Communautés nouvelles : quand on abuse de la soif spirituelle


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Communautés nouvelles : quand on abuse de la soif spirituelle
Par Christophe Herinckx
Journaliste de CathoBel
Publié le - Modifié le
4 min

Les communautés nouvelles sont le plus souvent apparues dans l’Eglise catholique après le concile Vatican II. Elles tentent de répondre à la quête spirituelle de nos contemporains. Ce qui les mène parfois à exercer une forme d’emprise sur leurs membres, causant ainsi de grandes souffrances.

Alors que, en Belgique et ailleurs, l’attention de la société s’est largement focalisée sur les abus sexuels dans l’Eglise, un autre type de dérive passe souvent sous les radars: des abus spirituels, des abus de pouvoir, débouchant parfois sur de véritables phénomènes d’emprise sur les victimes. Avec, pour conséquence, des troubles psychiques tels que dépression, dépersonnalisation, pouvant parfois aussi déboucher sur des suicides.

Des formes spontanées

Des communautés dites "nouvelles" – aussi appelées "nouveaux mouvements d’Eglise" –, ont été soupçonnées ou convaincues de telles dérives sectaires, plus ou moins graves. Certaines d’entre elles sont issues de la mouvance du renouveau charismatique, d’autres non. On peut citer notamment l’Opus Dei, les Légionnaires du Christ, Communion et Libération, les Focolari, la Communauté des Béatitudes, la Communauté Saint-Jean, les Petites Sœurs de Bethléem…

Pourquoi ces communautés nouvelles, apparues pour la plupart après le concile Vatican II, sont-elles particulièrement exposées à ce type de dérives? En arrière-fond, il y a une soif spirituelle trop longtemps étouffée par la société moderne, et que les structures traditionnelles de l’Eglise ont pu finir par brider. Cette quête s’est dès lors parfois exprimée sous des formes spontanées, en dehors des cadres établis. A travers des groupes de prière notamment, dont certains ont débouché sur des formes inédites de vie communautaire.

Au départ, un abus de pouvoir

A côté d’authentiques spirituels, des "fondateurs" charismatiques ont abusé de la fragilité de personnes en quête de sens, ou tout simplement de chrétiens voulant s’engager au service de Dieu et de l’Evangile.
C’est le cas Renata Patti, qui a été membre du mouvement des Focolari pendant plus de quarante ans, avant de le quitter. Ayant été victime d’emprise spirituelle, elle a pu se reconstruire et analyser ce qui lui est arrivé, comme à d’autres. A ce titre, son expérience douloureuse constitue un exemple révélateur d’un modus operandi qu’on retrouve dans d’autres mouvements "L’abus spirituel, l’abus de conscience est au départ un abus de pouvoir", dit-elle. "Parce que l’autorité qui est au sommet dicte la volonté de Dieu." Comment cela s’est-il traduit chez les Focolari? "En 1949, Chiara Lubich a reçu des ‘illuminations intellectuelles’, qui sont devenues l’essence de sa spiritualité de l’unité. L’Evangile a alors cédé la place à la personne de la fondatrice, qui a pris la place de Dieu."

"Comme s'il était Dieu"

Qu’est-ce qui caractérise cette spiritualité? "La fondatrice a conçu cette unité comme absorption, comme identification à elle-même. Nous devions toutes devenir de petites Chiara." "Chaque âme des Focolari doit être une expression de moi et rien d’autre. Ma Parole contient toutes celles des focolarines et des focolarini. Je les synthétise tous. Lorsque j’apparais ainsi, ils doivent donc se laisser générer par moi, communier avec moi", écrivait Chiara Lubich dans une lettre du 23 novembre 1950. Avec, comme implication concrète de cette notion d’unité que, au sein des petites communautés d’hommes ou de femmes, la responsable, la "capo focolare", a toute autorité pour organiser l’emploi du temps des membres dans le moindre détail.

Renata Patti a développé de nombreux contacts avec des victimes d’autres mouvements. Au fil des échanges, une conclusion s’est dégagée: tous les phénomènes d’emprise répondent à un schéma similaire. "Le fondateur, d’une façon ou d’une autre, par une parole, un geste, un acte, un livre, arrive à pénétrer dans la conscience des gens, comme s’il était Dieu."

Relevons qu'au cours des dernières années, le mouvement s'est donné les moyens de mettre en lumière les abus commis en son sein, et que de très nombreuses mesures ont été prises pour limiter au maximum les risques de cas nouveaux. Chiara Lubich, pour sa part, n'a jamais été accusée d'un quelconque abus. Dès 2019, la phase diocésaine de la Cause de béatification et de canonisation de Chiara Lubich s'est d'ailleurs conclue. Il n'est donc pas impossible qu'elle devienne un jour sainte...

Christophe HERINCKX


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