Publié le
4 min

Le pamphlet d’un cardinal qui se fait appeler «Demos II» circule parmi les cardinaux, rapportent plusieurs médias, en ce début mars 2024. Critiquant de nombreux aspects de la ‘méthode François’, le texte présente ses suggestions pour le prochain pontificat.

Le pamphlet a été diffusé par le site conservateur italien La Nuova Bussola Quotidiana. Le cardinal chinois Joseph Zen, souvent critique envers le pape François, a été le premier à diffuser sur les réseaux sociaux l’analyse de Demos II sur le prochain conclave, rapporte Il Messagero, le 2 mars 2024. Le média italien estime qu’il ne s’agit pas du texte d’un auteur unique, contrairement à ce qu’il prétend. Son écrivain serait resté anonyme, «par peur des représailles».

Une Eglise «plus fracturée que jamais»?

Le pamphlet, traduit en six langues, circule depuis plusieurs jours au sein du Collège des cardinaux. Il s’agit d’une «radiographie» de ce qui n’a pas fonctionné dans l’Église au cours de ces dix dernières années. "Les dernières années d’un pontificat sont un moment privilégié pour évaluer le chemin de l’Église de demain", affirme ainsi Demos II. Le texte commence par noter des points positifs. «La grande force du pontificat du pape François a été sa compassion pour les faibles, les pauvres et les marginalisés. Bergoglio s’est préoccupé de la dignité des êtres humains, il a lutté contre le changement climatique et les grands défis environnementaux», admet le cardinal anonyme.

Mais l’analyse est sévère concernant le style de gouvernement du pontife argentin perçu comme "autocratique, qui semble parfois vindicatif". Demos II déplore «un manque d’attention à la loi; une intolérance à l’égard des désaccords, même respectueux; et – plus grave encore – un modèle ambigu en matière de foi et de morale qui crée la confusion parmi les fidèles». «La confusion engendre la division et le conflit. Elle sape la confiance dans la Parole de Dieu. Elle affaiblit le témoignage évangélique. Il en résulte aujourd’hui une Église plus fracturée qu’elle ne l’a jamais été au cours de son histoire récente», critique le pamphlet.

L’absence d’une anthropologie chrétienne?

Selon le cardinal, le «nouveau pape doit restaurer l’herméneutique de la continuité dans la vie catholique et réaffirmer la compréhension de Vatican I et le rôle propre de la papauté (…) Le pape (…) ne peut pas changer la doctrine de l’Église et ne doit pas inventer ou modifier arbitrairement la discipline ecclésiastique.» Pour Demos II, les «nouveaux paradigmes» et les «nouvelles voies inexplorées» qui s’écartent de ces deux éléments «ne sont pas de Dieu».

Le pamphlétiste anonyme estime entre autres que «le démantèlement et la réutilisation de l’Institut Jean Paul II pour les études sur le mariage et la famille à Rome et la marginalisation de textes tels que Veritatis Splendor suggèrent que l’émotion et la compassion ont pris le pas sur la raison, la justice et la vérité. Pour une communauté de foi, cela est malsain et profondément dangereux».

L’Église, poursuit-il, ne peut être «réduite à un système d’éthique flexible ou d’analyse sociologique et à se remodeler en fonction des instincts et des appétits (et des confusions sexuelles)». L’un des principaux défauts du pontificat actuel est son retrait d’une ‘théologie du corps’ convaincante, selon le pamphlet, et «l’absence d’une anthropologie chrétienne à une époque où les attaques contre la nature et l’identité humaines, du transgendérisme au transhumanisme, se multiplient».

Un pape qui ne voyage plus?

Mais le texte suggère aussi une réduction des visites apostoliques du prochain pape. «Les voyages internationaux ont bien servi un pasteur comme le pape Jean Paul II en raison de ses dons personnels uniques et de la nature de l’époque. Mais les temps et les circonstances ont changé. L’Église en Italie et dans toute l’Europe – le foyer historique de la foi – est en crise», peut-on lire. "Le Vatican a besoin de toute urgence d’un renouveau moral, d’un nettoyage de ses institutions, de ses procédures et de son personnel, et d’une réforme approfondie de ses finances pour se préparer à un avenir plus difficile, poursuit le texte. (…) Cela exige la présence, l’attention directe et l’engagement personnel de tout nouveau pape".

Un aspect que John Allen, du site Crux, prend à contrepied dans un papier d’opinion du 3 mars. «Quoi que l’on pense du diagnostic général de Demos II, ce point particulier est presque certainement inapplicable, car les courants de l’histoire entraînent la papauté dans une direction précisément opposée», estime le vaticaniste américain . «Tout d’abord, la notion selon laquelle la responsabilité première d’un pape est envers l’Italie ou l’Europe est un anachronisme historique, rappelle-t-il. Aujourd’hui, deux tiers des 1,3 milliard de catholiques dans le monde vivent en dehors de l’Occident, une proportion qui atteindra les trois quarts d’ici le milieu du siècle».

Pour John Allen, "un pape qui refuserait de voyager serait probablement considéré comme un signe de recul de la part de l’Église catholique, ce qui compromettrait notamment la pertinence diplomatique et géopolitique de la papauté et rendrait plus difficile pour le Vatican la réalisation de ses objectifs humanitaires traditionnels." Pour le vaticaniste, «il est difficile de voir comment une papauté affaiblie et ignorée servirait les intérêts de l’Église, quelles que soient les priorités du prochain pape».

Raphaël ZBINDEN pour cath.ch

Catégorie : Vatican

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