Le Vatican commémore les 21 martyrs coptes abattus par Daesh : “l’œcuménisme du sang”


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Le Vatican commémore les 21 martyrs coptes abattus par Daesh : “l’œcuménisme du sang”
La commémoration des 21 martyrs coptes de Libye s'est tenue ce 15 février 2024 dans la chapelle du choeur de la basilique Saint-Pierre. © http://www.christianunity.va/
Par Clément Laloyaux
Journaliste de CathoBel
Publié le
5 min

Ce jeudi 15 février 2024, une prière œcuménique s'est tenue à la basilique Saint-Pierre pour honorer la mémoire des 21 coptes égorgés par l'Etat Islamique, neuf ans plus tôt. Bien qu'ils ne soient pas catholiques, le Vatican reconnaît comme martyrs ces coptes orthodoxes assassinés sur une plage libyenne. Pour Christian Cannuyer, orientaliste et coptologue belge, cette démarche "correspond à l’œcuménisme du sang forgé par le Pape François".

Le 15 février 2015, 21 coptes orthodoxes sont égorgés par l'organisation État Islamique sur une plage de Syrte (Libye). Leur mise à mort, filmée, s'entoure d'une mise en scène particulièrement glaçante : les djihadistes, vêtus de noirs, conduisent leurs prisonniers habillés de combinaisons orange jusqu'à une plage où ils les obligent à s'agenouiller, puis procèdent aux décapitations.

Il y a parmi eux 20 Égyptiens et un Ghanéen. Le motif de cet assassinat de masse est religieux : leurs bourreaux le revendiquent ouvertement. Les 21 otages réunis sont tous chrétiens. Avant les exécutions, l'un des activistes armé d'un couteau déclare: "Pour vous les croisés, la sécurité n'est qu'un vain espoir". Une légende, ajoutée à la vidéo, indique: "Les partisans de la croix : les fidèles de l'église égyptienne hostile".

Les victimes étaient pour la plupart originaire du village d’Al-Our, situé à 250 km au sud du Caire, et avaient émigré en Libye dans la province de Syrte pour y trouver du travail. Sept d’entre eux avaient été capturés par les terroristes le 29 décembre 2014 en tentant de rentrer en Égypte, et cinq jours plus tard, les autres furent enlevés chez eux.

Aucun n’a voulu renier sa foi chrétienne.

Un signe très fort de rapprochement entre catholiques et coptes

C’est une célébration rare qui a eu lieu ce jeudi 15 février à 17h00 en la basilique Saint-Pierre. Neuf ans, jour pour jour, après la tuerie de masse, catholiques et coptes orthodoxes se sont réunis lors d'une prière œcuménique pour célébrer la mémoire des 21 martyrs coptes de Libye. Une cérémonie présidée par le cardinal Kurt Koch, préfet du dicastère pour la promotion de l'unité des chrétiens, avec la participation d'un chœur copte.

Dans son homélie [IT], le Cardinal Koch déclare que les martyrs coptes "ont rappelé une réalité que nous avons tendance à oublier, voire à refouler, mais que Jésus avait clairement annoncée : ‘Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite : le serviteur n'est pas plus grand que son maître. S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront aussi’ (Jn 15,20)", concluant que "la communion des martyrs est sans doute plus éloquente que les divisions qui nous divisent encore aujourd’hui".

La prière a été présidée par Son Éminence le Cardinal Kurt Koch, avec la participation de S.Exc. Mgr Antonios Aziz Mina (à gauche), évêque copte catholique émérite de Ghizeh ; du Révérend Père Thaouphilos (au centre), vicaire général du diocèse copte orthodoxe de Turin-Rome et du révérend père Antonio Gabriel (à droite), curé de l'église copte Sainte-Mina à Rome. © christianunity.va

Lors de cette journée commémorative, les reliques des martyrs ont été exposées à la vénération des fidèles – un geste particulièrement précieux quand on sait la vive importance des martyrs dans la foi copte. Ensuite, "The 21: The Power of Faith" (Les 21: le pouvoir de la foi), un documentaire réalisé dans le village natal des martyrs, a été projeté à la filmothèque du Vatican. Le documentaire est à retrouver sur KTO.

Cette cérémonie est un signe très fort de rapprochement entre l’Église catholique et l’Église copte orthodoxe, majoritaire chez les chrétiens d’Égypte. Son organisation doit beaucoup aux liens d’amitié qui unissent le patriarche d’Alexandrie Tawadros II et le pape François. Le pape des coptes et le pape des catholiques "sont très proches", confirme l’égyptologue et orientaliste belge Christian Cannuyer au micro de Radio Vatican, "ils ont la même perspective œcuménique".

L’actuel chef des coptes Tawadros II serait d'ailleurs l’artisan du rapprochement entre le pape François et Ahmed Al Tayeb, le grand imam d’Al-Azhar, au Caire. Les deux hommes ont signé ensemble il y a cinq ans, le 4 février 2019, le "Document sur la fraternité humaine pour la paix dans le monde et la coexistence commune" ou déclaration d'Abou Dhabi.

Reconnus comme martyrs par le Vatican

Le 11 mai dernier, le pape François avait annoncé que les 21 martyrs coptes seraient inscrits au martyrologe romain, la liste de ceux que l'Église catholique reconnaît comme saints, bienheureux et martyrs. Pour François, les saints et les martyrs sont "des liens de communion entre les Églises".

"Pour la première fois, l'Église catholique inscrit au martyrologe romain des saints appartenant à une Église qui n'est plus en communion historique avec Rome", souligne Christian Cannuyer. "Ce sont des martyrs qui sont en même temps des frères séparés. Cela correspond à l’œcuménisme du sang forgé par le Pape François".

Toujours à Radio Vatican, celui qui est aussi directeur de Solidarité-Orient, une asbl basée à Bruxelles, explique ce qu'il entend par "œcuménisme du sang" : "Au-delà du dialogue théologique institutionnel, parfois décevant par sa lenteur et son manque de témérité, il y a cette communion dans la souffrance et dans la persécution que partagent, notamment au Proche-Orient, face au fanatisme, les catholiques, les protestants et les orthodoxes. Ce modèle est à approfondir."

Il revient également sur l'importance des martyrs dans le monde copte : "Les coptes ont une sensibilité très vive à l'égard du phénomène du martyre. L’ère copte commence non pas avec la naissance de Notre-Seigneur, mais en l'an 284 de notre ère avec le règne de Dioclétien, qui a été l'empereur à avoir persécuté en dernier lieu les chrétiens. On l'appelle l'ère des martyrs. Les églises coptes sont truffées d'icônes représentant des martyrs anciens, souvent représentés à cheval, symbole du bien qui domine le mal."

Il explique également que les coptes ont une attitude exemplaire vis-à-vis des martyrs chrétiens, "ces saints persécutés en notre époque contemporaine", malgré la réaction de leurs proches qui peut parfois surprendre :

"Beaucoup de mes amis chrétiens d'Orient, en Palestine, en Syrie, en Irak, s’étonnent toujours de la réaction des familles coptes à la télévision, lorsque l’une d’elles vient de perdre l’un de ses membres dans un attentat. Il y a de la tristesse, de la révolte, mais aussi cette immense fierté de compter un saint martyr dans la famille, un intercesseur, un ami privilégié de Dieu, témoin par excellence de la foi."

Au micro de Radio Vatican, Christian Cannuyer a abordé maints autres sujets en lien avec les coptes : amitié coptes-catholiques, guerre en Palestine, vitalité de l’Eglise d’Egypte…

👉 Retrouvez l'intégralité de son interview ici

La chorale copte lors de la cérémonie. © christianunity.va

C.L. (avec RCF et La Croix)

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