Terrorisme au Burkina Faso: comment l’Église fait face aux persécutions ?


Partager
Terrorisme au Burkina Faso: comment l’Église fait face aux persécutions ?
Chrétiens déplacés à Ouahigouya, Burkina Faso © ACN
Par Manu Van Lier
Journaliste de CathoBel
Publié le
4 min

Ce 25 février, une attaque terroriste faisait quinze morts dans une église à Essakane, dans le diocèse de Dori (nord du Burkina Faso). De passage au siège de l'AED (Aide à l'Eglise en Détresse) en Allemagne, Mgr Kientega, l'évêque du diocèse d'Ouahigouya appelle à prier pour convertir le cœur des assaillants vers un retour à la paix. Il invite aussi à soutenir l'Eglise dans son travail d'accueil et d'accompagnement de la population déplacée.

Dimanche 25 février 2024, une attaque terroriste a été perpétrée dans une église catholique d’Essakane-Village alors que la communauté de fidèles était réunie en prière. Le bilan est de 15 morts et 2 blessés parmi les fidèles. Le même jour, un autre attentat a aussi visé une mosquée à Natiaboani, avec un bilan très lourd de plusieurs dizaines de fidèles musulmans tués.

Mgr Justin Kientega, est l'évêque du diocèse d'Ouahigouya (au nord du Burkina Faso). Le diocèse compte 1,2 million d'habitants dont 120.000 chrétiens. Depuis 2015, une centaine d'attaques ont été dénombrées dans le pays. Les chrétiens sont persécutés par des groupes de radicaux musulmans. Un phénomène qui s'est amplifié ces derniers mois comme en témoigne Mgr Kientega: "Des hommes arrivent dans les villages, commencent des prédications. Ils imposent des restrictions à la population, interdisant les enfants de se rendre à l'école ou forçant les femmes à porter le voile. Sur les routes, ils arrêtent la population, vandalisent, contrôlent. Ils tuent, ils pillent, ils incendient. Ils donnent un ultimatum à la population des villages, puis reviennent donnent un ultimatum pour chasser les populations de leur village."

Le pays compte actuellement plus d'un million de déplacés dont la majorité se réfugie dans les grandes villes. L'Eglise participe activement à l'accueil et l'accompagnement des familles déplacées mais elle manque de moyens comme le souligne Mgr Kientega: "Comment se soigner, se nourrir, scolariser les enfants? Les traumatismes sont nombreux, principalement chez les plus jeunes. Nous n'avons pas assez de moyens, venez à notre secours."

L'évêque témoigne également des difficultés pour maintenir le culte: "Dans un village, les terroristes disent 'vous pouvez prier mais pas vous rassembler pour le culte'. De nombreuses paroisses sont fermées ainsi qu'un centre de soin où les terroristes ont chassé les religieuses. Dans le diocèse, quatre écoles ont dû cesser leurs activités, avant une reprise pour deux d'entre elles. Des femmes chrétiennes se voient contraintes de porter le voile pour échapper aux agressions. Les chrétiens sont prêts à fuir mais pas à se convertir." Mgr Kientega rend également hommage aux martyrs. Dans son diocèse un catéchiste et quatre fidèles ont été tués. Ailleurs, un prêtre qui présidait la messe a été tué avec plusieurs fidèles, un autre a été enlevé. Mais l'évêque d'Ouahigouya insiste pour que ces attaques ne pas soient comprises comme des conflits religieux ou ethniques. "Habituellement nous avons des relations pacifiques avec les musulmans. Deux tiers des enfants scolarisés dans nos écoles sont d'ailleurs musulmans. Ici, il s'agit d'attaques de musulmans radicaux."

Qui sont ces groupes terroristes inspirés par l’extrémisme islamique?

Pour Mgr Justin Kientega, tout indique que les attaques sont perpétrées par de jeunes burkinabais instrumentalisés. "Ces jeunes sont parfois enrôlés de force. Ils sont armés et motorisés. Mais qui sont-ils et que cherchent-ils? Pourquoi cherchent-ils à créer ce climat de terreur? Nous aussi nous posons ces questions qui restent ouvertes."

Comment l'Eglise réagit-t-elle à la persécution?

Cette insécurité dans le pays a initié un réveil de la foi. "La population a trouvé de la force dans la prière et une grande solidarité dans la foi. Nous changeons les horaires des célébrations pour faire uniquement en journée. J'ai créé une radio pour transmettre l'espérance et pour que les fidèles puissent suivre à distance les célébrations et les lectures de la Bible." Mgr Kientega indique que malgré les risques d'attaques, la catéchèse ou les baptêmes se poursuivent. Le pape prie pour nous et lance des appels pour que la paix revienne. Il connaît la situation et des aides sont venues par la nonciature pour les personnes déplacées. Nous appelons les catholiques du monde entier à nous apporter une aide humanitaire mais surtout à prier pour que les cœurs de ces jeunes assaillants se convertissent pour vivre en paix."

Le défi de l'Eglise burkinabaise est de maintenir la foi dans ce contexte et à transmettre l'espérance, la fraternité et la solidarité universelle. Quand la paix sera rétablie, l'Eglise pourra se concentrer sur la reconstruction des paroisses, des écoles et sur l'accompagnement psychologique et spirituel des personnes persécutées. "L'Eglise reste au cœur du monde. Nous essayons de vivre notre foi et de faire preuve de résilience" conclut Mgr Kientega.

Manu VAN LIER


Dans la même catégorie