Ce 2 février, l'Eglise célèbre la fête de la Présentation de Jésus au temple. Depuis 1997, cette date correspond également à la Journée mondiale de la vie consacrée. Mais que recouvre exactement cette réalité, qui fait partie intégrante de la vie de l’Eglise depuis ses origines ?
Dès les tout premiers siècles de l’histoire du christianisme, on a vu apparaître différentes formes de consécration à Dieu. Toutes s'inspire du Christ lui-même qui, comme tout fils aîné en Israël, a été consacré à Dieu quarante jours après sa naissance. C'est cet événement que l'on célèbre le 2 février chaque année, et qui a donné lieu à la fête de la chandeleur.
Les premières personnes consacrées, en christianisme, furent les ermites, qui se retiraient dans la solitude du désert pour y trouver Dieu, et les vierges consacrées qui , pat leur vie, signifiaient l’attente de l’accomplissement du Royaume des cieux, et des noces mystiques de Dieu avec l’humanité.
Par la suite, de nombreuses autres formes de vie consacrée sont apparues dans l’Eglise, tant en Orient qu’en Occident: moines et moniales, puis ordres et congrégations s’efforçant de réaliser l’idéal de la vie religieuse à travers une mission spécifique menée au cœur de la société, au bénéfice de l’ensemble de celle-ci.
Les formes de la vie consacrée
La notion de vie consacrée recouvre ce que l’on appelait, avant le concile Vatican II, la "vie religieuse". Le concile a en quelque sorte élargie celle-ci à de nouvelles formes, qui n’existaient pas autrefois dans l’Eglise catholique.
En ce qui concerne la vie religieuse, celle-ci existe sous deux formes principales, qui impliquent chacune une vie en communauté.
La première est la vie religieuse contemplative, qui s’identifie le plus souvent à la vie monastique: des hommes ou des femmes se consacrent essentiellement à une vie de prière et de travail, dans le silence. Le but est de vivre en communion avec Dieu dans tous les aspects de leur existence. Dans cette "catégorie" s’inscrivent, par exemple, les moines bénédictins.
La seconde forme est la vie religieuse apostolique, qui recouvre de nombreux ordres et congrégations, dont la finalité consiste à réaliser une mission spécifique au bénéfice de l’Eglise, voire de la société, tout en trouvant la source de son engagement dans une vie de prière. À ce groupe, très important et varié, appartiennent par exemple la Compagnie de Jésus (les jésuites), ou les Frères et Sœurs salésiens, dont la mission consiste à apporter une éducation chrétienne et humainement équilibrée aux enfants et aux adolescents.
Au cours du vingtième siècle sont apparues de nouvelles formes de vie consacrée, répondant à de nouvelles réalités culturelles et ecclésiales. Et dont la teneur déborde le cadre classique de la vie religieuse. D’où l’expression de "vie consacrée", plus large que celle de "vie religieuse". En d’autres termes, de nouvelles formes de consécration existent aujourd’hui, impliquant par exemple de vivre pleinement dans le monde, sans être rattaché à une communauté.
La vie consacrée, qu’est-ce que c’est?
Après ce bref tour d’horizon, il convient sans doute de préciser ce qu’est, en fait, la vie consacrée dans l’Eglise. Il existe en effet une certaine confusion à ce sujet, même parmi les chrétiens.
Disons d’abord que la vie consacrée ne concerne pas, en tant que telle, les ministères ordonnés, autrement dit : l’identité et la mission de l’évêque, du prêtre et du diacre. Ces trois ministères ont une fonction spécifique dans l’Eglise, à savoir rendre présent, d’une façon particulière, le Mystère du Christ en tant qu’il est la Tête et l’Epoux de l’Eglise, en ce qui concerne l’évêque et le prêtre, et le Christ comme Serviteur, en ce qui concerne le diacre. Cette présence particulière du Christ se réalise par le sacrement de l’ordre.
En Occident, la mission de l’évêque et du prêtre est associée à une forme de célibat qui, pour une théologie plus que millénaire et le magistère de l’Eglise, convient particulièrement à leur "état", qui est de manifester sacramentellement le Christ comme Epoux de l’Eglise.
Le vie consacrée, quant à elle, ne repose pas sur un sacrement spécifique, mais sur la volonté et l’engagement de vivre ce que l’on appelle les conseils évangéliques, qui sont la chasteté, la pauvreté et l’obéissance (ce qui n’empêche d’ailleurs pas qu’un homme consacré puisse être également prêtre).
Chasteté, pauvreté, obéissance
Plus exactement, il s’agit, pour les personnes consacrées, de répondre à un appel de Dieu à vivre de façon plus particulière, plus exclusive, plus radicale, ce que tous les chrétiens sont appelés à vivre de par leur baptême. Et ce que les baptisés sont appelés à vivre, en étant plongés dans la mort et la résurrection du Christ, c’est une existence renouvelée par l’Esprit.
Or, la chasteté, la pauvreté et l’obéissance formulent en quelque sorte les trois aspects essentiels de ce qu’est la vie nouvelle, la vie selon l’Evangile, inaugurée par la résurrection du Christ.
La chasteté, c’est le fait de vivre sa sexualité dans le don de soi et le respect de son conjoint.
La pauvreté, c’est le fait de vivre selon l’essentiel, dans une forme de détachement par rapport aux biens de consommation.
L’obéissance, c’est le fait de vivre, autant que possible, selon ce que Dieu veut pour nous.
Chaque chrétien(ne) est appelé(e) à vivre selon l’Esprit de l’Evangile. Mais certaines personnes sont appelées à réaliser ces différentes dimensions de l’évangile de façon plus particulière, en professant des vœux.
En quoi consiste dès lors cette particularité, et à quoi sert-elle?
En consacrant sa vie dans le célibat, la pauvreté, et l’obéissance à une règle et à un supérieur, la personne manifeste que l’amour de Dieu est non seulement l’essentiel, mais qu’il peut combler toute une existence. Et ce dans chacun de ses aspects les plus importants: la vie spirituelle et affective, la vie matérielle, la vie comprise comme liberté autonome.
Ces trois vœux impliquent certes une forme de renoncement, mais qui consiste à laisser toute la place possible à la présence effective de Dieu, qui vient combler la personne dans ce qu’elle… possède de plus intime.
A quoi cela sert-il ? Au sens strict, à rien, mais c’est là, précisément, que réside sa valeur pour l’Eglise, mais également pour la société dans laquelle nous vivons. La vie consacrée a ainsi une valeur prophétique, dans le sens le plus fort du terme : annoncer, par le témoignage de sa vie, que l’amour de Dieu est ce qui, seul, peut combler le cœur de l’homme, et donner sens à sa liberté et à ce qu’il possède.
Christophe HERINCKX
"La vie consacrée, si elle reste solide dans l’amour du Seigneur, voit la beauté. Elle voit que la pauvreté n’est pas un effort titanesque, mais une liberté supérieure, qui nous donne Dieu et les autres comme les vraies richesses. Elle voit que la chasteté n’est pas une stérilité austère, mais le chemin pour aimer sans posséder. Elle voit que l’obéissance n’est pas une discipline, mais la victoire sur notre anarchie, dans le style de Jésus."
Extrait de l’homélie du pape François la Journée mondiale de la vie consacrée, 1er février 2020