Ce dimanche 3 décembre s’ouvre le temps de l’Avent, et une nouvelle année liturgique. Ce temps nous prépare à fêter la naissance du Christ, mais également son avènement en nous et son retour à la fin de l'Histoire. Cette préparation consiste à répondre à cet appel : "Veillez !"

Chaque année, l’Avent nous prépare à célébrer la Nativité de Jésus, qui marque l’avènement du Règne de Dieu, l’Alliance nouvelle qu’Il scelle avec l’humanité. Tel est, d’ailleurs, le sens du mot "avent": venue, ou avènement (du latin adventus). L’Avent nous prépare à revivre la venue du Fils unique de Dieu dans notre chair, dans notre Histoire, il y a quelque deux mille années. Se rappeler que Dieu est entré dans l’Histoire est essentiel pour le chrétien. Pour d’autres courants spirituels, aujourd’hui comme dans le passé, le monde et son histoire ne sont qu’une illusion à laquelle il faut échapper pour accéder au salut, qui réside dans une autre dimension.
Accueillir le règne de l'amour
Pour la foi chrétienne, au contraire, l’humanité est sauvée au cœur même de son histoire. Dieu, en effet, est intervenu dans le temps des hommes, et Il veut le conduire à son accomplissement. Autrement dit, c’est l’histoire des hommes, et notre histoire à chacune et chacun, avec tout ce qu’elles comportent, qui sont destinées à s’accomplir spirituellement, à être divinisées, comme d’ailleurs toute la création. Cet accomplissement commence le jour de Noël, qui inaugure le Royaume de Dieu, cette "autre dimension", ici-bas.
L’avènement du Fils de Dieu, par la naissance de l’enfant de la crèche, renvoie cependant à deux autres "avents", qui lui sont étroitement liés, et qui sont également mis en valeur pendant le temps liturgique de l’Avent. Ce temps consiste aussi à nous préparer à la venue du Christ et du Règne de Dieu en nous, à accueillir le règne de l’amour, au cœur de notre intimité la plus profonde – ce que la philosophie occidentale classique appelle notre "âme", et que les spiritualités d’inspiration orientales appellent volontiers notre "conscience" ou notre "moi profond".
C’est là que Dieu veut établir sa demeure, en esprit et en vérité. Enfin, la liturgie veut porter notre regard sur l’avènement futur et pleinement accompli du Christ, à la fin des temps, et donc sur l’accomplissement annoncé de nos vies et de l’univers entier, dans la victoire définitive de l’Amour sur le mal et sur la mort.
Veiller...
Comment, concrètement, nous préparer à ces trois avènements : celui de la première venue du Messie, le jour de Noël, l’avènement spirituel de Jésus, en nous, et l’avènement du Christ en gloire, à la fin des temps ? Cette préparation tient en un seul mot : veiller. L’évangile du premier dimanche de l’Avent, cette année, nous le rappelle : "Veillez donc, car vous ne savez pas quand vient le maître de la maison, le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin ; s’il arrive à l’improviste, il ne faudrait pas qu’il vous trouve endormis. Ce que je vous dis là, je le dis à tous : Veillez !" (Mc 24, 13,35-37).
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Veiller. Se réveiller, se tenir en éveil. Ne pas oublier que le Seigneur doit revenir à la fin des temps, se tenir prêt pour ce grand bouleversement qui doit arriver, et qui signera l’accomplissement de toutes choses en Dieu, y compris nos existences.

... et attendre activement la venue du Christ
Ne pas oublier qu’Il va venir, cela veut dire aussi : l’attendre, préparer activement sa venue, participer au travail de Dieu. Ce travail, Dieu l’a commencé en suscitant l’univers par amour. Il le poursuit en faisant grandir les êtres spirituels que nous sommes, et qu’Il appelle à partager sa propre Vie. Ce travail, pareil à celui d’un enfantement, est entré dans sa phase finale avec la venue, la mort et la résurrection de son Verbe fait chair. Ce travail, Dieu le poursuit aujourd’hui par l’Esprit de son Fils, qui agit en nous et à travers nous, nous rendant semblables à Lui.
C’est à ce travail que, tous, nous sommes appelés à participer, car ce n’est qu’à travers nous que Dieu peut changer le monde, le rendre meilleur, habitable pour chacune et chacun, sans exception. Cette participation est possible, à notre modeste niveau, si nous laissons l’Esprit, qui est en nous, nous habiter, nous imprégner, et imprégner chacun de nos actes.
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Le laisser naître et grandir en nous
Ne pas oublier que Jésus est déjà venu, attendre son retour, cela veut dire aussi être attentif, être éveillé à sa présence, ici et maintenant. C’est là, peut-être, la meilleure façon de préparer son ultime avènement : le laisser naître et grandir en nous, accueillir sa Présence en nous, Lui qui est là, en Esprit, au plus profond de notre être. C’est en accueillant cette Présence qu’elle se rendra de plus en plus présente dans tous les aspects de nos vies, aussi les plus concrets, les plus quotidiens.
L’accueil de cette Présence suppose que nous arrêtions nos activités à certains moments, que nous nous retirions dans le silence, à un moment de la journée, pour rentrer en nous-même. Aujourd’hui, de nombreuses personnes redécouvrent qu’elles ont une vie intérieure. De nombreuses personnes pratiquent différentes formes de méditation, à l’aide de méthodes simples, accessibles, afin de (re)trouver un équilibre intérieur.
La porte de notre "moi" profond
Or, la tradition spirituelle chrétienne, tant orientale qu’occidentale, regorge de maîtres en méditation, en oraison, dont les enseignements sont tout aussi accessibles. Pensons à saint Augustin, sainte Thérèse d’Avila, sainte Elisabeth de la Trinité, Charles de Foucauld, Frère Roger de Taizé, et bien d’autres… Leur expérience peut nous aider à faire taire le bruit qui est en nous, et à tourner notre regard vers l’intérieur. Non pour faire le vide, mais pour y découvrir, peu à peu, Celui qui est en nous-même, en même temps qu’au-delà de nous-même, la Présence de Celui qui nous habite et qui nous permet de nous réaliser véritablement.
"Voici, je me tiens à la porte et je frappe", dit Jésus dans l’Apocalypse. "Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui et je prendrai la cène avec lui, et lui avec moi." (Ap. 31 20). La porte à laquelle frappe Jésus, c’est celle de notre "moi" profond, de notre âme. Dieu lui-même ne peut forcer cette porte, il ne le veut d’ailleurs pas. Il ne peut entrer que si nous lui ouvrons la porte, si nous l’accueillons, peu importe si notre accueil s’avère bien pauvre. Lui-même ne s’est-il pas fait le plus pauvre, le plus fragile d’entre nous ?
Christophe HERINCKX