C'est le collège français le plus connu du moment. L'école "Stanislas", à Paris, suscite des débats passionnés au sein de la sphère politique. Depuis que la nouvelle ministre de l'Education, Amélie Oudéa-Castéra a confirmé y avoir mis ses enfants, des trombes d'accusations tombent sur l'établissement privé catholique. Mais que reproche-t-on réellement à Stan' ? Un intégrisme religieux latent ? Ou simplement d' "oser" dispenser un enseignement catholique ? Brève chronologie des faits...
C’est une polémique dont le collège Stanislas, en France, se serait bien passé.
Le 12 janvier dernier, Amélie Oudéa-Castéra, fraîchement nommée ministre de l’Education, annonce avoir mis ses enfants dans le privé, à Stanislas. La déclaration fait grand bruit. À compter de cet instant, tous les regards se tournent vers l’établissement catholique du 6e arrondissement de Paris. Le site d’information Mediapart fait remonter des infos, des témoignages d’élèves dépeignant un univers sexiste, homophobe et autoritaire à "Stan’".
Pour étayer leurs affirmations, Mediapart va jusqu'à rendre public un rapport de l’inspection générale de l’Éducation nationale, daté de juillet 2023, concernant Stanislas. Ce rapport de 30 pages, remis au ministère de l'Éducation le 1er août mais jamais rendu public, évoque notamment des "dérives" dans les cours de catéchisme, dans l’éducation à la sexualité, ainsi que dans l'observation des programmes.
« Certains catéchistes expriment des convictions personnelles qui outrepassent les positions de l’Église catholique, par exemple sur l’IVG en tenant des propos remettant en cause la loi, ou susceptibles d’être qualifiés pénalement sur l’homosexualité », peut-on notamment y lire. Le rapport demande à Stanislas de se mettre en conformité avec la loi.
Homophobie, sexisme, absence d’éducation à la sexualité ou cours religieux obligatoires... Depuis la publication du rapport d’inspection, le directeur de Stanislas conteste toute dérive. D’anciens élèves rencontrés par Mediapart répondent.
👉 https://t.co/RANhqVRqHj pic.twitter.com/csVEX8LBZn
— Mediapart (@Mediapart) January 27, 2024
Comme évoqué précédemment, depuis début août, le ministère de l’éducation refusait de rendre publique cette enquête administrative visant l’établissement catholique où sont scolarisés les enfants de l'actuelle ministre. Pour de nombreux observateurs, notamment Hadrien Brachet, journaliste chez Marianne, "cette politique du silence, habituelle au sein de l'Éducation nationale, soulève une question : celle du manque de transparence dans son traitement des établissements privés".
"Établissement hors-la-loi"
Aussitôt les faits évoqués, les politiciens, majoritairement de gauche, s’emparent du sujet. Ainsi, sur X (ex-Twitter), un député de la France Insoumise, Paul Vannier, exige du gouvernement "qu’il rompe le contrat d’association" avec "cet établissement hors la loi".
Le climat homophobe, les atteintes à la liberté de conscience, la culture du viol qui règnent à #Stanislas mettent en danger les élèves.
Cet établissement hors la loi doit être mis hors d’état de nuire.
La situation exige du gouvernement qu’il rompe le contrat d’association. https://t.co/DSx3o4vkw8
— Paul Vannier (@PaulVannierFI) January 28, 2024
Ce mercredi 31 janvier, c'est au tour des élus socialistes du 'groupe Socialiste, Écologiste et Radical' au Conseil Régional d'Île de France de réclamer l'arrêt des subventions au lycée Stanislas.
Nous demandons la suspension des subventions au lycée Stanislas !
Aujourd'hui, @vpecresse propose de leur verser 917 000€.
Discours homophobes, sexistes et humiliations à répétition... L'@iledefrance doit être garante de la sécurité physique et morale des lycéens. pic.twitter.com/YZQmtrCQOw
— Groupe Socialiste, Écologiste et Radical (@GroupeSER_idf) January 31, 2024
Petit point d'éclaircissement quant au principe de "contrat d'association" cité par le député Paul Vannier ci-dessus :
Le collège Stanislas (comprenant collège, lycée et classes préparatoires) est un établissement privé catholique sous contrat d'association avec l'État fondé en 1804 par l'abbé Claude Rosalie Liautard. En France, les établissements scolaires sous contrat d’association représentent la grande majorité des établissements privés. Ils ont pour obligation d’accueillir les enfants sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyance.
L’enseignement y est dispensé conformément aux règles et programmes de l’Éducation nationale. En contrepartie, ces établissements perçoivent de l’État des subventions de fonctionnement et leurs enseignants sont rémunérés par l’Éducation nationale.
Après la publication de ce rapport par Mediapart, la Ville de Paris a annoncé suspendre provisoirement son financement à Stanislas. La municipalité, qui avait alloué l'année dernière plus de 1,3 million d’euros à l'établissement scolaire du VIe arrondissement, est dans l’attente de « clarifications ». Tout autre son du cloche du côté de la région Île-de-France qui, réuni ce mercredi en commission permanente, a voté une première enveloppe de 917 000 euros en faveur du lycée Stanislas. Lors du vote, la présidente LR du conseil régional, Valérie Pécresse, a affirmé « appliquer la loi ».
Classes non-mixtes : L'ex-ministre de l'Education, Jack Lang, monte au créneau !
Autre info relevée par Mediapart : la ministre de l'Education a fait le choix de classes-non mixtes pour ses trois garçons. Une pratique certes légale, mais qui a fait bondir Jack Lang, ministre de l’Education sous Mitterand.
Sur X, il rappelle qu’en 1992, sous sa mandature, "des engagements avaient été pris" par l’enseignement privé catholique "en faveur de la mixité entre les sexes". "Manifestement, votre établissement ne respecte pas l’esprit de cet accord", accuse-t-il, s’interrogeant lui aussi sur la participation financière de l’Etat à Stanislas.
Cet accord avait mis fin à de nombreuses années de guerre scolaire. Il était fondé sur la reconnaissance de la mission de service public que doit accomplir l’enseignement privé, en contrepartie des efforts financiers, considérables, consentis par l’Etat. 3/5
— Jack Lang (@jack_lang) January 26, 2024
Dès lors, il serait légitime que l’Etat s’interroge sur sa participation financière au fonctionnement de votre établissement et s’assure du strict respect des obligations qui vous incombent. 5/5
— Jack Lang (@jack_lang) January 26, 2024
"Les accusations de sexisme, d'homophobie et d'autoritarisme ne sont pas retenues par les inspecteurs !"
A droite de l’échiquier, l’on voit dans cette polémique une simple cabale politico-médiatique : "Que reproche-t-on à #Stanislas? Quelque chose de follement original et audacieux pour un établissement catholique : dispenser un enseignement catholique !" décrypte avec ironie Alexandre Devecchio, journaliste au Figaro.
"Que reproche-t-on à #Stanislas ? Quelque chose de follement originale et audacieux pour un établissement catholique : dispenser un enseignement catholique !
Figurez-vous qu’on y donne des cours d’instruction religieuse. Ceux qui le souhaitent peuvent même avoir accès à des… pic.twitter.com/9vhT5TFurT— Alexandre Devecchio (@AlexDevecchio) January 21, 2024
Invité sur le plateau de BFM TV, Frédéric Gautier, directeur de Stanislas, réfute les diverses accusations dont fait l'objet son établissement. Il cite à ce titre un courrier envoyé par la cheffe de l'inspection générale : "A l'issue de l'enquête, les accusations de Mediapart de sexisme, d'homophobie et d'autoritarisme ne sont pas retenues par les inspecteurs".
Plus loin, il réaffirme les valeurs de Stan' : "Les valeurs de Stanislas, ce sont les valeurs d’une école catholique. Les valeurs d’une école catholique sont référées à l’Evangile." Dans cette optique, Frédéric Gautier explique "avoir deux légitimités à tenir" : "Je suis le directeur d’une école catholique et donc j’ai une double légitimité dont il faut que je rende compte. La première légitimité, c’est du côté de l’Eglise catholique puisque je suis un établissement catholique. La deuxième légitimité, c’est du côté de la République puisque je suis un établissement associé à l’état par contrat." De quoi rassurer les téléspectateurs face aux accusations d'intégrisme d'intégrisme catholique qui s'abattent sur Stanislas depuis mi-janvier.
Pour autant, les propos du directeur du lycée catholique n'ont pas vraiment rassuré les politiciens de gauche. Au contraire ! En témoigne ce tweet d'un autre député La France Insoumise :
Tranquillement le directeur de #Stanislas affirme que la loi de l’Eglise passe pour lui avant celle de la République.
Il refuse de condamner les propos homophobes expliquant que « ce n’est pas la question ».
Il faut couper les financements publics et fermer cet établissement. pic.twitter.com/ttNRGPizoz— Thomas Portes (@Portes_Thomas) January 21, 2024
Affaire à suivre...
En attendant, les professeurs et les élèves de Stanislas dénoncent des «fantasmes» autour de leur école. "Moi, j'ai été un peu blessé. Dire que c'était homophobe, je trouve ça assez choquant. J'ai des amis homosexuels à Stanislas qui le vivent très bien et moi, je défends énormément cette cause. Le sexisme, c'est pareil" a répondu Paul, 16 ans, au micro d'Europe 1. "On a l'impression qu'on doit s'excuser d'être dans le privé. Mes parents ont travaillé pour m'offrir ça. Je pense que c'est une chance pour moi", conclut l'élève de Stan'.
Clément Laloyaux (avec Marianne et Mediapart)